Première gig d’après Camino (Sainte-Thérèse, samedi 24 juin 2017)

Caroline, ma violoniste, s’est gentiment offerte pour venir me chercher et transporter vers le lieu de la gig. J’apprécie, vraiment. Elle m’attend au coin de la rue. En fait, elle est sortie de sa voiture et marche à ma rencontre, en robe bleue, veste blanche, lunettes fumées, une vraie star! J’ai d’ailleurs pris un moment à la reconnaître, tellement j’étais sous le choc!

Sainte-Thérèse ressemble à Montréal, en ce sens qu’il y a des travaux juste là où nous voulions aller. Détours, recherche, complications… Nous finissons par arriver, un peu trop juste pour être à l’aise avec notre horaire. Mais bon, tant pis, c’est arrivé comme ça.

Après un petit moment, Samia vient me rejoindre à l’accueil: c’est la responsable des loisirs, très gentille, très sympa, très jolie… Elle nous reçoit, nous installe dans une petite pièce où laisser nos étuis, puis se propose de me faire visiter les endroits où nous allons jouer: six lieux en tout, à environ 20 minutes par endroit. Je lui demande si elle veut bien nous accompagner; ce n’était pas prévu à son horaire… mais elle veut bien au moins nous donner un moment, le temps de nous aiguiller. Merci. Pendant ce temps, Caroline part avec une autre dame, pour faire imprimer la Passacaille de Handel-Halvorsen, que nous pensions tous deux que l’autre allait emmener…

Alors, deux salles au premier, deux salles au deuxième, une salle au troisième puis une petite salle au rez-de-chaussée. Nous commençons notre micro tournée un peu plus tard que prévu, avec la Passacaille tout de go! Caroline est bien contente d’avoir un partenaire qui ose jouer cette pièce pas toujours commode. Rendu à la variation avec les arpèges en triple-croches, je me souviens brutalement de ce qui rend cette pièce malcommode pour les violoncellistes! Bon, au moins, le sens du geste musical est là, à défaut du détail des notes…

Une ou deux autres pièces classiques, puis un ou deux folklores de la collection de mon père; je concocte un arrangement pour duo, non sans quelques hésitations… Les patients du CHSLD sont contents, du moins ceux qui peuvent le manifester. Je m’attendais à ce qu’il n’y ait pas beaucoup de réactions, mais il y en a pas mal, finalement.

Deuxième salle. Samia nous accompagne encore; elle a même recruté une collègue dont le nom m’a échappé, qui nous aide aussi à nous déplacer, et les deux amènent des patients nous écouter. Je suis touché du soin qu’elles prennent des pensionnaires, les salutations, les sourires, les attentions… En changeant d’étage, je le leur dis; tout ça leur semble bien ordinaire. Pourtant, non, ce ne l’est pas; il y a des gens qui ne font pas attention à leurs prochains…

Deuxième étage; Caroline et moi nous réchauffons, notre musique s’améliore, les réponses des patients aussi. Samia et l’autre dame sourient et nous parlent des réactions des pensionnaires, qui sourient pour la première fois depuis un bon moment, dans certains cas. Nous jouons pour un couple dont c’est le 60e anniversaire de mariage; la dame n’est plus toute là, mais elle sourit. Le monsieur décide de nous suivre et emmène son épouse nous entendre pour notre seconde séance au 2e. Une dame demande à Caroline si je suis son père… Gnarf…

Troisième étage; les préposé(e)s sont tristes lorsque nous arrivons déjà à la fin de notre petite prestation. Samia et sa collègue nous conduisent au rez-de-chaussée pour la dernière. Il y a dans la petite salle deux dames, à notre arrivée; une des deux se lamente dans une langue que nous ne comprenons pas; l’autre ronchonne contre les lamentations de la première. Je repense à Marsha qui a entendu Gordon lui parler lorsque j’ai joué Bach; je propose à Caroline de jouer le Prélude de la 1ère Suite pour violoncelle, elle acquiesce et s’assied un peu plus loin. Je joue, en regardant souvent la dame… dont les lamentations se calment, sans trop que je sache si c’est par ma musique ou par la main de Samia sur son épaule. Nous avions pratiquement fini quand Samia est arrivée avec une autre pensionnaire et nous a demandé de jouer une pièce de plus, pour qu’elle aussi puisse nous entendre. Lorsque nous repartons, la collègue dit à Samia que la préposée affectée à cette zone du CHSLD avait les larmes aux yeux, d’avoir vu une de ses patientes sourire pour la première fois.

Dans des cas comme ça, j’ai le sentiment d’avoir le privilège d’exercer un métier formidable.

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