J’ai raconté, il y a deux ans, par quel espèce de prodige j’avais trouvé un violoncelle à Paris, en quelques heures, pour jouer avec ma cousine pour la Fête de la Musique. Cette année, comme je savais que j’allais être en Europe avec mon violoncelle, j’ai écrit à Frédéric Deville, le violoncelliste aux fromages qui m’avait si aimablement prêté son instrument de secours.
Mon message lui a donné l’idée d’organiser une réunion de violoncellistes pour la Fête de la Musique. Faut dire, d’une part, que chez Saisons fromagerie, il y a une fête, donc un concert, à chaque changement de saison, et bon, la Fête de la Musique a le bon goût d’avoir lieu au solstice d’été, et d’autre part qu’il semble y avoir une concentration de violoncellistes dans l’entourage de la rue du Grenier-Saint-Lazare, encore plus impressionnante que celle autour du métro Beaubien!…
Frédéric a tout organisé, côté musique, cartables, pupitres, répertoire, ordre, et Mariette et lui ont concocté une superbe soirée gastronomique et musicale. Le public ne s’y est pas trompé: il y avait de plus en plus de monde, sur scène, enfin, je veux dire en train de jouer devant la boutique, et dans le public. Ça a commencé exactement comme mon premier set de samedi dernier, par le Prélude de la première Suite de Bach, suivi par une impro avec violoniste, puis un duo de violoncellistes, puis un trio , puis un quatuor, puis un quintette (Après un rêve, avec altiste invitée), puis un ragtime en sextuor, puis la pause, pour vendre de la bière ou autre chose, puis retour aux affaires, avec de plus en plus de violoncellistes, d’autres rags, du Handel, puis le 2e mouvement de la Bachianas Brasileiras No. 1, avec alto solo pour le premier solo.
Et le tout, sans répétition! Nous nous sommes lancés, comme ça, allez, hop, go! Frédéric présente le nouveau ou la nouvelle, puis on joue. Des fois, on cherche le cartable avec la bonne musique, un rag en a un peu souffert mais c’est le seul incident de la soirée. Pour le reste, l’autre point commun avec Kulturräume a été les tonnes de bonheur pour tout le monde, participants et spectateurs. Faut dire que Frédéric avait mis le paquet sur les plateaux de fromages et de charcuteries et sur ce qu’il nous a servi. Pur régal!
Tout ceci pour dire que d’y être et de participer en jouant a été un autre privilège. Merci Frédéric, mais aussi Régis (le violoniste), Michèle, Paul, Amélie, Béatrice (l’altiste), Solène, Stéphane et Jean-Philippe, sans oublier Mariette!!!
Ruis, l’ami de Frédéric qui m’a filmé, est, si j’ai bien compris, le fournisseur des nouveaux vélos de Vélib’, la version parisienne de Bixi… Il m’en a fait essayer un, du modèle avec assistance électrique. Ouah! Ça décolle!
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Cela dit, les meilleures choses ayant une fin, il a bien fallu que je rentre. C’est ici que ce billet redevient un carnet de voyage. Car il y a des transports en commun pendant toute la nuit, à Paris, à certaines occasions, dont la nuit de la Fête de la Musique, ce qui est très bien. Ça ne veut pas dire, par contre, que les horaires sont normaux.
J’ai souvent l’impression, vu de Montréal, que les transports en commun parisiens sont quelques peu meilleurs que les nôtres… Maillage, plus fin, réseaux plus étendus, offre de métro plus abondante, en particulier… Mais…
Mais Paris se refait une beauté, en vue des Jeux Olympiques qui approchent, en tout cas, c’est le prétexte (ou un des prétextes) pour faire des tas de travaux, en particulier sur les lignes de métro. La fromagerie Saisons est sur la rive Droite, pas loin de Beaubourg, et la maison de ma cousine est pas loin d’Orly, donc rive gauche. Il y a un point de correspondance vraiment pratique entre là où je suis et la ligne RER C, un seul, c’est la station St-Michel-Notre-Dame… et elle est en travaux, donc fermée. Ppas loin de minuit, je vois que si j’arrive à partir là, là, je vais attraper le métro 14 puis le RER C, avec une correspondance à Bibliothèque François MItterand. Faut que je marche vite vers Châtelet… Après, il n’y a plus de service sur la ligne C.
Avec la foule abondante et ma méconnaissance du quartier, ça ne loupe pas, j’arrive trop tard. Bon, au moins, il y a moyen d’avoir wifi à la station, je trouve un autre chemin: même ligne de métro, même correspondance, puis le bus Noctilien, le N133 vers Juvisy-sur-Orge. Bien. Il est pas loin d’une heure du matin, j’ai quelques minutes de répit entre le métro et le bus.
J’arrive à BFM (pour faire court). Ah, voici le plan du quartier. Mon bus devrait être là, pas loin de l’ascenseur qui est la sortie numéro 4. Voici l’ascenseur… Pas de numéro inscrit, mais bon. Je monte, je sors dans la nuit noire. Il y a un arrêt de bus en face… Bus 48, 64 et 132… Hum… Je marche plus loin, demande des nouvelles à une dame qui me reparle du 132… c’est pas le bon.
Je redescends au point d’assistance RATP dans la station. L’homme me parle de la rue Anatole-France, je lui demande de quel côté, il ne le sait pas et il n’a pas de prospectus… Merci beaucoup quand même, bon, il me reste peu de temps…
Je remonte, marche jusqu’à l’autre rue, je ne vois rien! Il est une heure moins six. Je traverse la rue pour aller demander mon chemin au conducteur d’un autre bus, qui me dit: « Mais il est là, le 133! » en m’indiquant un autobus qui passe le feu derrière moi! Merci beaucoup! Je pars à la course, avec mon violoncelle sur le dos et mes sandales aux pieds… Des tas de gens attendent le bus. Tiens, incluant un homme à qui j’avais demandé si le 133 passait ici, plus tôt, qui, de toute évidence, n’avait pas compris ma question…. Et le numéro de la ligne n’est bel et bien pas inscrit sur l’arrêt!
J’entre donc dans le bus archi plein, conducteur sportif… Pas de places debout, sauf devant la porte de sortie, au centre. Ça secoue. Bon, un strapontin se libère, je peux m’asseoir… et continuer ma lutte contre le sommeil, il est 1h44 et nous sillonnons une banlieue dont je ne connais ni ne vois grand-chose.
Un peu passé 2h, nous arrivons à Ablon. Je marche vers la maison, en me souvenant tout-à-coup que j’ai laissé les clefs dans la poche de mon pantalon moins chic, qui est plié derrière la volute de mon violoncelle, dans mon étui. Je rentre, finalement, vers 2h15.
Ça peut sembler un peu rock n’roll comme retour, mais j’ai eu de la chance. Vraiment! Comment ça? Parce que c’est juste le lendemain matin, en voulant me chausser au sortir du lit, que le rivet retenant la lanière de ma sandale droite a lâché!