… Oui, Noël, car l’avalanche de cadeaux se poursuit…
Il y a d’abord eu cette vague de mauvaise humeur que j’ai ressentie contre Suso, qui redemande des sous pour que je réutilise son violoncelle… Je lui écris un courriel de mauvaise humeur, vraiment: location coûteuse, état moyen de l’instrument, corde défilée, chevalet trop haut… Hargneux, je suis, et même limite méchant (pas certain d’être resté du bon côté de la limite, pour être totalement honnête)…
Il me répond que nous nous sommes mal compris, et qu’il a d’autres soucis, en même temps; sa femme est malade… Et c’est un des sujets récurrents de ses courriels, je dois dire.
… Le tout mûrit pendant l’après-midi, parce que le matin j’étais juste d’humeur très moyenne d’être allé chercher le violoncelle à l’hôtel de luxe de l’autre fois, sous le chaud soleil de Galicie (ou Galice?).
Puis, bon, déjeuner avec Marsha, qui m’offre très aimablement la chambre dans le magnifique ancien monastère San Martino Pedrino, en plein centre ville; marche dans la vieille ville, à la recherche (vaine) de la boutique où j’avais acheté mes cartes postales, l’autre jour, retour à l’hôtel, lecture de mes nouvelles, début d’écriture d’un ou deux billets…
Arrivée de Britta, qui se plante devant moi pendant quelques minutes, pendant que je lis… Vraiment content de la revoir. Son compagnon est avec elle, mais pas tout de suite; ils vont venir m’écouter tantôt… Car c’est ça l’enjeu: j’ai proposé à plusieurs personnes rencontrées en route de venir m’écouter, puisque j’ai un violoncelle en mains; Britta et Marsha ont répondu présent.
Je réfléchis encore et m’aperçois que j’ai vraiment été bête avec Suso, dont le vrai nom est Jesus… et qu’au fond, il m’a écrit qu’il n’est pas à son mieux, et je le crois; à cause de la maladie de sa femme, Jesus vit un calvaire, quoi… (excusez-la).
Je finis par lui écrire un courriel d’excuses, lorsque je m’aperçois que, pour ce qui est de mon irascibilité, mon Camino n’a même pas encore commencé…
Marsha obtient de l’hôtel l’usage d’une magnifique et vaste salle de l’ancien monastère, magnifique et qui sonne!
J’essaie un bout du prélude de la 5e Suite de Bach, mais je ne suis clairement pas assez en forme. La 3e? Ok, ça va.
17h, je vais chercher mes invités. Marsha invite une autre personne, puis il y a Britta et son compagnon, dont le nom m’échappe encore (je lui demanderai de me l’écrire à l’apéro, et comprendrai enfin que c’est Rüdiger!).
Cassado, 1er mouvement, Bach, 1ère Suite en entier (pas de reprises avant le Menuet), 3e Suite en entier (même principe). Vendredi, je n’avais pas continué au-delà du Prélude de la 3e.
Britta réagit en me disant que ce petit récital a été « son » cadeau du Camino, ce qui, en soi, est un cadeau du Camino pour moi. Rüdiger a aimé aussi. Je demande à Marsha comment elle trouve la différence entre ce que j’ai fait l’autre jour et cette fois-ci. Elle dit que c’était plus chantant, et…
Et je m’aperçois qu’elle a les yeux dans l’eau… Elle me dit alors que, dans ce que je n’avais pas joué l’autre fois, elle a entendu Gordon lui dire que tout va bien, qu’il n’est pas loin… Gordon, son compagnon, dont elle va répandre les cendres dans la baie de Fisterra, demain…
… Gordon, qui signifie violoncelle en hongrois, aussi…
Mais je dis cette parenthèse juste pour masquer que, cinq heures plus tard, au moment d’écrire ce billet, je suis encore ému juste d’y penser.
Je vais reporter le violoncelle à la boutique Galimusic, où Anai, la patronne, veut bien entendre quelques notes. Cassado, deux mouvements de Bach, elle est émue aussi. Finalement, je paie la corde…
Retour, douche, apéritif, conversation intense et agréable avec Marsha, Britta, Rüdiger et Gail, une Américaine qui passait par là… Après son départ, les choses deviennent plus sérieuses, avec Rüdiger qui nous raconte qu’à une certaine époque, il a gagné sa vie en étant chef d’une équipe de surveillants de prison, chargé de veiller sur d’anciens SS purgeant leurs peines [note a posteriori: en particulier, des gardiens du camp de concentration de Treblinka]… Et que la lecture de leurs dossiers était encore plus éprouvante que tout ce que la télé, les romans, les livres d’histoire nous ont raconté… Et que ces prisonniers, criminels condamnés, essayaient tous de faire pitié en disant qu’ils n’avaient qu’obéi aux ordres qu’ils avaient reçus. Il nous dit aussi que, lorsqu’il doit se fâcher au théâtre (il est comédien dans la vie), il repense à ces conversations et ça marche à tout coup…
Je repense, moi, à ces conversations sur l’acceptation de notre part d’ombre…
Juste avant de souper, je reçois un courriel de Jesus, qui s’excuse lui aussi…
Dernier souper en Espagne, avec Marsha. Le garçon du resto de San Martino, lorsque je demande beaucoup d’eau minérale gazeuse avec plein de citron, m’apporte… Une grande bouteille d’eau minérale pétillante avec trois énormes quartiers de citron! C’est mon dernier souper, et la première fois que j’obtiens ce que je demande à ce sujet! Je le remercie, il rit.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai envie de dédier ce billet à Gaël Huard…
… C’est pas vrai, en fait je sais pourquoi; mon irascibilité a été le sujet d’un de mes derniers cours avant de partir…
… Et maintenant, brossage de dents, préparation, dodo… Demain va venir vite… Premier vol de la journée à 6:45…
English digest: « Respire, reste dans le moment présent… »