Santiago (vendredi 16 juin 2017)

Réveillé tard! Peter, qui chialait contre mes réveils hâtifs, sort du bain lorsque je bouge enfin.

Nous sortons déjeuner vers 9h et quelques. Ensuite, pendant que Peter se lance dans sa série de cartes postales, Anita et moi marchons jusqu’à la boutique de musique pour prendre une corde de ré en réserve. Car celle sur le violoncelle de Suso menace de se défiler.

Retour autour de 11h, attente, puis lorsque Peter nous rejoint, nous contournons la cathédrale pour assister à la messe des pèlerins. Une fois dans la nef, ben coudon, déjà plus de places assises libres. Nous nous mettons dans les marches près de la sortie.

Cérémonie en espagnol, je ne comprends pas tout, loin de là, sauf vers la fin quand un concélébrant invité parle italien. La chanteuse est bonne, l’organiste est magnifique. Pensée pour mes amis organistes: votre collègue de Santiago est clairement une grosse pointure!

Puis il y a l’encensoir géant. Oui, c’est toute une manœuvre, oui, il faut huit personnes… ce qui me frappe, dans un sens musical, c’est le rythme des exécutants, qui doivent vraiment synchroniser leurs efforts, pour donner de l’élan à cet énorme machin, mais aussi la forêt d’écrans de machins électroniques qui filment le tout.

… Non, pas de vidéo de la swing de l’encensoir. De deux choses l’une: soit il est facile d’en trouver sur internet, vu le nombre de gens qui filmaient, soit, et c’est encore mieux, on peut le voir en personne 🙂

Après la messe, Peter, Anita et moi allons nous acheter de quoi pique-niquer dans le parc en face de l’hôtel. Marrant, tout de même: ce matin, j’ai fait ma seconde lessive à la main, et ce midi, mon premier pique-nique, alors que je suis dans l’hôtel de loin le plus chic et le plus cher de mon voyage!

Ensuite, moment d’organisation de la séance musicale de ce soir: réservation de la salle, réservation de la collation…

Puis je vais à la poste, m’expédier du stock dont je ne me servirai plus… Mon sac sera plus léger de 1,95 kg!

Retour à l’hôtel, moment de pratique, commençant par un changement de corde (ah, que c’était une bonne idée d’aller chercher une rechange!), puis je descends attendre les visiteurs. Parmi mes invités, seule Marsha se présente. Peter et Anita arrivent, puis Helena, Bernie et Donna. Apéritif puis petit concert.

Ça va très bien, en vérité. Le violoncelle, même en état très moyen, est content de jouer, l’archet, même un peu mou, est content aussi.  Cassado et Bach.

Le public est ravi. Me reste à apprendre à me faire payer pour ce genre de choses. Mais, cette fois-ci, c’est correct, vu l’invitation et les leçons de Peter.

Souper en ville, très bon resto. En rentrant, un miracle! Jürgen et Bernie, qui sont arrivés aujourd’hui, me voient passer! Nous finissons la soirée à cinq, avec Peter et Anita. Je suis content et ému d’avoir à la même table le début et la fin de mon Camino.

Nous sommes un peu (pas mal, en vérité) pompettes en rentrant…

Dernière minute: Anita et moi jasons en chuchotant pendant que Peter ronfle déjà.

English digest: it was a wonderful day!

La crise d’épilepsie (Santiago, mercredi 15 juin 2017)

… J’ai oublié de narrer cet épisode d’hier après-midi.

En rentrant de la boutique de musique, nous avons vu un attroupement autour d’une femme étendue par terre; elle avait l’écume aux lèvres et la langue visible. Je demande à Peter s’il sait quoi faire; il me répond que oui, mais… Il observe en passant sans s’arrêter, et dit que c’est probablement une crise d’épilepsie, qu’il faut prendre la femme et la mettre de côté en position de repos (la personne qui intervient directement fait exactement ça), ne pas toucher sa bouche pour ne pas se faire mordre (une dame vient de crier exactement ça), s’assurer qu’elle n’avale pas sa langue et respire, et appeler l’ambulance (des gens appellent); il dit qu’il peut avoir l’air froid, mais que les gens sur place font exactement ce qu’il faut, et qu’ils parlent tous espagnol à toute vitesse et que ce ne serait pas facile d’intervenir.

Il a raison.

Bon; en rentrant, je m’inscris au cours de secourisme de l’ambulance St-Jean, c’est décidé.

English digest: it was a freaking moment, but all seems to have been done in an orderly maneer.

D’Arca/O Pedrouzo à Santiago (28e étape, jeudi 15 juin 2017)

… Zut! J’ai oublié de dire à Gaël où j’en étais avant son cours de 15h30!

