Carnet de voyage, aéroport CDG terminal 3, mardi 25 juin 2019

Il y a des banques de dépôt de bagages. Pour y accéder, il faut être passé par les bornes d’enregistrement libre-service. Est-ce un bénéfice pour les passagers? Non; ça ne permet vraiment pas de sauver du temps. D’ailleurs, il y a plein d’agents disponibles pour aider les passagers perdus entre les écrans et les fonctions. Le vrai but, c’est d’avoir, au total, moins d’agents et de les payer moins cher. Parce qu’en fait, le libre-service, c’est de sous-traiter l’ouvrage aux amateurs que nous sommes.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça me fait penser que j’ai entendu dire que les ventes d’instruments de musique sont tellement en baisse que plusieurs fabricants ne feront tout simplement plus de modèles intermédiaires, par exemple pour les guitares. Il va encore y avoir des instruments de base et des haut de gammes, mais au milieu, le vide. Par contre, les ventes dans la musique électronique sont en hausse…

Retour au Bourget, samedi 22 juin 2019

Mon premier voyage en solo avait pour objectif le Salon aéronautique de Paris, dit salon du Bourget, qui est organisé toutes les années impaires. C’était en 1987. J’avais été un peu chaperonné par Daniel Friederich, le cousin par alliance de mon père, luthier de guitares. J’avais aussi visité Philippe Müller et d’autres amis de la famille, pendant la dizaine de jours qu’avait duré ce voyage. Je me souviens avoir pris un terrible coup de soleil dans le cou, le premier dimanche du salon, puis avoir passé la semaine en visites en ville, pendant les journées où le salon n’est ouvert qu’aux visiteurs professionnels. Il avait fait très mauvais et froid; Daniel m’avait dépanné en me prêtant un veston de son fils. Reste que j’avais compté quatre averses le matin du mercredi, puis une longue pluie de plusieurs heures pendant l’après-midi. J’étais découragé, en fait; je voulais rentrer tout de suite…

Le lendemain, mon moral était un peu revenu. Puis les jours suivants aussi. Puis le dimanche, j’étais retourné au salon, En revenant, je m’étais arrêté devant les Invalides, dont le dôme avait récemment été restauré. L’esplanade, un magnifique parc à la française, était couverte de voitures! Il y avait des haut-parleurs qui jouaient du Mozart! Oui, les divertissements K. 136, 7 et 8, qui se retrouvaient entrecoupés d’appels pour « Les voitures de la délégation du Qatar! »

Je me suis approché et ai demandé à un gardien de quoi il s’agissait (une réception pour la clôture du Salon aéronautique, en fait!) et si je pouvais m’asseoir sur un banc, là, et écouter la musique? Oui, je vous en prie. Alors, j’écoutais Mozart, le ciel s’est dégagé et la soirée est devenue magnifique! J’ai décidé, à ce moment-là, que je reviendrais à Paris, finalement.

J’y suis revenu plusieurs fois, incluant trois autres passages au Bourget, en 1989, 1991 et 1993. Puis finalement, cette année, j’ai mis les pieds à mon cinquième salon.

Pour se donner une référence montréalaise, comparons le salon du Bourget avec le salon des métiers d’arts, place Bonaventure. Je dirais, à vue de nez, que la superficie d’exposition intérieure au Bourget est à peu près dix ou douze fois celle du hall d’exposition de la place Bonaventure. Oui, c’est immense. Et ça ne compte pas les chalets corporatifs ni l’exposition statique des avions en plein air. On peut aussi visiter le Musée de l’air et de l’espace, qui est dans l’ancienne aérogare du Bourget, qui est l’ancien aéroport international de Paris; Lindbergh est arrivé ici en 1927, lors de sa traversée sans escale depuis New York.

Dans cette immense série d’allées et de stands d’exposition, il y a des tas de repères suspendus au plafond, pour indiquer les allées, et sur plusieurs de ces repères, des invitations à aller visiter le stand du Québec, hall 3, stand 80 C. Ok, allons-y.

