… Dans trois semaines, je serai en train d’écouter ma cousine chanter…
Mais avant, je suis curieux de voir ce que le Camino va m’apporter d’autre…
Donc, comme je disais, deux, non, trois Québécoises ici, ce soir: Eugénie, Nathalie et Nathalie. Les deux premières sont amies d’adolescence et se promettaient de faire le Camino depuis deux ans au moins. La troisième travaille au même endroit que la seconde, elles s’en sont aperçu par hasard en jasant ce soir. Les deux premières prennent leur temps, je doute de les revoir; la troisième se lève un peu plus tôt que les Allemands, j’ai de fortes chances de la retrouver en chemin.
Ensuite, je suis allé souper plus vers le centre, à l’endroit où je m’étais arrêté tantôt.
Grande table, nationalités variées, paëlla géante, vin, salade, dessert… Et deux récits de Manuel, l’aubergiste: le premier porte sur l’histoire de la paëlla, le second, sur sa propre histoire. Il m’a permis de la reprendre; j’espère ne rien oublier.
Un jour, il s’est trouvé fatigué de vivre de petit contrat en petit contrat, trois mois ici, un an là… à faire des boulots qui ne l’intéressaient pas tant que ça, voire pas du tout. Il a quitté son emploi, fait son sac et est parti sur le Camino. Pas pour se trouver une job, mais bien pour se trouver lui-même.
Le long du chemin, il est passé par une auberge dont les valeurs lui ont plu. En revenant chez lui, à Barcelone, il est allé voir sa famille pour dire à tout le monde qu’il les aimait beaucoup, mais qu’il repartait faire sa vie sur le Camino. Il est retourné travailler à cette même auberge.
Un jour, une pèlerine Bulgare est passée, Le courant s’est tout de suite établi entre eux. Le lendemain, elle est repartie, en disant qu’elle reviendrait peut-être. Manuel s’est mis à compter les jours, puis s’est éventuellement dit qu’elle arriverait probablement… demain! Mais Svetlana avait marché deux fois 44 km par jour, elle est arrivée le soir même! Manuel nous a dit que ses sentiments étaient comme un cheval en folie!
Svetlana est repartie… puis revenue un mois et demie plus tard, avec un sac à dos plus gros… Ils ont travaillé ensemble à l’auberge, puis se sont ouvert un café, puis un autre, puis finalement l’auberge où ils sont présentement, à Hontanos.
Il nous a parlé de ce que pouvait être le Camino pour chacun d’entre nous, en utilisant une image: une roche dans la rivière, qui fait une onde qui s’élargit. Il nous souhaite, tous ensembles, de créer une onde de plus en plus large, de plus en plus englobante, un peu à l’image de ce souper partagé entre plusieurs nationalités, entre des frères et sœurs humain(e)s.
Puis ili a chanté, en s’accompagnant juste de ses mains… c’était émouvant!
Avant de partir, je lui ai posé une question… J’ai entendu parler, de source sûre, d’un pèlerin qui, après avoir vomi toute la nuit, n’a même pas osé demander rester à l’auberge où il était, passé 8h (de qui en dit long sur la solidité de la culture de la sortie obligatoire lorsque c’est l’heure!); que ferait Manuel?
Il a eu l’autre jour quelqu’un qui avait une migraine trop forte pour pouvoir partir; il l’a gardé, le temps nécessaire. Il m’a dit aussi qu’il ferait ce qu’il peut faire, dans un cas grave, et que s’il ne pouvait rien faire, il s’occuperait de faire venir les secours compétents.
Ça me rappelle que Jésus a dit, il me semble, que le Shabbat a été inventé pour l’humain, et non l’humain pour le Shabbat, ou quelque chose du genre…
… Pour voir Manuel et Svetlana, passez à l’Hostal Fuentestrella!
… Et à l’Albergue Juan de Yepes (excellent dodo)
English digest: had paëlla, a story and a song, all very moving.