Parce que oui, je suis arrivé à Santiago, ce matin.

Nous sommes partis un peu avant 7h, avons marché dans un bois d’eucalyptus, dans des bois normaux, près de l’aéroport (un 737-800 de Ryanair a décollé juste comme nous passions, ouah! J’en ai eu un buzz pour un moment!)…

(Lavage de mains symbolique à Lavacolla)

(On dirait que j’ai des échasses, sur cette photo…)

Petit déjeuner en cours de route, puis collines, puis bois, puis… Subitement, une autoroute. Ah, on se rend compte qu’on a été loin de la ville pendant les dernier jours.

Et tout à coup, c’est l’arrivée officielle en ville, suivie bientôt de la bière promise.

Santiago est une très jolie ville, surtout dans les vieux quartiers.

J’ai été vraiment touché de l’attention des gens ici: ils ont fait quelque chose avec leur cathédrale pour que je me sente comme chez moi!

Blague à part, Anita et moi continuons avec Peter.

Mais, dans un sens, ça devient complètement hallucinant: Peter a décidé de se (et de nous) faire plaisir, il a pris une chambre à trois lits dans un hôtel *****!

Comme il dit, lorsque nous nous installons, ce n’est pas le Camino!

Nous retournons en ville, d’abord pour dîner, puisqu’il a trouvé un restaurant qui sert de la cuisine végétalienne (excellente, faut le dire: Malka, le nom du resto); ensuite, pour obtenir nos certificats de bons marcheurs (quand même, tsé, hein, heille!), puis… pour dégotter le violoncelle. Car Valérie, l’assistante de Peter, a bel et bien réussi à localiser un instrument. Nous traversons la ville vers une boutique de musique, laquelle nous réfère à un monsieur qui a un violoncelle mais joue plutôt du clavier… Rendez-vous est pris pour 20h à l’hôtel.

Peter et moi rentrons, allons nager un peu (que la piscine fait du bien aux pieds maganés!), prenons un peu de soleil, puis… Ciel! Il est déjà 20h! Allez, vite, on s’habille, on redescend, Suso (le gars au violoncelle) est là.

Bon; le chevalet est croche, les chevilles sont coincées dur, la corde de ré menace de se défiler, mais l’archet a de l’allure et l’instrument sonne… Il sonne d’ailleurs de plus en plus, au fur et à mesure qu’il se réveille (et moi aussi), dans le hall de l’hôtel (car les réceptionnistes n’ont pas été foutus de nous passer une pièce libre…).

Ça va, on le prend. J’envoie un mot à mes amis qui sont encore sur le chemin, pour les inviter, puis nous allons souper. Souper symbolique… Surtout deux verres de vin rouge avec des tapas (car j’ai insisté pour avoir beaucoup de tapas). Discussion avec Peter, qui est étonné de la profondeur des relations qui peuvent se nouer sur le Camino… Et moi qui pensais qu’il trichait, à passer son temps à jaser avec le monde… Ben non, finalement.

Bon; demain, va falloir voir où je vais jouer… J’ai au moins une idée de quoi, c’est un début.

Je sens que la journée va être encore plus folle que celle-ci…

English digest: arrived in Santiago, found a cello, drank wine and ate vegan. Lots of fun.

 

De Melide à O Pedrouzo (27e étape, mercredi 14 juin 2017)

Nous sommes partis après un café matinal, Peter, Anita et moi. Marche soutenue, comme d’habitude avec Peter, à part le début, le temps de réchauffer mes pieds, surtout le gauche.

Pendant le premier segment de la marche, Anita nous a fait une présentation biographique et documentaire sur Carl Jung et sa relation avec Sigmund Freud, présentation passionnante, en vérité. J’en retiens que Freud était passablement dogmatique et Jung, pragmatique. [note: Anita précise que Freud travaillait seulement sur l’inconscient individuel, alors que Jung a travaillé sur l’inconscient collectif]

Après un bon moment de marche, nous nous arrêtons pour dîner à A Calle, où nous sommes rejoints par un Américain du Colorado, âgé et totalement charmant, avec qui nous jasons. Sa femme est Galicienne, il parle français et s’appelle… Bobby Fischer!

Nous repartons. La marche est encore par beau temps, chaud, agréable. Un des sujets abordés, la pertinence d’accepter les erreurs plutôt que de les éviter… Petite réparation pour moi… La discussion se poursuit entre Peter et Anita, j’en manque des bouts mais un moment donné, je perçois qu’il est question de la mère d’Anita. Je demande quel âge elle a… Anita répond qu’elle est née en 1968… ! ! ! Bon, ok, le 23… mai… bon, ok… Petit choc du Camino.

