De Hospital de Orbigo à El Ganso (20e étape, mercredi 7 juin 2017)

Ce matin, je me suis levé tard… Malgré un solide ronfleur, j’ai dormi comme une bûche. Je suis parti vers 7h15. Tant qu’à partir si tard, j’ai écrit à Britta, qui m’avait dit qu’elle partirait vers la même heure, et l’ai attendue en déjeunant au village suivant, Villares de Orbigo.

Nous repartons et dépassons un homme dans une côte pas loin. Je dis « Bonjour » et il répond et je sais que c’est le Québécois que j’ai entendu la veille! Nous jasons jusqu’au village suivant, San Isidoro de Valdeiglesias, il s’appelle Benoît et son histoire a fait l’objet de mon Esquissé passé précédent.

En reprenant notre marche, la conversation avec Britta roule sur les autres gens vus ce matin en déjeunant; il y avait entre autres un jeune couple composé d’un Français et d’une Bulgare, si ma mémoire est bonne. Je raconte à Britta que, la veille, je les ai vus à l’hospital. L’hospital en question… Voir le billet lexical… est aussi la résidence du curé de la paroisse, lequel curé anime chaque soir un groupe de discussion, auquel je n’ai pas assisté. Ensuite, Angelika l’a conduit dans la salle où je tentais à la fois de télécharger des photos et de recharger mon cellulaire. Oui, des photos… J’ai entendu les commentaires disant qu’avec des photos ce serait mieux. J’y travaille, croyez-moi, ce n’est vraiment pas si simple que ça peut en avoir l’air.

Donc, bref, le curé arrive et parle avec Stanislaw un bon moment, je comprends qu’il est question de bobo et de transport. Angelika amène ensuite la jeune Bulgare et la présente au curé en disant qu’elle souhaite agir comme bénévole l’an prochain. Le curé est réjoui et dit plein de choses qu’Angelika traduit. Arrive ensuite le jeune Français, Lucas, qui dit que lui aussi veut être bénévole l’an prochain… pour être avec la Bulgare (désolé, son nom m’a échappé). Le curé est ravi pareil. Le jeune homme donne au curé un petit collier qu’il a fait avec des fleurs séchées, je comprends qu’il en fait un par jour et en a donné un à la jeune femme.

Le curé a aussi jasé avec moi, par après. Je lui ai dit que je ne savais pas si j’étais un pèlerin ou un simple marcheur, lui est catégorique, je suis un pèlerin. Bon.

Retour à la marche de ce matin. Je repense au jeune homme qui me semble très épris, à la jeune femme qui est parfois très proche, parfois moins… Je m’arrête, me penche et prends un caillou. Britta me demande pourquoi? Je lui parle de la Cruz de Ferro, où nous allons bientôt passer [note: demain, en fait, dans mon cas], où traditonnellement, les voyageurs laissent une roche qui représente quelque chose dont ils veulent se débarrasser; je crois avoir mentionné que Jürgen a deux roches dans ses affaires… Ce caillou est, pour moi, pour toutes les fois où je suis arrivé deuxième, amoureux transi, n’osant pas, espérant très fort…

Marche… Britta parle de son rôle de gestionnaire à son entreprise, et c’est très intéressant. Elle a conscience du côté théâtral de la chose. J’ai le sentiment de parler avec une artiste d’une autre discipline que toutes celles que je fréquente d’habitude, mais une artiste pareil.

Descente, remontée, redescente… Je donne un caillou à Britta pour sa peur de parler français… Voir le billet sur la langue française. Puis, je ne sais pas ce qui m’a inspiré pour ça, j’en prends un pour toutes les fois où je n’ai pas parlé assez fort ni clairement pour être entendu.

Nous dînons à Astorga, très jolie ville, avec une, puis deux autres Allemandes, voir le billet sur Sylvia… Puis c’est le moment des adieux. Nous convenons, avec Britta, que si elle arrive à Santiago le 20, nous allons souper ensemble pour mon dernier soir en Espagne. Son amoureux l’aura peut-être rejointe. Je suis curieux, c’est un comédien!

Je reprends ma route en solitaire, au soleil. Sauf que… j’aurais dû passer à la toilette avant de repartir. (Ça paraît que je n’ai pas trop d’entraînement de camping, je crois…)… Rien en vue. Je fais un détour par le village suivant, cherchant un café… Une dame m’appelle de loin, en me disant qu’elle est l’hospitalière du village, demandant si je cherche l’auberge. Je lui explique mon cas, elle me dit qu’il n’y a rien au village et m’invite à passer par son auberge. Elle ne me demande rien en échange. Merci! Alors que tant de cafés refusent leurs salles de bains aux voyageurs qui ne sont pas clients… Si vous passez par là, allez voir Martha à l’albergue Ecce Homo.

