D’El Ganso à Riego de Ambros (21e étape, jeudi 8 juin 2017)

Alors donc, oui, Rabanal, puis Foncebadon, puis la montée vers la Croix de Fer. Montée relativement douce, avec une vue magnifique sur la plaine que je quitte.

Rendu à la Cruz de Ferro, je dépose la collection de cailloux que j’ai ramassés, chaque fois que j’ai pensé à une bibitte que je voudrais laisser tomber. Une Espagnole me prend en photo, en retour de service.

Le chemin continue au sommet, avec de nouvelles montagnes:

Un village en ruine où il devait y avoir quelqu’un que je n’ai pas vu, je n’ai rencontré que le chien:

J’ai aussi rencontré des vaches aux cornes fort élégantes:

Je ne me suis pas arrêté pour prendre une pause à une caravane super équipée; ça a pris quelques centaines de mètres avant que mon pied gauche me le pardonne…

Puis je suis arrivé de l’autre bord, là oùo la vue est devenue époustouflante… et la descente, vertigineuse. Vraiment, la descente la plus exigeante depuis le début de mon voyage. Comme trois fois l’Alto du Perdon, entrecoupées de descentes moins pires. Là, mes deux pieds étaient fâchés. Petite pause à El Acebo, où l’hospitalero paroissial m’a donné deux yaourts et de l’eau, puis j’ai continué, voulant me rendre à Molinaseca, mais… mon pied gauche a dit « basta » à Riego de Ambros. Bien. Je vois l’annonce d’une pension où on parle français. J’y vais, chambre individuelle avec toilette privée, pas trop chère, espace pour faire du yoga, youppi!

J’écris aux amis qui me suivent, Roberto et Adriana, mais aussi Britta, Andrea et Tina, pour les mettre en garde contre la descente. Tina n’a pas encore réagi à l’heure où j’écris, les autres sont contents.

La dame de la pension m’indique un resto, « le » resto du hameau. J’y vais. La vue est superbe. En descendant, je m’aperçois que Michaël est assis près de la rambarde. Comme j’ai mis sur le tas le caillou pour-me-permettre-d’oser-faire-ce-que-j’ai-envie-de-faire, je m’invite à sa table! Il accepte le fait établi en souriant un peu, m’indique ce qu’il a commandé (j’imite presque tous ces choix, et ne le regrette pas! C’est excellent!)…

Et commence la conversation la plus incroyable de mon voyage! J’ai l’impression d’avoir mon double négatif sous les yeux: il aime faire voler des avions mais n’a pas aimé être pilote; il a conscience de la variabilité des choses, il suit ce qu’il aime et a le goût de faire, il n’est pas dans les groupes (il dit qu’en fait, il est dans le groupe; c’est les autres qui n’y sont pas!), articulé, écorché vif, charmant, discret, gauche, brillant… Sens de l’humour à la germanique, comme je commence à apprécier, il dit, entre autres, que la sagesse ne s’enseigne pas mais qu’elle s’observe, me parle de Hermann Hesse, de comment il marche, parfois même court dans des descentes vertigineuses comme celle d’aujourd’hui, sans se poser de question, en laissant ses pieds aller là où ses yeux les guident sans pourtant observer, et en se laissant glisser s’il glisse…

Il ne fait pas de yoga; pourtant, il me semble avoir conscience de l’illusion qu’est ce monde, avec plus d’acuité que toute la classe de Gaël mise ensemble… Du moins, à l’heure de mon cours individuel, mettons.

Je ne peux même pas dire tout ce que nous avons échangé. Seulement que c’est le cadeau le plus troublant du Camino, et peut-être le plus précieux. Je sens que j’en ai pour des mois à laisser remonter tout ça.

En partant, j’avais ça sous les yeux:

English digest: Camino is amazing!

Petra (Café à Foncebadon, jeudi 8 juin 2017)

Tantôt, au milieu de nulle part, je salue une dame un peu âgée, assise sur un banc à ma droite, sous les arbres. Elle m’invite à partager la pomme qu’elle découpe. J’accepte. La pomme est excellente, ma meilleure depuis des mois. Je la remercie et me présente.

Petra est Hollandaise, sexagénaire. Je lui demande si c’est son premier Camino. Elle me dit que c’est son premier « vrai »! Quoi? Il y en a eu un faux?

L’an dernier, elle a fait le chemin avec sa sœur aînée, qui avait 66 ans et marchait difficilement. Alors, elles ont sauté les trop longues étapes, pris des bus, pris des taxis… Elles ont marché en totalité les 100 derniers km. Ce fut difficile.

