Étions-nous dans le quartier des Habous? Ce n’est pas clair, vraiment. Les quartiers sont vaguement identifiés sur les cartes et parfois sur des indications routières, mais les contours exacts sont parfois difficiles à saisir.
Bref, ça ressemblait à la fois à une ville de province française et maghrébine, ce qui pourrait correspondre à la typologie des Habous, ce quartier conçu il y a environ un siècle, lors de l’expansion de la ville après la Premières guerre mondiale. L’idée était justement de loger les nouveaux habitants dans un quartier qui reprendrait à la fois le meilleur des médinas et le meilleur de l’urbanisme à l’européenne.
Ma mère a trouvé ça moche; j’ai surtout trouvé ça défraîchi. Disons que ça me semblait une autre illustration de ce que je dépeignais la veille: comme il n’y a plus d’argent à faire ici, il n’y a plus non plus d’investissement qui est fait, alors les maisons vieillissent, les peintures s’écaillent, et tout part à vau-l’eau.
Je repensais au renouveau de Prague, lorsque je l’ai visitée en 1992, peu de temps après la chute du communisme: des tas de maisons étaient en cours de restauration et de repeinture, c’était en train de redevenir vibrant. La même cause, ici, aurait certainement le même effet. Mais bon…
Tout ceci pour dire que nous avons dîné dans un petit restaurant de ce quartier, plutôt sympa, avec une majorité de clients qui étaient des étrangers mais aussi quelques Marocains parlant français. Notre voisine nous a d’ailleurs très aimablement parlé des instruments des deux hommes qui jouaient à la porte, l’un avait des cymbales dans les mains et l’autre, une gambra, si j’ai bien entendu, un genre de basse à trois cordes et à table en peau tendue, qui peut être jouée à la fois comme instrument à cordes et comme percussion. Et ça sonne en titi!
Le plat principal était du poulet servi avec des crêpes coupées en longues lanières, avec des lentilles et du safran. On aurait dit des pâtes style tagliatelle. C’était très bon. La soupe hariri était un peu moins goûteuse qu’à l’autre place où nous en avons pris, Les Saveurs du Palais, mais l’orange à la cannelle, les pâtisseries marocaines et le thé à la menthe étaient totalement satisfaisants.
Sauf que…
Sauf que, dans ce charmant restaurant où tout le monde parle français et où on mange bien, il y a une salle de bains, évidemment, avec un évier qui propose savon et serviettes pour se laver les mains, ce qui n’est pas universel à Casablanca, croyez-moi. L’évier, très joli, en céramique, est placé en-dehors de la salle de toilette proprement dite, ladite salle n’a pas d’évier.
Or, lorsque je suis allé à la toilette après mon repas, il y avait quelqu’un. Pas grave, j’attends en m’éloignant un peu. La porte s’ouvre, quelqu’un en sort, c’est la cuisinière (je la reconnais à la toque qui empêche les cheveux de tomber dans les plats), et elle retourne en cuisine… sans se laver les mains…
… Bon… Il y avait peut-être un autre lavabo dans la cuisine…
Reste que je ne suis pas certain d’y retourner…