… Quelques kilomètres plus loin, mes soucis ne sont pas totalement dissipés, alors je veux refaire le même coup à la dernière auberge avant 5 km de désert… Pas de souci… sauf qu’eux chargent 1 euro pour l’usage de la toilette. La dame me demande si je veux rester pour la nuit. Non. Et je ne la recommanderai pas.

Je repars, donc, traverse un village puis un second, El Ganso, avant de m’arrêter à l’Albergue Galbino. En entrant, il y a du violoncelle qui joue! Un CD de John Fellingham, que je ne connais pas du tout… Mais tout de même!

Pas de bière de fin d’étape ici, mais il y a une petite épicerie plus loin. J’y vais donc, et le même disque joue là aussi! Les deux fois, j’entends Vincero, de Puccini…

Je réserve le souper chez la mère de l’aubergiste… et finis par me rendre compte, avec 15 minutes de retard, que c’est justement à l’épicerie que je dois aller.

Je me retrouve à table…
[juste comme j’écris, le disque, qui tourne en boucle, recommence à jouer Vincero! Je jure sur mon honneur que rien de ce que je raconte n’est scripté, du moins pas à ma connaissance!]
À table, donc, avec Fernand et Michel, deux Luxembourgeois que je connaissais pour les avoir vus chez l’hospitalero chanteur, et avec Michaël, un Suisse qui ne parle pas français. Michaël parle le premier, en comparant Roncesvalles d’aujourd’hui avec ce que c’était il y a conq ans: les derniers arrivés étaient logés dans un bâtiment sans chauffage et mis dehors à 6h du matin!!! Il ajoute qu’il a été surpris, la première fois (c’est présentement son 3e Camino), par la quantité de monde sur le chemin, mais que, justement, il a de la difficulté à faire face au monde, et que le Camino donne à chacun ce dont il a besoin.

Je demande à Michaël s’il vient de la Suisse anglaise… Il commence par répondre que ça n’existe pas… puis il voit mon petit sourire. Je lui explique que, maintenant qu’il est plus à l’aise de faire face aux gens, je vérifie s’il est aussi capable de faire face aux questions farfelues. Il me demande s’il a passé le test; je lui réponds: avez-vous passé le test? Il hésite et réfléchit avant de dire qu’il pense que oui. Je lui dis alors que oui, il l’a passé. Il trouve la question intéressante… Puis se lève et va fumer dehors.

Parlant ensuite avec les deux Luxembourgeois, je découvre que Fernand est le papa de Michel. C’est Fernand qui, l’autre matin, est parti avec le sac à dos de Dave, l’Australien! J’ai omis de conter ce drame, je crois… Toujours est-il qu’après une matinée rocambolesque, chacun a retrouvé ses affaires.

Michel, qui est né avec un handicap (je lui ai demandé ce qui était arrivé à ses mains, il m’a dit que c’était de naissance) arrive vers la fin d’un an de congé sans solde. Il a fait de la plongée en Asie puis fait le Camino avec son père… J’ai su leur relation en demandant depuis combien de temps ils se connaissaient… Michel veut aller jusqu’à Finisterra, Fernand a le mal du pays. Michel se demande ce que ce sera de rentrer chez lui… Va-t-il avoir envie de mettre ses bottes et de repartir? Il est travailleur social dans un organisme mixte, mais surtout gouvernemental, qui distribue des repas presque gratuits (50 centimes d’euro) aux nécessiteux de Luxembourg. Il raconte qu’un jour, un évadé est venu prendre un repas et qu’il ne l’a pas dénoncé. Son père joue le scandalisé, mais je crois qu’au fond il est fier de son fils.

[comme je tape, Lili Marlene vient de céder la place à Danny Boy…]

En rentrant à l’auberge, pour recharger mon cellulaire et écrire tout ceci (dire qu’hier matin, je me demandais si j’aurais quelque chose à raconter, au moment où je marchais seul!], Michaël vient me voir et me dit que j’ai amené une touche de couleur particulière à son Camino et que nous allons certainement nous reparler. Àa me touche profondément.

Puis, comme finalement je vais commencer à écrire, Lily, une Chinoise de Taiwan (qui fait du yoga!) avec qui je n’avais communiqué que par sourires depuis quelques jours, me dit qu’il y a du thé juste ici! Elle m’a entendu en parler en sortant de la salle à manger! Bien, ça m’évite d’aller m’acheter un autre cidre. Elle parle français avec une joie assez évidente, c’est très chouette.

Il est 22h23, je devrais déjà être couché mais il me reste le billet lexical à écrire, et à mettre tout ça en ligne, et à plier mon restant de linge (j’espère qu’il est sec!).

Bref, j’ai passé une journée magnifique sur notre belle planète, je me suis senti privilégié tout le long, d’abord de vivre, ensuite de voir et entendre toute cette beauté autour de moi, puis aussi toutes ces conversations et toutes ces histoires.

Vous qui me lisez, je vous en souhaite tout autant pour demain.

English digest: it was a great day!

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.