Le temps que je récupère, nous sommes rendus à notre dernier village étape avant Santiago. Nous prenons les trois dernières places disponibles à l’albergue où nous nous présentons. Oui, il y a de plus en plus de monde. Nous sommes 18 dans une chambre pas immense, deux douches et deux toilettes pour les hommes, autant pour les femmes (du moins, je le suppose…).

… Pendant ma marche, quelques fois, et plus particulièrement lorsque mes pieds me faisaient des misères, je pensais que, dans à peine plus de deux semaines, j’enseignerai à l’académie de musique de chambre de Mana, et donc serai assis pendant plusieurs heures chaque jour… Je me demande combien de temps il va me falloir pour reprendre tout le poids que j’ai perdu…

Et, surprise, en arrivant à l’albergue, le premier message que je reçois est de Mana, avec la liste des pièces et des participants, plus l’horaire des répétitions pour les profs! La vie montréalaise qui reprend un peu ses droits…

Apéritif (agua mineral con gas… Peter a décidé de ne pas boire pendant tout son Camino, à part à la fontaine d’Iraxe; je suis solidaire et ai décidé de ne pas lui prendre une bière en pleine figure chaque soir; par contre, il nous a bien prévenus, plus d’une fois, qu’à la première occasion passé le panneau annonçant que nous entrons à Santiago, il s’arrête et se commande une bière illico!)… Il fait de plus en plus frais, venteux, et nous gelons à l’ombre.

Une fois retournés au soleil, face à l’albergue, nous attendons impatiemment l’heure de souper, car les restos, ici, servent rarement avant 19h. Lorsque l’heure arrive, commence la recherche. Car Anita est végétalienne, je crois l’avoir dit. Exigeante. Méfiante. Un resto semble faire l’affaire, Donna passe à ce moment et dit qu’il n’y a plus de soupe, nous marchons jusqu’à un autre, qui ne propose que de la viande. Retour à celui qui semblait convenir, conversation avec le mec en chemise bleue, qui nous confirme qu’il y a bien des choix végétaliens dans son menu. Joie! Nous commandons… et attendons…

Je ne sais pas combien de temps il a fallu avant que le premier plat arrive, mais c’était très long.

Avant le second… nous attendons. Longtemps.

Nous sommes entrés au resto vers 19h30, nous finissons notre 2e plat vers 21h30. Il reste le dessert. Peter est de plus en plus impatient. Soit que le mec en bleu est totalement dépassé, soit qu’il est totalement incompétent, ou encore qu’il s’en contrefiche royalement, nous ne parvenons pas à nous décider. Reste que le repas est très bon, mais nom d’une pipe! Nous commençons à craindre de rater la fermeture des portes de l’albergue. La petite femme en t-shirt rouge semble comprendre pas mal mieux que le mec en bleu, malheureusement ce n’est pas elle qui est en charge. En fait, elle semble en avoir sa claque, de l’autre gugusse (pardon…). Peter finit par se lever pour demander notre dessert. Pas de pourboire, cette fois-ci.

Brossage de dents, écriture rapide de ce billet, et bon…

Demain… Santiago…

English digest: we experienced slow food. It was excellent, though.

De Gonzar à Melide (26e étape, mardi 13 juin 2017)

Nous (oui, encore avec Peter; je crois que nous allons nous rendre à Santiago ensemble) sommes partis ce matin, à une heure difficilement définissable; il faisait très brumeux. Nous avons marché dans la base des nuages pour peut-être deux heures (avec encore des tas de leçons d’économie; je n’aurais jamais cru que ça puisse être si fascinant!), pris un café quelque part en marche, avons rejoint, jasé avec puis dépassé Marsha (dont le genou est encore fragile), puis la pluie qui menaçait nous est puis qui est carrément tombée dessus, de plus en plus violemment. Nous nous sommes arrêtés brièvement à l’église de Palas del Rei, où le curé met des étampes dans les credenciales. Nous y avons revu Lily! Encore aucune idée comment elle a pu nous dépasser! Peter achète des timbres et une carte postale, car il s’est engagé, depuis son départ, à écrire à un membre de sa famille (une épouse, un fils, trois filles) chaque jour. Nous repartons dans la pluie et les champs, puis la pluie et la forêt.

