L’attaque du cordonnier à la sauvette (de Hué à Hanoi, lundi 5 mars 2018)

Nous venions de traverser la rue. Il s’est approché, penché sur moi, a pris ma sandale (oui!), m’a montré le décollement long comme mon ongle de petit doigt entre les deux semelles du pied droit, a mis de la colle, a rajouté une épaisseur de semelle au talon puis a fait la même chose à l’autre pied (ça m’agaçait mais comme je n’avais pas pu le retenir avant le premier pied, maintenant mes sandales étaient déséquilibrées!).

Bon; il termine, demande si je veux bien le payer un petit peu, puis demande… 800 000 dongs! Autrement dit, deux fois plus cher que le taxi de l’aéroport à la ville.   J’ai pensé que j’avais mal entendu. Il était sérieux.

Je lui ai donné plus que ce que je pensais donner au début, même si a priori je ne lui avais rien demandé… mais beaucoup moins que ce qu’il espérait.

A part ça, le dîner était bon et l’appartement est très joli. Il y a une terrasse au troisième étage.

 

La venelle:

Les voisins:

Rues du quartier:

La terrasse:

La marchande de fleurs:

Bouchée double: petit déjeuner et petite correction, Hué, lundi 5 mars 2018

Bon; hier soir je me désolais des prospects d’avenir de l’hôtel où nous étions… et ce matin, au déjeuner, la salle à manger était comble! Trois tables d’occidentaux, en nous comptant, et tout le reste, des Asiatiques (je ne dis pas Vietnamiens, parce que j’ai finalement vu trois plaques d’immatriculation qui venaient d’autres pays, à Hué).

Que retenir?

On pourrait dire que les Asiatiques se fichent de la saleté…

On pourrait aussi aller un peu plus loin que le bout de notre nez, et voir les trésors d’économie déployés par les gens ici, pour faire fonctionner, réparer, réutiliser, refaçonner, remodeler, retaper… La consommation ici n’est pas une nécessité comme chez nous, je crois. Il y a des achats, il y a un marché, oui, surtout de denrées alimentaires et de vêtements et de fournitures pour la mobilité (j’ai eu l’impression de voir des pneus de scooter emballés comme des cadeaux de Noël! C’était peut-être mon imagination…)… Il y a aussi des iPhones, pour être franc… mais bon…

Est-ce absolument nécessaire qu’un hôtel ait des serviettes neuves? La salle de bains était propre.

Esquissés passés, Hué, dimanche 4 mars 2018

La construction du pont est un peu similaire à celle du pont Jacques-Cartier: il y a un espace entre la chaussée des voitures et le trottoir des piétons, espace par où la superstructure est appuyée sur des poutres de soutènement. Au total, c’est moins haut que Jacques-Cartier, mais il y a quand même quelques dizaines de mètres entre le tablier du pont et la surface de la rivière. La femme enjambe la clôture, s’installe dans l’espace entre la chaussée et le trottoir, relève sa jupe, baisse ses sous-vêtements et… non, pas de photo. Il n’y avait pas de bateau en-dessous non plus… N’empêche, c’était certainement parmi les salles d’eau lee plus vastes, achalandées et vertigineuses à la fois qu’on puisse concevoir!

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Neuf-dix ans. Ils jouent au ballon dans la petite ruelle qui longe l’accès à un (autre) pont. Un petit instant de pause, le temps qu’un des deux jette un coup d’œil à l’éraflure au genou de l’autre. Rien de trop grave: ça ne saigne pas. On recommence à jouer.

La langue est différente mais les gestes sont les mêmes.

Dernière journée à Hué, dimanche 4 mars 2018

Ce matin, déménagement vers l’hôtel de notre dernière nuit à Hué, dîner à l’hôtel, dernière promenade en ville, dernier souper en ville, bière au sommet de l’hôtel puis, ben voilà, notre séjour à Hué sera pratiquement terminé au réveil demain matin. Au moins, ça veut dire qu’on va reprendre l’avion. Yé!