… Pas un chat. Le stand est désert, fermé, comme la plupart des autres, en ce jour ouvert au grand public. Il y a une vidéo qui tourne en boucle sur grand écran, pour vanter le parc industriel à l’aéroport de Mirabel, et la vie en banlieue dans la couronne nord… Garf…

Donc… Plein de stands déserts, mais quand même la plupart n’ont pas été démontés. Reste donc beaucoup de matériel, gardé par des cordons, quelques hôtesse désœuvrées ici et là (dont une qui boit du mousseux et déguste un magnifique plateau de petits fours), quelques stands encore actifs, donc Dassault aviation…

Les démonstrations en vol ont commencé. Je sors et marche à travers l’exposition statique, où il y a, évidemment, beaucoup d’avions modernes (même si plusieurs sont déjà repartis) et, surprise, beaucoup de vétérans de 1944, anniversaire du Débarquement oblige.

Au début, démonstrations de voltige avec de petits avions. Je marche entre les stands de bouffe, aux files d’attentes longues comme ça et aux prix exorbitants… Je me demande si je vais céder à la tentation, lorsque je vois une gamine s’approcher d’une poubelle et y envoyer d’un coup un hot-dog géant et sa meute de frites, même pas vraiment entamés!… Bon, je crois que je vais laisser faire…

Passage au point d’informations pour savoir où sont les stands de Boeing et d’Airbus. Airbus a son stand dans son chalet, fermé aux visiteurs, et Boeing n’a même pas de stand cette année! Décevant.

Démonstration d’une opération de l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre), avec un hélicoptère tireur et un autre transporteur de troupes. Le commentateur insiste quelques fois sur le professionnalisme des troupes et celui des pilotes, et leur engagement pour notre sécurité contre les terroristes… mouain.

Je visite le grand hangar où il y a deux Concordes! On peut les visiter, mais il faut ressortir acheter un autre billet. Laissez faire.

Tonnerre à l’extérieur. C’est la démonstration du F-16 qui vient de commencer. Le taux d’hormones vient de monter pas mal. Il y aura quelques autres présentations d’avions de combat modernes, quelques chasseurs de la deuxième guerre, quelques avions de ligne (seulement Airbus, et pas l’ex CSeries) et la Patrouille de France.

Les commentateurs, un homme et une femme, insistent régulièrement sur le professionnalisme des pilotes, hommes et femmes, qui s’exécutent devant nous… Mais subitement, je me dis qu’ils et elles ne peuvent pas ne pas se faire plaisir, en même temps… Un peu comme nous, les musiciens. D’ailleurs, j’entends des applaudissements après certains atterrissages. Moi qui pensais ne plus revenir, je suis captivé de nouveau!

Je pars tôt, dans l’espoir (vain!) d’éviter la cohue à la station RER Le Bourget. Sur le chemin du retour, je peux encore voir évoluer un cargo militaire d’Airbus, un chasseur pakistanais (si je ne me trompe pas), et, délicieuse surprise, un Spitfire et un Corsair de la deuxième guerre.

Je rentre par chez Saison, où Mariette m’offre un magnifique plateau de fromages, et j’attrape, juste avant la fermeture, le cordonnier de la station Ablon, qui remplace mon rivet sans frais. Merci beaucoup!

Privilège et coup de chance, Fête de la Musique, Paris, vendredi 21 juin 2019

J’ai raconté, il y a deux ans, par quel espèce de prodige j’avais trouvé un violoncelle à Paris, en quelques heures, pour jouer avec ma cousine pour la Fête de la Musique. Cette année, comme je savais que j’allais être en Europe avec mon violoncelle, j’ai écrit à Frédéric Deville, le violoncelliste aux fromages qui m’avait si aimablement prêté son instrument de secours.

