Il n’y a pas qu’à l’église, ou la mosquée ou la synagogue ou la salle du Royaume ou l’assemblée, qu’il faille faire acte de foi.
Nous étions cet après-midi sur le boulevard de la Corniche, qui longe une petite péninsule sur l’océan.
J’ai pensé à cette phrase de Félix Leclerc que mon père citait de temps en temps: « Fais quelques pas autour de la Méditerranée: tu verras ce que Dieu a fait de plus beau, et l’homme de pire. »
Casablanca est sur l’Atlantique, mais ici, sur la Corniche, la remarque s’applique fort bien. Il reste un tout petit morceau de plage, pris entre deux constructions. Partout ailleurs, il y a des immeubles assez bas (en contrebas de la route) pour qu’on puisse voir la mer, puis des cours avec des piscines, puis des murets, puis des rochers et l’océan… mais aussi des trucs, des machins, des faux palmiers dans une piscine vide, une barque barbecue sur une fausse plage, des jeux pour enfants, des studios qui font penser à un motel, des restos ou cafés vitrés du côté de l’océan… Pas un pouce d’accès direct depuis le boulevard. Tout est privé.
Ce n’est pas tout, car tout est aussi comme dans mon billet d’hier, c’est-à-dire vétuste, usé, suranné… Ça a dû être neuf dans les années, euh… 1970, peut-être; ça me fait penser à des films de Pierre Richard, disons, comme Le coup du parapluie ou C’est pas moi c’est lui…
Je repense à ce moment d’un monologue de Pierre Richard, justement, où il parlait de la surprise de l’admirateur qui le rencontre dans la rue et constate qu’il a bien vieilli depuis le film de l’autre soir…
Tout ce long préambule pour en venir à deux constats:
-le premier est celui du sentiment de la fin d’un monde, de plusieurs mondes, en fait.
•Les autos neuves sont presque toutes des voitures de luxe. Les belles maisons sont cachées derrière de hautes clôtures, les endroits publics sont moches, les endroits semi-privés sont semi-moches…
•le français, qui est encore remarquablement présent, recule, sous la pression de l’arabe, mais aussi celle de l’anglais. C’est encore discret, mais je suppose que ça va s’amplifier; la pub est attaquée en premier.
-le second est celui qui porte sur la foi: bon, d’accord, nous ne sommes qu’en mars, ce n’est pas du tout l’été ni le moment des vacances (d’ailleurs, il y a une proportion non négligeable de gens qui portent des manteaux doublés, ici, par 16-20 degrés!), mais l’impression de la Corniche est généralement glauque. Je suppose que, s’il y a plus de monde, l’ambiance sera meilleure, mais pour ceux qui y étaient aujourd’hui, il fallait y croire, vraiment…