En arrivant chez elle, Petra s’est promis de faire un « vrai » camino dès cette année. Elle me montre une photo de son fils, sa bru et ses petits-enfants. Elle avait promis à son petit-fils d’être là pour son anniversaire, le 10 mai, et de partir le lendemain; elle a tenu parole. Et cette année, en plus, elle prend son temps et voyage sans sac à dos; elle l’envoie d’étape en étape.

… Cette année, Wilma, sa sœur, ne peut plus marcher…

Donc, finalement, Wilma a vraiment fait son vrai Camino, Petra en est contente, et elle est aussi contente de faire son propre vrai Camino maintenant.

Nous nous extasions sur le paysage…

En chemin, je dépasse de nouveau Lily, qui est tellement harnachée que, vue de dos, elle me fait penser à un astronaute…

Je ne l’ai pas dit hier, mais elle a été gravement brûlée par le soleil et par son sac. L’albergue à Leon l’a gardée quatre jours, le temps que ses blessures guérissent assez pour lui permettre de repartir. Ça me semble tellement plus humain que ce que je contais l’autre fois… J’ai aussi oublié, d’ailleurs, lorsque j’ai parlé de Gabrielle, de raconter qu’elle a probablement été victime de la même bibitte que l’autre personne dont je parlais il y a quelques jours, et a été prise de vomissements pendant toute une nuit. À son réveil, l’hospitalero lui a dit toi, tu ne bouges pas d’ici. C’est pour ça qu’elle avait perdu son compagnon de voyage temporaire, un Italien qui l’a tout de même très bien accompagnée lorsqu’elle s’est pratiquement évanouie dans la rue…

Tout ça pour dire que je me suis arrêté pour un café à Foncebadon, le dernier village avant la Cruz de Ferro, l’endroit où je vais laisser tous mes cailloux (j’en ai ramassé d’autres!). Je crois que ça marque vraiment quelque chose dans mon voyage; c’est presque le début de la fin.

Lily m’a rejoint et m’offre du jambon.

Voici le paysage:

Je raconte en quelques mots à Lily comment je l’ai inscrite dans mon blogue. Elle sourit, puis me dit qu’elle veut, dans ce voyage, aider les tens qui ont besoin d’aide. … Et c’est elle qui en a eu besoin. Le Camino est vraiment, euh, y a-t-il un qualificatif que je n’ai pas encore utilisé?

English digest: today my third week is ending…

Note (Rabanal del Camino, 8 juin2017)

Au journal télévisé, j’entends parler du jeune Espagnol qui s’est opposé aux assaillants à Londres… Émotion.

J’entends aussi que les terrasses à Salamanque seront dépourvues de couvert, pour lutter contre de possibles attentats…

Notre planète est magnifique mais notre monde est fou… 🙁

Déjeuner à Rabanal del Camino, retour sur une quasi légende et information (jeudi

Hier soir, je n’ai pas pu mettre en ligne tout ce que j’avais écrit, alors je me suis couché. Au réveil, je me suis trouvé face à ceci:

Puis, une fois en chemin, accompagné par ceci:

Pour arriver là, où je viens de déjeuner et écrire et mettre en ligne…

… Et bien sûr me délivrer l’esprit de soucis qui pourraient devenir pressants dans les prochains km…

Ce qui va me donner l’occasion de corriger un presque mythe relatif aux toilettes espagnoles.

En effet, la légende veut qu’il n’y ait jamais de papier hygiénique dans les toilettes, par ici. Disons la quasi légende: je n’ai moi-même jamais été pris dans cette fâcheuse situation et n’ai entendu qu’un seul récit du genre.

Par contre, ce qui fait souvent défaut, ce sont les essuie-mains, que ce soit sous forme d’air chaud ou de serviettes, et aussi, presque aussi souvent, le savon…

English digest: in the loo, bring your cell phone and your soap. You’ll thank me.

De Hospital de Orbigo à El Ganso (20e étape, mercredi 7 juin 2017)

Ce matin, je me suis levé tard… Malgré un solide ronfleur, j’ai dormi comme une bûche. Je suis parti vers 7h15. Tant qu’à partir si tard, j’ai écrit à Britta, qui m’avait dit qu’elle partirait vers la même heure, et l’ai attendue en déjeunant au village suivant, Villares de Orbigo.