Mon message lui a donné l’idée d’organiser une réunion de violoncellistes pour la Fête de la Musique. Faut dire, d’une part, que chez Saisons fromagerie, il y a une fête, donc un concert, à chaque changement de saison, et bon, la Fête de la Musique a le bon goût d’avoir lieu au solstice d’été, et d’autre part qu’il semble y avoir une concentration de violoncellistes dans l’entourage de la rue du Grenier-Saint-Lazare, encore plus impressionnante que celle autour du métro Beaubien!…

Frédéric a tout organisé, côté musique, cartables, pupitres, répertoire, ordre, et Mariette et lui ont concocté une superbe soirée gastronomique et musicale. Le public ne s’y est pas trompé: il y avait de plus en plus de monde, sur scène, enfin, je veux dire en train de jouer devant la boutique, et dans le public. Ça a commencé exactement comme mon premier set de samedi dernier, par le Prélude de la première Suite de Bach, suivi par une impro avec violoniste, puis un duo de violoncellistes, puis un trio , puis un quatuor, puis un quintette (Après un rêve, avec altiste invitée), puis un ragtime en sextuor, puis la pause, pour vendre de la bière ou autre chose, puis retour aux affaires, avec de plus en plus de violoncellistes, d’autres rags, du Handel, puis le 2e mouvement de la Bachianas Brasileiras No. 1, avec alto solo pour le premier solo.

Et le tout, sans répétition! Nous nous sommes lancés, comme ça, allez, hop, go! Frédéric présente le nouveau ou la nouvelle, puis on joue. Des fois, on cherche le cartable avec la bonne musique, un rag en a un peu souffert mais c’est le seul incident de la soirée. Pour le reste, l’autre point commun avec Kulturräume a été les tonnes de bonheur pour tout le monde, participants et spectateurs. Faut dire que Frédéric avait mis le paquet sur les plateaux de fromages et de charcuteries et sur ce qu’il nous a servi. Pur régal!

Tout ceci pour dire que d’y être et de participer en jouant a été un autre privilège. Merci Frédéric, mais aussi Régis (le violoniste), Michèle, Paul, Amélie, Béatrice (l’altiste), Solène, Stéphane et Jean-Philippe, sans oublier Mariette!!!

Ruis, l’ami de Frédéric qui m’a filmé, est, si j’ai bien compris, le fournisseur des nouveaux vélos de Vélib’, la version parisienne de Bixi… Il m’en a fait essayer un, du modèle avec assistance électrique. Ouah! Ça décolle!

  • – – – –

Cela dit, les meilleures choses ayant une fin, il a bien fallu que je rentre. C’est ici que ce billet redevient un carnet de voyage. Car il y a des transports en commun pendant toute la nuit, à Paris, à certaines occasions, dont la nuit de la Fête de la Musique, ce qui est très bien. Ça ne veut pas dire, par contre, que les horaires sont normaux.

J’ai souvent l’impression, vu de Montréal, que les transports en commun parisiens sont quelques peu meilleurs que les nôtres… Maillage, plus fin, réseaux plus étendus, offre de métro plus abondante, en particulier… Mais…

Mais Paris se refait une beauté, en vue des Jeux Olympiques qui approchent, en tout cas, c’est le prétexte (ou un des prétextes) pour faire des tas de travaux, en particulier sur les lignes de métro. La fromagerie Saisons est sur la rive Droite, pas loin de Beaubourg, et la maison de ma cousine est pas loin d’Orly, donc rive gauche. Il y a un point de correspondance vraiment pratique entre là où je suis et la ligne RER C, un seul, c’est la station St-Michel-Notre-Dame… et elle est en travaux, donc fermée. Ppas loin de minuit, je vois que si j’arrive à partir là, là, je vais attraper le métro 14 puis le RER C, avec une correspondance à Bibliothèque François MItterand. Faut que je marche vite vers Châtelet… Après, il n’y a plus de service sur la ligne C.

Avec la foule abondante et ma méconnaissance du quartier, ça ne loupe pas, j’arrive trop tard. Bon, au moins, il y a moyen d’avoir wifi à la station, je trouve un autre chemin: même ligne de métro, même correspondance, puis le bus Noctilien, le N133 vers Juvisy-sur-Orge. Bien. Il est pas loin d’une heure du matin, j’ai quelques minutes de répit entre le métro et le bus.

J’arrive à BFM (pour faire court). Ah, voici le plan du quartier. Mon bus devrait être là, pas loin de l’ascenseur qui est la sortie numéro 4. Voici l’ascenseur… Pas de numéro inscrit, mais bon. Je monte, je sors dans la nuit noire. Il y a un arrêt de bus en face… Bus 48, 64 et 132… Hum… Je marche plus loin, demande des nouvelles à une dame qui me reparle du 132… c’est pas le bon.