Voilà que nous passons devant l’hôtel où veut s’arrêter Marsha; je propose à Peter de nous y arrêter pour dîner. Surprise: Marsha est déjà arrivée! Comme il pleuvait, elle a pris un taxi… Dîner agréable en compagnie d’un autre Peter, canadien, et de Linda (et Marsha, oui). Nous étirons le dîner pas mal, le temps que la pluie se calme

En sortant, moment étrange que je relate dans mon compte-rendu d’une partie de l’échange avec Anita…

Nous progressons dans la pluie qui se calme, puis sous un timide soleil, puis un franc soleil, jusqu’à Melide. D’après les bornes par ici, il nous reste moins de 53 km à faire…

En arrivant au centre-ville, nous tombons sur Helena (et non pas Élaine, désolé) et Bernie, puis Anita arrive elle aussi. La discussion reprend (je devrais dire les discussions reprennent) et j’apprends que Peter a été, pendant ses études, communiste! C’est assez ironique pour me faire rire!

Parlant d’extrémisme… Anita n’en revient pas d’apprendre que des gens prennent des bus ou des taxis pour s’avancer, en prétendant faire le Camino! Peter lui sort deux exemples, pour l’amadouer; il lui parle de Magali, qui a pris un bus pour rentrer plus tôt à la maison et faire une surprise à son mari, motif aimable; je parle de Marsha, qui en est à son cinquième Camino et qui a un genou blessé, motif médical… Mais, pour être franc et balancé, je raconte aussi que Peter et moi avons vu deux jeunes femmes (mi-vingtaine maximum; Peter croit qu’elles étaient Américaines) entrer à l’hôtel où nous venions de finir de dîner, puis en sortant j’ai vu le taxi qui attendait, moteur tournant, puis les deux jeunes filles qui ressortaient avec leurs sacs à dos qui avaient été livrés à l’hôtel, puis reprenaient le taxi. Nous avions beau nous dire, à chacun son Camino, nous avons eu de la misère avec ça. Comme disait Peter à Anita, pourquoi ne pas prendre l’avion directement vers Santiago, dans ce cas?

Anita est végane; Donna connaît un endroit où on sert de l’excellente pieuvre… Anita rentre à l’albergue pendant que Peter et moi mangeons de la pieuvre… Donna boit un verre, elle a déjà soupé.

Puis, nous rentrons, Donna vers son hôtel, Peter et moi vers l’albergue, mais en chemin il me laisse, c’est le temps de remplir ses devoirs familiaux: il appelle sa femme et écrit sa carte postale du jour (celle de tantôt était pour hier, parce qu’il n’y avait aucune carte postale à Gonzar!).

Et moi? Je me trouve un banc dans le parc un peu moche en face de l’albergue, pour écrire mes billets dans la belle lumière et la douce chaleur du soleil couchant. Décidément, à peu de temps près, j’ai vraiment été gâté, point de vue météo!

English digest: too much stock to put in just one or two sentences, sorry. It was a fun day, though.

Carnet de route: irrigation

Lorsque j’étais en Castille et en Rioja, je n’ai pas écrit sur l’extraordinaire réseau de canaux de tailles variées, de trappes, de passages d’eau, construits à je ne sais quelle époque pour irriguer la campagne. Il y a clairement eu là une œuvre majeure de génie civil. Je me demande quel âge tout ça peut avoir…

English digest: I forgot to write about canals.

Carnet de route: la santé des voyageurs

Je me suis révolté, il y a deux semaines (il me semble), contre le traitement subi par un voyageur, qui n’avait pas été gardé par l’hospitalero après avoir vomi toute la nuit… J’ai appris pas mal de choses, depuis… D’une part, que les hospitaleros de plusieurs albergues tenues par l’église sont souvent des bénévoles, plus ou moins formés et expérimentés. D’autres tenanciers d’albergues privées ou de pensions sont en fait des professionnels. Je crois que c’est la principale raison de la différence de qualité de traitement des gens malades…

English digest: always trust the cellist… ahem…

Carnet de route: les transports du Camino

J’ai parlé dans un billet précédent de l’interdépendance entre le Camino et un chapelet de villages qui, autrement, n’auraient que l’agriculture pour vivre, agriculture qui emploie de moins en moins de monde, et donc qui ne freine pas l’exode rural, bien au contraire… Je crois aussi avoir parlé de la possibilité pour certains de faire le voyage, ou partie du voyage, en bus ou en taxi, ou de faire envoyer ses bagages à l’étape suivante par la poste ou par un transporteur spécialisé…

Aujourd’hui, avec Peter, nous nous sommes fait la remarque que, pendant un bon bout de temps, tout le trafic que nous avons observé sur un tronçon de route secondaire (que nous suivions, oui, bien sûr) relevait directement du Camino: camions ou camionnettes de livraison de nourriture, de courrier, de boissons, de bière; car, minicar, taxis; transport de bagages…

Voir l’anecdote dans mon billet du jour, au sujet des deux filles…

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