Nous repartons et dépassons un homme dans une côte pas loin. Je dis « Bonjour » et il répond et je sais que c’est le Québécois que j’ai entendu la veille! Nous jasons jusqu’au village suivant, San Isidoro de Valdeiglesias, il s’appelle Benoît et son histoire a fait l’objet de mon Esquissé passé précédent.

En reprenant notre marche, la conversation avec Britta roule sur les autres gens vus ce matin en déjeunant; il y avait entre autres un jeune couple composé d’un Français et d’une Bulgare, si ma mémoire est bonne. Je raconte à Britta que, la veille, je les ai vus à l’hospital. L’hospital en question… Voir le billet lexical… est aussi la résidence du curé de la paroisse, lequel curé anime chaque soir un groupe de discussion, auquel je n’ai pas assisté. Ensuite, Angelika l’a conduit dans la salle où je tentais à la fois de télécharger des photos et de recharger mon cellulaire. Oui, des photos… J’ai entendu les commentaires disant qu’avec des photos ce serait mieux. J’y travaille, croyez-moi, ce n’est vraiment pas si simple que ça peut en avoir l’air.

Donc, bref, le curé arrive et parle avec Stanislaw un bon moment, je comprends qu’il est question de bobo et de transport. Angelika amène ensuite la jeune Bulgare et la présente au curé en disant qu’elle souhaite agir comme bénévole l’an prochain. Le curé est réjoui et dit plein de choses qu’Angelika traduit. Arrive ensuite le jeune Français, Lucas, qui dit que lui aussi veut être bénévole l’an prochain… pour être avec la Bulgare (désolé, son nom m’a échappé). Le curé est ravi pareil. Le jeune homme donne au curé un petit collier qu’il a fait avec des fleurs séchées, je comprends qu’il en fait un par jour et en a donné un à la jeune femme.

Le curé a aussi jasé avec moi, par après. Je lui ai dit que je ne savais pas si j’étais un pèlerin ou un simple marcheur, lui est catégorique, je suis un pèlerin. Bon.

Retour à la marche de ce matin. Je repense au jeune homme qui me semble très épris, à la jeune femme qui est parfois très proche, parfois moins… Je m’arrête, me penche et prends un caillou. Britta me demande pourquoi? Je lui parle de la Cruz de Ferro, où nous allons bientôt passer [note: demain, en fait, dans mon cas], où traditonnellement, les voyageurs laissent une roche qui représente quelque chose dont ils veulent se débarrasser; je crois avoir mentionné que Jürgen a deux roches dans ses affaires… Ce caillou est, pour moi, pour toutes les fois où je suis arrivé deuxième, amoureux transi, n’osant pas, espérant très fort…

Marche… Britta parle de son rôle de gestionnaire à son entreprise, et c’est très intéressant. Elle a conscience du côté théâtral de la chose. J’ai le sentiment de parler avec une artiste d’une autre discipline que toutes celles que je fréquente d’habitude, mais une artiste pareil.

Descente, remontée, redescente… Je donne un caillou à Britta pour sa peur de parler français… Voir le billet sur la langue française. Puis, je ne sais pas ce qui m’a inspiré pour ça, j’en prends un pour toutes les fois où je n’ai pas parlé assez fort ni clairement pour être entendu.

Nous dînons à Astorga, très jolie ville, avec une, puis deux autres Allemandes, voir le billet sur Sylvia… Puis c’est le moment des adieux. Nous convenons, avec Britta, que si elle arrive à Santiago le 20, nous allons souper ensemble pour mon dernier soir en Espagne. Son amoureux l’aura peut-être rejointe. Je suis curieux, c’est un comédien!

Je reprends ma route en solitaire, au soleil. Sauf que… j’aurais dû passer à la toilette avant de repartir. (Ça paraît que je n’ai pas trop d’entraînement de camping, je crois…)… Rien en vue. Je fais un détour par le village suivant, cherchant un café… Une dame m’appelle de loin, en me disant qu’elle est l’hospitalière du village, demandant si je cherche l’auberge. Je lui explique mon cas, elle me dit qu’il n’y a rien au village et m’invite à passer par son auberge. Elle ne me demande rien en échange. Merci! Alors que tant de cafés refusent leurs salles de bains aux voyageurs qui ne sont pas clients… Si vous passez par là, allez voir Martha à l’albergue Ecce Homo.