Je redescends au point d’assistance RATP dans la station. L’homme me parle de la rue Anatole-France, je lui demande de quel côté, il ne le sait pas et il n’a pas de prospectus… Merci beaucoup quand même, bon, il me reste peu de temps…

Je remonte, marche jusqu’à l’autre rue, je ne vois rien! Il est une heure moins six. Je traverse la rue pour aller demander mon chemin au conducteur d’un autre bus, qui me dit: « Mais il est là, le 133! » en m’indiquant un autobus qui passe le feu derrière moi! Merci beaucoup! Je pars à la course, avec mon violoncelle sur le dos et mes sandales aux pieds… Des tas de gens attendent le bus. Tiens, incluant un homme à qui j’avais demandé si le 133 passait ici, plus tôt, qui, de toute évidence, n’avait pas compris ma question…. Et le numéro de la ligne n’est bel et bien pas inscrit sur l’arrêt!

J’entre donc dans le bus archi plein, conducteur sportif… Pas de places debout, sauf devant la porte de sortie, au centre. Ça secoue. Bon, un strapontin se libère, je peux m’asseoir… et continuer ma lutte contre le sommeil, il est 1h44 et nous sillonnons une banlieue dont je ne connais ni ne vois grand-chose.

Un peu passé 2h, nous arrivons à Ablon. Je marche vers la maison, en me souvenant tout-à-coup que j’ai laissé les clefs dans la poche de mon pantalon moins chic, qui est plié derrière la volute de mon violoncelle, dans mon étui. Je rentre, finalement, vers 2h15.

Ça peut sembler un peu rock n’roll comme retour, mais j’ai eu de la chance. Vraiment! Comment ça? Parce que c’est juste le lendemain matin, en voulant me chausser au sortir du lit, que le rivet retenant la lanière de ma sandale droite a lâché!

Un privilège bien particulier, Paris, jeudi 20 juin 2019

Il faut d’abord descendre jusqu’au deuxième sous-sol d’un immeuble parisien, saisissante progression dans un univers de maçonnerie et de portes glauques, pour en arriver à cet improbable oasis de studio de répétition où ma cousine Emmanuèle et ses complices, Patrick le batteur, Rémi le bassiste (pardon, j’ai oublié leurs noms de familles…) et Red Mitchell, oui, « le » Red Mitchell, se retrouvent pour préparer leurs apparitions.

La répétition commence un peu cahin-caha, puis, après deux ou trois chansons, la groove s’installe. Diantre! Ils sont capables d’être très efficaces. Très, très efficaces! Ils reprennent, avec les moyens du bord, des arrangements prévus pour des formations beaucoup plus vastes, et ça marche. Voilà ma cousine qui rigole et perd ses mots parce que Rémi se balance sur une basse particulièrement obstinée…

On nettoie ceci, on replace ça, et hop! Voilà que des tas de titres sont passés et puis c’est l’heure de l’apéro. Apéro qui sera accompagné d’une telle quantité de petits plats d’olives, de bretzels et de pop corn que c’en sera presque un souper, à vrai dire.

Puis, comme il est tard et que la correspondance est difficile (la station St-Michel-Notre-Dame du RER est fermée), Patrick, très aimablement, nous reconduit, ma cousine et moi.

Ce que je retiens de la soirée? Deux choses:
-d’abord, il n’y a pas que les vins, les fromages et les champignons qui bénéficient de séjours en caves… Certaines chansons aussi!
-ensuite, que certains privilèges n’ont rien à voir avec les sous… Je me suis senti très privilégié d’avoir pu vivre ce moment. J’ai voulu le dire, les gars ne m’écoutaient même pas 🙂 Au moins, ma cousine m’a entendu.

Cela dit, merci encore, et bon spectacle!