Je vais parler tout de suite de l’hôtel, pour finir sur une note plus belle… Parce que l’hôtel est défraîchi, c’est vrai, les sites de revue de ceci et de cela le disent… et ça semble créer une boucle néfaste, en notre époque médiatique privée… La peinture est abîmée, les rideaux ne sont pas très propres, les serviettes sont effilochées… Pourtant, il ne manque pas grand-chose pour que ce soit aussi magnifique que l’hôtel de Saigon… Et les gens sont très gentils et très attentionnés, vraiment. Auront-ils encore de l’emploi ici dans un an? Au bar-café au sommet de l’hôtel (belle vue sur Hué!), il n’y avait que ma mère et moi…

Oups, j’ai pris une photo mais avec l’appareil de ma mère…

Un petit mot sur Hué, qui n’est décidément pas aussi propre que Da Nang, de loin… mais qui a beaucoup de charme.  Il y a beaucoup moins d’occidentaux ici que dans certains quartiers centraux de Saigon. Cela dit, je dois dire que, malgré les avertissements d’éviter ceci et de faire attention à cela, aucune fois nous n’avons senti de malaise, même en nous promenant dans les plus vietnamiennes des ruelles. Quelques fois, des gens nous saluent, souvent des enfants, juste comme ça.

Il y a une spiritualité très présente, avec des autels votifs partout ou presque.

C’est une terre de contrastes, avec le bruit incessant des avertisseurs et le trafic qui fonce partout, lentement (oui, je sais…), la courtoisie de l’homme qui tasse son scooter pour laisser passer ma mère… Mais le contraste le plus fort de la journée, c’était lorsque nous sommes arrivés à cet étang au centre de Hué, que nous avions manqué l’autre fois, la nuit étant tombée… Ça sentait les égouts, ça bruissait de trafic, et ce qu’il y avait à voir, c’était ceci:

Excursion à Da Nang, samedi 3 mars 2018

Ma mère a suggéré d’aller à Da Nang aujourd’hui, en train. Nous avons pensé que ce serait simple d’aller à la gare et d’acheter deux billets, sans intermédiaires. Grave erreur: il restait une seule place dans le train, une heure et demie plus tard, et la communication avec l’agent au comptoir était très aléatoire.

Après avoir envisagé le car, nous avons négocié un prix aller-retour en taxi presque raisonnable.

Notes sur la conduite au Vietnam…
Comme au Japon ou en Australie, les véhicules lents, au Vietnam, roulent la plupart du temps à gauche de la chaussée, lorsqu’il y a deux voies de disponibles. Par exemple, les taxis que nous avons pris lors de nos deux excursions, qui étaient très respectueux des limites de vitesse, donc plutôt lents par rapport au trafic, surtout celui des autobus (selon Duy, les chauffeurs sont pénalisés lorsqu’ils sont en retard et les gestionnaires de flottes s’entendent avec la police pour éviter les contraventions d’excès de vitesse). Or, contrairement au Royaume-Uni ou à l’Irlande, au Vietnam, les véhicules roulent à droite. Àa donne des concerts de klaxons lorsque les autobus (et parfois les camions) arrivent derrière notre taxi et avertissent qu’ils vont passer, puis passent, en klaxonnant pour que les mobylettes se tassent aussi, vers la droite (les mobylettes sont les seules à ne jamais rouler à gauche; cela dit, certaines sont tellement rapides qu’elles nous dépassent!). Au retour, un camion en panne dans un tunnel (oui, nous avons passé probablement une demi-heure dans le tunnel…) a provoqué toute une commotion parmi les chauffeurs de bus, une fois le trafic rétabli. Ça fonçait et klaxonnait à qui mieux mieux.

Da Nang est une autre ville portuaire plutôt jolie mais qui ne m’a pas frappé tant que ça. Ma mère, elle, a beaucoup aimé, surtout parce qu’il y avait nettement moins de détritus et de rats que dans les autres endroits que nous avons visités à ce jour.