… Quelques kilomètres plus loin, mes soucis ne sont pas totalement dissipés, alors je veux refaire le même coup à la dernière auberge avant 5 km de désert… Pas de souci… sauf qu’eux chargent 1 euro pour l’usage de la toilette. La dame me demande si je veux rester pour la nuit. Non. Et je ne la recommanderai pas.

Je repars, donc, traverse un village puis un second, El Ganso, avant de m’arrêter à l’Albergue Galbino. En entrant, il y a du violoncelle qui joue! Un CD de John Fellingham, que je ne connais pas du tout… Mais tout de même!

Pas de bière de fin d’étape ici, mais il y a une petite épicerie plus loin. J’y vais donc, et le même disque joue là aussi! Les deux fois, j’entends Vincero, de Puccini…

Je réserve le souper chez la mère de l’aubergiste… et finis par me rendre compte, avec 15 minutes de retard, que c’est justement à l’épicerie que je dois aller.

Je me retrouve à table…
[juste comme j’écris, le disque, qui tourne en boucle, recommence à jouer Vincero! Je jure sur mon honneur que rien de ce que je raconte n’est scripté, du moins pas à ma connaissance!]
À table, donc, avec Fernand et Michel, deux Luxembourgeois que je connaissais pour les avoir vus chez l’hospitalero chanteur, et avec Michaël, un Suisse qui ne parle pas français. Michaël parle le premier, en comparant Roncesvalles d’aujourd’hui avec ce que c’était il y a conq ans: les derniers arrivés étaient logés dans un bâtiment sans chauffage et mis dehors à 6h du matin!!! Il ajoute qu’il a été surpris, la première fois (c’est présentement son 3e Camino), par la quantité de monde sur le chemin, mais que, justement, il a de la difficulté à faire face au monde, et que le Camino donne à chacun ce dont il a besoin.

Je demande à Michaël s’il vient de la Suisse anglaise… Il commence par répondre que ça n’existe pas… puis il voit mon petit sourire. Je lui explique que, maintenant qu’il est plus à l’aise de faire face aux gens, je vérifie s’il est aussi capable de faire face aux questions farfelues. Il me demande s’il a passé le test; je lui réponds: avez-vous passé le test? Il hésite et réfléchit avant de dire qu’il pense que oui. Je lui dis alors que oui, il l’a passé. Il trouve la question intéressante… Puis se lève et va fumer dehors.

Parlant ensuite avec les deux Luxembourgeois, je découvre que Fernand est le papa de Michel. C’est Fernand qui, l’autre matin, est parti avec le sac à dos de Dave, l’Australien! J’ai omis de conter ce drame, je crois… Toujours est-il qu’après une matinée rocambolesque, chacun a retrouvé ses affaires.

Michel, qui est né avec un handicap (je lui ai demandé ce qui était arrivé à ses mains, il m’a dit que c’était de naissance) arrive vers la fin d’un an de congé sans solde. Il a fait de la plongée en Asie puis fait le Camino avec son père… J’ai su leur relation en demandant depuis combien de temps ils se connaissaient… Michel veut aller jusqu’à Finisterra, Fernand a le mal du pays. Michel se demande ce que ce sera de rentrer chez lui… Va-t-il avoir envie de mettre ses bottes et de repartir? Il est travailleur social dans un organisme mixte, mais surtout gouvernemental, qui distribue des repas presque gratuits (50 centimes d’euro) aux nécessiteux de Luxembourg. Il raconte qu’un jour, un évadé est venu prendre un repas et qu’il ne l’a pas dénoncé. Son père joue le scandalisé, mais je crois qu’au fond il est fier de son fils.

[comme je tape, Lili Marlene vient de céder la place à Danny Boy…]

En rentrant à l’auberge, pour recharger mon cellulaire et écrire tout ceci (dire qu’hier matin, je me demandais si j’aurais quelque chose à raconter, au moment où je marchais seul!], Michaël vient me voir et me dit que j’ai amené une touche de couleur particulière à son Camino et que nous allons certainement nous reparler. Àa me touche profondément.

Puis, comme finalement je vais commencer à écrire, Lily, une Chinoise de Taiwan (qui fait du yoga!) avec qui je n’avais communiqué que par sourires depuis quelques jours, me dit qu’il y a du thé juste ici! Elle m’a entendu en parler en sortant de la salle à manger! Bien, ça m’évite d’aller m’acheter un autre cidre. Elle parle français avec une joie assez évidente, c’est très chouette.

Il est 22h23, je devrais déjà être couché mais il me reste le billet lexical à écrire, et à mettre tout ça en ligne, et à plier mon restant de linge (j’espère qu’il est sec!).