Carnet de voyage, Paris, jeudi 20 juin 2019

J’avais vu l’autre jour un avis de consultation publique sur le réaménagement décrit comme était nécessaire des abords de la Tour Eiffel, étant donné le nombre de personnes attendues et gna gna gna et gna gna gna, et consultation publique sur le plan d’aménagement et gna gna gna et gna gna gna…

Bon; mon neveu, apprenant que je passais par Paris, m’a dit: « Tu vas aller voir la Tour Eiffel? Tu vas aller voir la fontaine d’An American in Paris? » Je me suis exécuté l’autre jour pour la fontaine (les fontaines, en fait), qui sont malheureusement cachées par tout plein d’échafaudages… Aujourd’hui, je suis passé près de la Tour Eiffel…

Choc: le pourtour du parvis de la tour est maintenant totalement isolé, entouré par des vitres blindées dignes de la Banque de France ou d’Aéroport de Paris, là où on a de la vue, et de grilles massives, quoique plus esthétiques que l’horrible mur du gros orangé, là où des bois ou des buttes cachent la vue directe.

Je n’ai évidemment pas de souvenir direct de ma première visite à Paris, en 1970… Mais je me souviens des autres, depuis 1987… Des nombreuses fois où j’ai pu aborder cette esplanade « librement », quel qu’ait été le point d’où j’arrivais.

Librement, oui… Et donc, je constate un recul des libertés. En douce. Un autre, quoi…

En contournant, de loin, le pied de la tour (ah, zut, c’était vraiment chouette de juste passer en-dessous!), j’arrive à un endroit où de grands panneaux annoncent ce qui est, hum, suggéré? Planifié? Pour l’aménagement, depuis, déjà, la place du Trocadero, sur l’autre rive… Ici, il n’y a pas de mention d’une éventuelle consultation publique…

Mais de toute façon, les vitre blindées, certainement justifiées par la crainte des attaques, en général, sur ce lieu hautement visité, et en particulier sur le site d’épreuves des Jeux Olympiques à venir, sont certainement là pour rester, consultation publique ou pas…

Alors… Qui a gagné? Les terroristes? Les fauteurs de trouble? Les adeptes de la théorie du chaos qui s’arrangent pour contrôler depuis l’ombre? Les fabricants de matériel de sécurité?

Ah, c’est vrai… Il n’y avait pas de mention, dans le plan de réaménagement, de l’installation de caméras de surveillance… Ni de quel logiciel de reconnaissance faciale serait utilisé… Hum, suis-je rendu trop cynique…

Carnet de voyage, Hückeswagen – Paris, juin 2019

D’abord, en Allemagne, il n’y a plus de sacs de plastique à usage unique.

Oui, mais…? Ça change quoi, dans la vie courante?

Ben, ça change qu’il n’y a pas de sacs de plastique à usage unique. Cet objet si omniprésent chez nous n’existe tout simplement pas en Allemagne. À première vue, on survit 🙂

Par contre, il y a beaucoup de fumeurs, en Allemagne comme en France. L’interdiction de fumer à moins de 9 mètres des terrasses et portes n’est pas du tout quelque chose de seulement envisagé ici. Il y a des cendriers sur toutes les tables en terrasse. Et donc, des fumeurs aussi, évidemment…

Pile comme j’écris, mon nouveau voisin de gauche vient de sortir son tabac et ses papiers à cigarettes; mes voisins de droite ont déjà fini leurs clopes, eux… Bon; allumage, nuage en pleine poire… gnarf…Je suis nettement plus tolérant que dans le temps, avec mon père… Mais bon, j’avoue que ça ne me plaît vraiment pas. Je vais payer et décamper.

Kulturräume, suite et fin, dimanche 16 et lundi 17 juin 2019

Hier, la journée a commencé de bien étrange façon: la recherche d’un endroit où déjeuner! Le premier resto était trop plein, il n’y avait plus de place; le second, hors de la ville, était trop vide, il n’y avait pas de cuisinier! Le troisième, un club de golf, ben, ça a marché. Nous avons tout de même passé une heure à chercher!

Puis nous sommes rentrés, Pendant que B. partait prendre une marche avec L., j’ai pratiqué un tout petit peu et préparé un peu quoi dire, tantôt.

Puis B. est venue me chercher et nous sommes allés à la résidence pour personnes atteintes d’une déficience ou d’une maladie mentale. Le journaliste est arrivé peu après. Pendant son entrevue, il est revenu sur le fait de comment ça se pouvait que je sois venu d’outre-Atlantique pour jouer ici, à Hückeswagen?!? Je crois qu’il pensait que c’était une manière de vacances aux frais de la princesse, pour moi, et qu’il n’en est pas revenu de découvrir que j’avais pratiqué chaque jour!

