Alors donc, oui, Rabanal, puis Foncebadon, puis la montée vers la Croix de Fer. Montée relativement douce, avec une vue magnifique sur la plaine que je quitte.
Rendu à la Cruz de Ferro, je dépose la collection de cailloux que j’ai ramassés, chaque fois que j’ai pensé à une bibitte que je voudrais laisser tomber. Une Espagnole me prend en photo, en retour de service.
Le chemin continue au sommet, avec de nouvelles montagnes:
Un village en ruine où il devait y avoir quelqu’un que je n’ai pas vu, je n’ai rencontré que le chien:
J’ai aussi rencontré des vaches aux cornes fort élégantes:
Je ne me suis pas arrêté pour prendre une pause à une caravane super équipée; ça a pris quelques centaines de mètres avant que mon pied gauche me le pardonne…
Puis je suis arrivé de l’autre bord, là oùo la vue est devenue époustouflante… et la descente, vertigineuse. Vraiment, la descente la plus exigeante depuis le début de mon voyage. Comme trois fois l’Alto du Perdon, entrecoupées de descentes moins pires. Là, mes deux pieds étaient fâchés. Petite pause à El Acebo, où l’hospitalero paroissial m’a donné deux yaourts et de l’eau, puis j’ai continué, voulant me rendre à Molinaseca, mais… mon pied gauche a dit « basta » à Riego de Ambros. Bien. Je vois l’annonce d’une pension où on parle français. J’y vais, chambre individuelle avec toilette privée, pas trop chère, espace pour faire du yoga, youppi!
J’écris aux amis qui me suivent, Roberto et Adriana, mais aussi Britta, Andrea et Tina, pour les mettre en garde contre la descente. Tina n’a pas encore réagi à l’heure où j’écris, les autres sont contents.
La dame de la pension m’indique un resto, « le » resto du hameau. J’y vais. La vue est superbe. En descendant, je m’aperçois que Michaël est assis près de la rambarde. Comme j’ai mis sur le tas le caillou pour-me-permettre-d’oser-faire-ce-que-j’ai-envie-de-faire, je m’invite à sa table! Il accepte le fait établi en souriant un peu, m’indique ce qu’il a commandé (j’imite presque tous ces choix, et ne le regrette pas! C’est excellent!)…
Et commence la conversation la plus incroyable de mon voyage! J’ai l’impression d’avoir mon double négatif sous les yeux: il aime faire voler des avions mais n’a pas aimé être pilote; il a conscience de la variabilité des choses, il suit ce qu’il aime et a le goût de faire, il n’est pas dans les groupes (il dit qu’en fait, il est dans le groupe; c’est les autres qui n’y sont pas!), articulé, écorché vif, charmant, discret, gauche, brillant… Sens de l’humour à la germanique, comme je commence à apprécier, il dit, entre autres, que la sagesse ne s’enseigne pas mais qu’elle s’observe, me parle de Hermann Hesse, de comment il marche, parfois même court dans des descentes vertigineuses comme celle d’aujourd’hui, sans se poser de question, en laissant ses pieds aller là où ses yeux les guident sans pourtant observer, et en se laissant glisser s’il glisse…
Il ne fait pas de yoga; pourtant, il me semble avoir conscience de l’illusion qu’est ce monde, avec plus d’acuité que toute la classe de Gaël mise ensemble… Du moins, à l’heure de mon cours individuel, mettons.
Je ne peux même pas dire tout ce que nous avons échangé. Seulement que c’est le cadeau le plus troublant du Camino, et peut-être le plus précieux. Je sens que j’en ai pour des mois à laisser remonter tout ça.
En partant, j’avais ça sous les yeux:
English digest: Camino is amazing!
Bonjour Nicolas, j’ai voulu te faire un cadeau aussi et t’envoyer un texte par l’entremise de Suzie. L’as-tu reçu ?
Oui! Je vais le publier, avec ta permission; en plus, ça a beaucoup de sens avec ma conversation d’hier! Tu vas voir…
Merci Éliane et Nicolas pour ces partages.
J’ajouterais que le plaisir ressenti en étant témoin de musiciens qui jouent avec bonheur est contagieux, comme celui éprouvé lorsque l’on a la chance de jouer ensemble.
Par ailleurs, les résultats d’audition sont sortis et C-W a la 3ième chaise. Il a reçu des félicitations pour sa pièce au choix et était très content, soulignant « l’effet bénéfique et motivateur de la présence de son prof qui lui fixe des objectifs et lui lance des défis ». Wow: belle perspective!
Bon derniers un peu moins de 200 km… les bottes de marches doivent être franchement bien cassées
🙂