Note sur l’art moderne: dans toutes les villes que nous avons visité, il y avait au moins une statue récente (une seule à My Tho, qui est la plus petite municipalité que nous ayons visitée), voire toute une série, en béton ou en pierre à Saigon et Hué, en marbre à Da Nang (il y a une montagne de marbre pas loin!). Si ma connexion est meilleure un jour, je pourrais essayer de faire une petite synthèse…

N’empêche: un parc de statues modernes dans chaque municipalité un peu importante… hmmm…

 

Palais impérial de Hué, vendredi 2 mars 2018

»Quelle connerie, la guerre »
-Jacques Prévert, Barbara

J’ai tellement entendu cette phrase dans ma tête en visitant les, comment dire… Les restes du palais impérial et de la cité interdite de Hué, ancienne capitale de l’empire du Vietnam sous la dynastie Nguyen.

Gia Long, le premier de cette dynastie, a entamé la construction du palais en 1803. La dernière construction, de style européen, a été achevée en 1932. Quinze ans plus tard, en 1947, les Français ont détruit certains bâtiments en Reprenant Hué, au début de la première guerre d’Indochine, puis en 1968 les Américains en ont détruit d’autres, pendant la guerre du Vietnam, qui est la seconde guerre d’Indochine. Si j’ai bien retenu les chiffres, sur 148 bâtiments (parfois de simples portiques, enfin, « simples », on parle d’architecture impériale, tout de même), il en est resté une vingtaine debout… Un seul intact, semble-t-il. Depuis une trentaine d’années, l’État restaure et même reconstruit le palais, en fait les palais et leurs dépendances.

Si j’ai bien retenu, oui, car, en arrivant, ma mère et moi avont entendu une guide parler français avec un couple de touristes, qui ont bien aimablement accepté de « partager » leur visite. Nous nous sommes par la suite aperçus qu’il y a plusieurs guides parlant français, ici. En fait, c’est la première fois depuis le début de notre voyage que nous avons entendu autant de français, de loin! Un des guides (pas la nôtre) parlait d’ailleurs avec cette gourmandise, ce plaisir linguistique que j’associe toujours avec notre langue. C’était délicieux de l’entendre!

J’en reviens à notre visite. Il reste, en particulier, un palais qui contient essentiellement une salle du trône principale, un pavillon de lecture, l’ensemble qui servait de résidence et de salle d’audience à l’impératrice-mère et un palais d’hommage aux empereurs, enfin, ceux qui ont, disons, bien fait leur job. Du moins, c’est ce que nous avons visité.

Les empereurs avaient des tas de concubines, tellement qu’un d’entre eux se plaignait aux Français de ses maux de tête dûs aux conversations avec les concubines! Celui-là en avait 500, desquels il n’a eu que 142 enfants… Enfin, bon…

Il y a des panneaux racontant en bref les vies des empereurs, avec une séparation entre les « bons », essentiellement ceux qui s’opposaient aux Français, et les poches, les autres (non, ce n’est pas la terminologie officielle que j’utilise).

Il y a des tas d’extraits d’archives. Apparemment, les documents de la dynastie Nguyen sont exceptionnellement bien conservés, au point de faire partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ils permettent une étude passablement exhaustive, non seulement des actes de la dynastie mais aussi, carrément, de la vie au Vietnam de 1803 à 1945.

Il y a aussi beaucoup de reproductions d’anciennes cartes postales et autres photos. L’empereur ne pouvait pas être vu par ses sujets, mais les Français n’étaient pas liés à cette interdiction. Alors, paradoxalement, les efforts actuels de restauration doivent beaucoup à ce qui peut être tiré de l’iconographie française.

Il y a un certain nombre d’autels bouddhistes ou presque, dédiés aux ancêtres, pas mal tous en activité. Disons qu’ici comme au musée des vestiges de la guerre (plus encore qu’au musée, en fait), on est passablement loin de l’idéologie communiste, plutôt du côté du patriotisme. Les empereurs déposés par les Français sont honorés, ceux déposés par les Vietnamiens non, pas plus que le dernier, Bao Dai, qui a abdiqué.

Il y a des bonsaïs, un peu partout. Cet art, que je croyais essentiellement japonais ou chinois, est largement pratiqué au Vietnam, sous une forme un peu différente que celle que je croyais connaître. Les arbres ne sont pas forcément des « maquettes »  d’arbres de grande taille au design tourmenté; ce sont parfois, simplement, de petits arbres en pots.

(Au fait, ai-je mentionné que les orchidées poussent facilement, au Vietnam?)