Bref, j’ai passé une journée magnifique sur notre belle planète, je me suis senti privilégié tout le long, d’abord de vivre, ensuite de voir et entendre toute cette beauté autour de moi, puis aussi toutes ces conversations et toutes ces histoires.

Vous qui me lisez, je vous en souhaite tout autant pour demain.

English digest: it was a great day!

Sylvia (Astorga, 7 juin 2017)

Au dîner à Astorga, une autre Allemande se joint à Britta et moi, puis une troisième. La dernière est Sylvia, dont j’ai entendu parler depuis quelques jours; elle a commencé à marcher à Strasbourg, fin février. Son chemin personnel va représenter en tout 2340 km. Il lui en reste autour de 250 à faire. Elle va ensuite rentrer pour se trouver du travail pour pouvoir repartir. Elle se demande comment ça va être, son monde va changer. La conversation passe sur Tobias, un autre Allemand (il y en a des tas sur le Camino! Ils sont les plus nombreux après les Espagnols, et généralement plus jasants avec les autres nationalités). Or donc, Tobias a commencé son Camino à Leon, avant-hier, quoi… Sylvia parle du contraste entre elle qui finit et lui qui commence…

Au moment où elle en parle, Bittersweet Symphony joue à la radio.

English digest: lots of british-american music on the radio… Right after Bittersweet Symphony, we had Bohemina Rhapsody.

Benoît et Manon (San Isidoro de Valdeiglesiais, 7 juin 2017)

Rencontré Benoît, technicien comptable de Brownsburg, au nord de Lachute. Il me raconte que sa femme et lui font le Camino chacun de son bord; elle avait une semaine d’avance au départ, je crois comprendre que ce n’est plus tout-à-fait le cas, mais bon, le principe est que chacun vit son propre chemin.

Il me raconte qu’il est travailleur autonome, sa femme aussi, ils travaillent dans la même firme, la leur… Pendant leur absence, leur fille et la belle-sœur de Benoît s’occupent des urgences et de faire tourner la boîte. Au retour, vers la mi-juillet,il va y avoir du boulot, oui, mais pas une montagne.

D’ailleurs, il ajoute que sa femme lui a écrit à ce sujet, la veille: « Bon, en rentrant, on fait ce qu’il y a à faire, puis on se prend deux semaines en août pis on part en lune de miel! »
-Hey, ça va faire 63 jours qu’on se s’ra pas vus!

Précision lexicale et plaidoyer (7 juin 2017)

Madame Sylvette Montal, notre prof de français en secondaire IV et V (à qui je dédie ce billet), nous a un jour écrit trois mots en latin au tableau; un de ces mots était « hospedalem ». Elle nous parlait, ce jour-là, de l’évolution des langues et des nombreuses fois où des lettrés avaient entrepris de nettoyer la langue, ramener une propreté originale… Enfin, toujours est-il que « hospedalem » est entré deux fois dans les langues latines. La première fois, ça a dérivé en hôtel, hostal, et la seconde fois, au moyen-âge, hôpital et hospital (en intalien: ospedale). À l’origine, l’hôpital était un lieu d’accueil des voyageurs et des pèlerins, et on y soignait ceux qui étaient malades. L’histoire du mot explique pourquoi, dans bien des villes francophones, l’Hôtel-Dieu est le plus ancien hôpital.

… Pour être très franc, avec tous ces mots qui se ressemblent tant entre les langues, avec tous ces paysages, toutes ces constructions de styles approchant, oui, j’ai souvent la conscience de marcher dans les lointaines ruines de l’empire Romain.

Cela dit, parlant du français… Nous avons un problème. Des tas de gens sur le Camino sont contents de massacrer l’allemand, de maganer l’italien, de fausser l’espagnol… Mais le français? « Ah, non, je vous assure, je ne parle pas du tout français! » Ben voyons, tu me niaises?

Non, il ou elle ne me niaise pas… Et c’est un grave problème. L’exigence de qualité, voire de perfection, dans l’enseignement de la langue donne des armées de gens paralysés à l’idée de faire une erreur… C’est triste.

Réagissons: parlons lentement, aidons les autres, écoutons-les patiemment et doucement.

J’ai fait cadeau à Britta d’un caillou, pour qu’elle l’abandonne à la Croix de Fer, caillou qui porterait sa hantise de parler français.

English digest: french language is cool Try it, you’ll love it!