Puis les résidents de la place sont arrivés, en ordre dispersé. J’ai été averti qu’une jeune femme, attachée dans sa chaise roulante au premier rang, pourrait avoir de la misère si c’était trop fort…

Présentation par B., qui m’a averti qu’elle allait dire totalement autre chose que ce que j’avais envisagé. Je lui fais totalement confiance! Je devine l’essentiel de son message. Puis bon, je joue. Gamme et arpège descendants du début du Prélude de la Troisième Suite. La jeune femme aux oreilles sensibles crie, je radoucis le son, rien à faire… Une aide soignante vient la sortir en s’excusant. La femme qui accompagnait la première sort aussi, par sympathie, je crois. Regard vers B., qui ne bronche pas. Je continue.

La dame âgée juste devant moi a dans le compartiment de sa marchette une poupée de petite fille. Elle la prend et l’assied sur la tablette de sa marchette, en position pour m’écouter. Ouf! Le courant passe. Je continue. Je vois des hochements de tête, J’enchaîne les mouvements sans reprise.

Après la Suite, réaction très positive. B. demande si je continue et propose juste un autre morceau. Évidemment, je fais le Prélude de la première Suite. Applaudissements encore, puis signe de tête: c’est assez. Je range mon violoncelle. Une autre femme attachée à sa chaise, plus au fond, demande pourquoi la musique est déjà finie? La dame à la poupée me demande si je reste à Hückeswagen. Non. Mais alors, quand allez-vous revenir? Je lui promets que, quand je reviendrai à Hückeswagen, je reviendrai jouer pour eux. Le personnel est content, B. aussi.

Nous partons pour une grande marche dans la campagne, avec B., R., J., L. et A.R. Le but de la marche: une maison qui fait jardin ouvert, une autre initiative citoyenne du coin. Nous arrivons près d’une jolie villa avec un très beau jardin anglais qui domine le village voisin. Il y a un petit aérodrome pas loin et un avion passe, tirant un planeur. Le câble largué, le planeur tourne en silence.

Je rejoins Lars, assis sur un banc en haut du jardin. Nous voyons Hückeswagen au loin. Je me suis souvenu, au début de la marche, que c’était l’anniversaire de ma mère, aujourd’hui. L. me suggère de l’appeler, maintenant que c’est une heure décente au Québec. Je lui explique que je marche généralement en wifi, vu le prix de nos appels cellulaires au Canada… Il m’offre de partager la connexion avec son cellulaire. Merci beaucoup! J’appelle…

Quand nous redescendons, les autres sont déjà attablés. Nous passons nous servir des gâteaux et du café ou de l’eau. Les gâteaux sont excellents! J’en fais le compliment à une des femmes qui sert les visiteurs, en soulignant que c’est l’anniversaire de ma mère et que c’est moi qui mange ces superbes gâteaux!

B. suggère alors qu’ils chantent Joyeux anniversaire en allemand pour ma mère. Je rappelle, ils commencent, pile sur la même note sans même s’être consultés, tous les quatre (A.R. est absente à ce moment-là). Ma mère est touchée, je suis ému. Je prends un petit moment pour les présenter par vidéo.

Sur le chemin du retour, je remercie B. Elle avait entendu parler de ces jardins ouverts, comme les maisons ouvertes de Kulturräume, et touvait que ça ferait une belle conclusion à cette semaine. Je suis bien d’accord. Je crois que je vais prendre un autre billet pour parler d’elle, j’ai appris beaucoup de choses pendant la semaine.

Dernier cadeau, en arrivant au village: une femme salue B. et lui parle en me désignant en disant plusieurs fois « morgen »… Je finis par comprendre qu’elle m’entendait pratiquer les matins et qu’elle aimait ces débuts de journées. Elle habite juste au-dessus du salon de coiffure, pile en face du salon où je me trouve en ce moment pour écrire… Merci, madame!