Il y a aussi des espaces vides, des murs noircis, des tas de pierres sculptées, des traces de tuiles par terre… Pour dire la vérité, j’en ai eu le moton, un moment donné…

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Petit souper hâtif et petite marche dans Hué pour rentrer. Le quartier près du palais regorge de très belles villas, puis de villas fanées, puis de maisons, comment dire… Il y a des petits commerces partout, des endroits où la mobylette, voire même l’auto, semble stationnée au salon! Et encore, cette douceur de vivre… Je vois un rat traverser la rue, devant une boutique; la vendeuse, une femme d’un âge presque certain, me voit regarder, regarde à son tour, voit le rat disparaître sous la voiture en face, puis nous échangeons de vastes sourires… Quelques personnes, parfois, nous saluent, juste comme ça. Deux petites filles, en particulier; ma mère est certaine qu’elles avaient pris une gageure…

De Saigon à Hué, jeudi 1er mars 2018

Le séjour à Saigon a passé bien vite… Ce matin, taxi, enregistrement puis court vol vers Hué (musique avant le décollage: Let it snow, au saxophone dégoulinant!), où ma mère et moi nous sommes retrouvés orphelins de Quynh, qui est partie rendre visite à sa cousine à Singapour.

L’orphelinat s’est ressenti bien rapidement: dès le moment de prendre un taxi pour aller en ville! Puis au restaurant, puis au bureau de Viettel où ma mère a tenté de faire mieux fonctionner la carte SIM qu’elle a acheté samedi dernier (elle était juste déjà vide!).

Hué, ancienne capitale du VIetnam impérial, est bien plus petite que Saigon; il y a, au total, moins de circulation. Pourtant, on dirait qu’il y a encore plus de Klaxons.

Nous sommes un petit peu plus au nord, la rivière s’appelle Rivière des Parfums et, à part les Klaxons incessants, la douceur de vivre est aussi très présente.

Nous avons eu une rare expérience désagréable, au dîner: la jeune femme semblait préférer s’emmerder ferme que servir des visiteurs improbables… Expérience renversée par une collation-souper très agréable. Marche vespérale dans les petites rues encombrées d’autels couverts d’offrandes (nous sommes presque à la pleine lune du premier mois du calendrier lunaire); la cité est très jolie, nous serons plus d’attaque demain.

D’ailleurs, j’espère que je parviendrai à mettre ceci en ligne sans trop de souci; pour le moment, wordpress ne répond pas comme il faut.

…Ah, oui, ça me revient… Une petite note géopolitique, en passant…

Nous avons contourné, à Saigon, l’immense chantier du métro, chantier qui affiche les drapeaux du Vietnam et du Japon. Nous avons aussi vu l’affiche d’un concert conjoint VIetnam-Corée du Sud. Ici à Hué, tout près d’où nous sommes, il y a un centre culturel vietnamo-coréen et le chantier de revitalisation des berges et de construction de conduits et d’usines de traitement des eaux usées porte les drapeaux du Vietnam et du Japon. La Chine, voisine au Nord, n’est nulle part, même si c’est objectivement un régime communiste, donc « frère ». D’ailleurs, les plaques d’immatriculation des véhicules sont toutes sur le même modèle, pour autant que j’aie pu en juger; il n’y a pas de voitures de l’étranger sur les routes. Parmi les objets que j’ai manipulés, je n’ai vu aucune mention « made in China », pourtant si courante chez nous.

Ça me fait penser à ce que disait Duy à Quynh, hier soir: la Chine, qui a envahi et dominé le Vietnam pendant un millier d’années, de la fin de l’Antiquité au milieu du Moyen-Âge (si on se réfère aux périodes équivalentes en Occident), puis qui, sous Mao, était venue en aide à l’oncle Ho face aux Américains, est redevenue l’ennemi… Elle installe des bases sur des îlots que le Vietnam considérait comme faisant partie de son territoire, par exemple…

Marrant, dans un sens, d’imaginer que le Vietnam puisse être l’allié des États-Unis contre la Chine… Enfin, marrant, façon de parler. Si ça se présente, ça va être très très laid.

Cela dit, la Chine, première puissance mondiale, ça va arriver, si ce n’est pas déjà fait, subrepticement.