Ce matin, j’étais le dernier parti; ça faisait un petit moment que c’était arrivé, mais… Les frères, Franco et Angelo, puis le Portoricain, Adolfo, sont partis avant le lever du soleil.
Alors, bon, je suis sorti à mon tour, après avoir dormi, en deux temps, jusque plus tard que depuis un moment. Pas de déjeuner sur place, alors j’ai traversé le vieux Leon (comme aurait dit…), pris le pont et ai marché vers le village suivant, puis l’autre… Après presque deux heures de marche, j’ai déjeuné.
Après déjeuner, j’ai grogné en me retrouvant à faire un détour bucolique et totalement inutile (incluant en plus une montée et une descente) au cœur d’un échangeur autoroutier.
… En me voyant grogner, j’ai repensé à un commentaire de Quynh, l’autre jour, qui reconnaissait mon genre de contrariété…
Bon; je continue le chemin, à travers un autre village, et juste avant la sortie je vois une femme que je prends d’abord pour une locale, qui semble attendre quelque chose à l’entrée du chemin.
Juste avant de la rencontrer, je me disais que, dans un sens, j’avais maintenant de plus en plus de contacts avec de plus en plus de gens sur le Camino, mais que, paradoxalement, je marchais de plus en plus souvent seul…
Mais donc, boum, ça a changé: Britta me demande si nous pouvons marcher le prochain tronçon ensemble… Elle a peur des chiens qu’elle a vus dans le chemin. Bon; pas de souci, nous partons… et il y a encore moins de chiens que de pissenlits sur le sommet de mon crâne. Elle s’excuse presque; je lui dis que pas de souci, c’est le Camino qui a voulu que nous nous rencontrions. Alors nous marchons et jasons.
C’est sa première journée seule sur le Camino. Elle est partie de Pampelune avec son fils, voilà quelques semaines (le 16 mai, il me semble… Pour la première fois, je prends conscience que je suis peut-être rapide, finalement…).
Voyage qu’elle prévoyait de faire lorsqu’elle serait vieille. Mais son fils l’a convaincue: pourquoi attendre, pourquoi remettre? Pourquoi ne pas le faire pendant qu’elle est en forme?
Alors, entendu: elle a passé deux ans (!!!) à se construire une banque de congés de sept semaines (!!!!!) pour pouvoir faire le Camino tranquille.
En prime, elle a invité son fils, qui a accepté de faire un bout avec elle. Le fils de 22 ans, celui qui étudie en littérature. Parce que celui de 33 ans est déjà journaliste.
… Ah, elle débute la cinquantaine et est grand-mère; je lui donnais 5-6 ans de moins…
Elle m’explique qu’elle vient d’une petite ville en Allemagne où il ne se passe rien. Tellement rien qu’elle a décidé de proposer à ses amies, qui habitent comme elle dans des maisons plusieurs fois centenaires, au pied de la colline portant le château, d’ouvrir leurs maisons, une ou deux fois par années, et d’organiser des événements artistiques ou culturels. Le maire de la municipalité a embarqué, et le festival a eu lieu déjà deux ou trois fois, à quelques années d’intervalles. Je vais envoyer ma candidature pour l’année prochaine!
Britta me raconte que des gens, qui venaient surtout pour visiter les maisons ouvertes, sont sortis enchantés de ce qu’ils avaient découvert comme art: musique, danse, poésie, chant… Je la félicite d’avoir organisé pareille chose. Elle dit par contre que c’est trop, avec son travail, et qu’elle a laissé la présidence.
Parce qu’à son travail, elle est aussi gérante… des approvisionnement et de la logistique; à ce titre, elle doit prévoir l’évolution de la demande, dans l’usine de câblage où elle travaille. Donc, prévoir l’avenir? Non, essayer de prévoir l’avenir… Et nous parlons de son travail, de comment elle réagit lorsque la réalité de la vie fait changer ses plans… Elle a la délicieuse candeur de répondre que, dans le temps, ça la fâchait… et que maintenant, elle aime l’évolution que ça représente.
English digest: wonderful conversation and many km walk. Lots of fun.