Retour, souper à la pizzeria pas loin (très bonne pizza mais évitez le vin rouge maison!), nuit puis matin… Et c’est déjà mon dernier déjeuner ici. Dernière conversation, dernière marche vers le travail, dernier bilan…

Fondamentalement, le projet de Kulturräume, c’est de rendre les gens heureux. Ça a marché. Merci, merci beaucoup! Au revoir, B.

… Bon; A.R. vient me chercher pour me reconduire à Cologne dans une heure… Faudrait bien que je fasse mes bagages… Et s’il me reste du temps, jouer quelques notes pour la voisine d’en face?

Quelle journée! Kulturräume, Hückeswagen, samedi le 15 juin 2019

Ça a commencé presque calmement, par le traditionnel café avec B., puis nous sommes allés déjeuner en bas, à l’hôtel où ses amis J. et L. sont descendus. Puis quelques courses. Puis un peu de pratique et la vraie préparation: coiffeur, pour elle, étude attentive du Tremblay pour moi… Installation des chaises au salon, rapide salade en ville (pour moi), dernières courses de préparation ici et là…

Puis les gens ont commencé à arriver. Des amis, d’abord, il n’était même pas deux heures. Je faisais un genre de sieste sur le divan du salon. Puis, à partir de deux heures, les « vrais » participants. Le salon se remplit vite. Quelques minutes de révision des passages difficiles du Reger, quelques minutes au salon, je passe mon cellulaire à Lars, avec instruction de filmer la première pièce seulement. B. me présente, puis hop.

Je m’aperçois que d’autres gens filment. Ça m’ennuie et me distrait. Oups. Mais bon, le prélude de Bach passe plutôt bien. Reger, maintenant… De mémoire, oui. Je suis peut-être rendu à la troisième ligne que ça me frappe: hey, c’est la première fois que je joue cette pièce en concert « officiel » (soit dit sans vouloir offenser le public de mon concert d’essai)! Une demi seconde de chicane mentale: Grrr! T’aurais pas pu y penser plus tôt? Gnarf!

Bon; quart de seconde suivant: « Mets ça dans ta besace, mon grand, desserre les deux mains, concentre-toi, continue! »

À ma droite, le patron de B., avec qui je parlais presque juste avant de commencer. Nous parlions justement de stress, de respect du public, de présence publique… Et là j’ai un moment de faiblesse devant lui. Bon; tant pis, je continue, il le faut bien. Un autre, un autre encore… Je fais de mon mieux ce que je suis capable de faire.

J’arrive à la fin de mon premier vingt minutes. Les applaudissements sont nourris, quelques personnes viennent me féliciter, le patron part sans même un regard… Tant pis. B., elle, est contente, et même émue: il se passe dans son salon ce dont elle avait rêvé. Moi, je suis moyennement satisfait, mais disons que pour un premier set, ça va.

Avant le prochain, j’ai une heure de libre. J’en profite pour sortir. Il fait beau, contrairement à ce que disaient les prévisions. Je visite quelques expositions, j’entends quelques notes d’un duo chansonnier à guitare – basse, avec presque toute la salle qui reprend le refrain en chœur, je vois partout des gens heureux et souriants. Je suis heureux moi-même d’en faire partie.

Pour la demi-heure avant mon deuxième set, je remonte au salon et prends la partie de Cèdres en voiles, car je vais me risquer à jouer de mémoire. Révision intense parmi les visiteurs de l’exposition, puis quelques minutes dans ma pièce.

Je reviens dans le salon juste quelques minutes avant l’heure prévue. Je m’aperçois que plus de soixante personnes attendent le début de mon « live » Fb… Mais L. n’est pas là! Alors, bon, je demande à la cantonade si quelqu’un veut bien m’aider… La dame devant moi se porte volontaire. Allez. B. lit l’introduction. J’avais mis un avertissement sur le caractère difficile de la pièce dans mon projet de présentation. J’entends B. le mentionner. Elle rajoute l’épisode de jeudi, quand j’ai joué à la réunion du groupe anti-nazis. Je suis content qu’elle l’ait mentionné . Je commence par le Prélude de la 3e Suite.

Tout de suite, ça va mieux: meilleur son, plus juste, plus de liberté et d’invention… Sarabande… Puis Cèdres en voiles. Juste avant de commencer, j’avais constaté que plusieurs personnes m’écoutaient les yeux fermés… Non, ils ne dormaient pas, il me semble.

Mais là!… Je fais se déchaîner la violence de la pièce, son âpreté, sa dureté… mais aussi, autant que je peux, sa douceur, ses doutes, sa légèreté… J’essaie de personnaliser le plus possible chaque thème de cet espèce de rondo-sonate, finalement relativement simple dans sa forme (ça m’a pris beaucoup de temps pour m’en apercevoir!), j’essaie de faire entendre la voix de Gilles et les conseils d’Emmanuel et de Raphaël…

Après la dernière harmonique, silence complet…. Yeux fermés encore, quelques têtes baissées… J’attends quelques secondes avant d’entamer la Gigue de la 3e Suite. C’est jour de fête, je veux ramener la joie.

Tonnerre (relatif, il n’y a quand même que deux douzaines de personnes mais le salon est totalement plein!) d’applaudissements. Parfois, je ne sais pas comment prendre les manifestations du public, mais cette fois-ci, ça va. Je sais que j’ai beaucoup travaillé et beaucoup donné, et que j’ai rejoint les gens qui m’écoutaient. D’ailleurs, j’ai plusieurs commentaires et remerciements. Un en particulier me touche beaucoup: K., le mari de J. (un couple de probablement plus de 80 ans, que j’avais rencontré l’an dernier), affecté, me serre la main en me disant: « We’ve known the war… What you did was very good!… » Ce commentaire-là m’est précieux. Merci beaucoup.

Seulement une demi-heure de pause avant le dernier set. B. est émue, ça me touche. Je suis nettement plus content qu’après le premier set.

Bon; dernier set. On dirait qu’il y a de plus en plus de monde, je ne sais pas si c’est possible. Présentation, premier et troisièmes mouvements de la Sonate de Cassadó, puis. finalement, Obstination. Nouvelle salve d’applaudissements, encore plus nourris, et puis ma participation à Kulturräume est terminée. Déjà…

J’ai le sentiment agréable d’avoir joué de mieux en mieux au fur et à mesure que la journée avançait, sentiment confirmé par B. Elle me dit qu’elle se demande ce que ça aurait été si j’avais joué deux heures, comme je le prévoyais initialement!

Nous rangeons sommairement la pièce, pour les derniers visiteurs de l’exposition , puis je pars écouter les dernière note du combo jazz à l’espèce de brasserie là-bas. J’arrive un peu tard, la pièce est archi pleine. Alors, j’écoute depuis la rue, sous la fenêtre ouverte. C’est franchement pas mal du tout. Une femme passe, qui vient me voir; je l’avais aperçue à mon dernier set. Elle me félicite et me demande combien de temps je pense rester à Hückeswagen. Je repars lundi. Elle en est désolée. Elle a été pendant 34 ans violoniste à une des philharmonies du coin, j’ai malheureusement oublié laquelle. Elle me dit qu’elle joue Bach, Paganini, Ysaye pour son plaisir et qu’elle m’aurait demandé de jouer de la musique de chambre si j’étais resté dans le coin. Merci beaucoup, derechef.

Puis c’est le souper avec les autres artistes et les exposants, puis une dernière bière, puis B. vient me chercher: un journaliste était supposé passer me voir, pour faire une entrevue, il ne s’est pas présenté et a demandé qu’on le rappelle!

Nous rejoignons le journaliste. Il se trouve qu’il est libre le lendemain. Hum, je m’aperçois que j’ai oublié de mentionner la marche avec B., le lendemain de mon arrivée… Nous sommes passés devant une institution pour malades mentaux et j’ai proposé de jouer là. Je pensais utiliser ce moment comme une pratique pour les récitals d’aujourd’hui, mais finalement c’est le dimanche après-midi qui avait été retenu. J’ai cru que c’était une malchance… jusqu’à maintenant! Donc, marché conclu, le journaliste va venir m’interviewer demain avant que je joue pour les pensionnaires et il va aussi écouter un peu comment je joue.

Sur ce, la soirée à la maison de la culture est pas mal terminée, alors dessert, dernière bière et dodo. La suite demain, avec une journée de retard, encore…