Jürgen, l’autre jour à Los Arcos, nous a parlé du décès de sa mère, il y a trois mois. Elle était diabétique et parkinson… n’avait plus toute sa tête… Lorsqu’elle a faibli, la famille l’a laissée partir. Jürgen pense que c’est un cadeau qu’elle lui a fait, de partir à ce moment, pour qu’il puisse s’occuper de son Camino l’esprit et le cœur en paix… AUjourd’hui, dans les derniers km avant Santo Domingo, il m’a parlé et je l’ai écouté.
Il a commencé en disant qu’il y avait eu dans sa vie des moments superbes, d’autres terribles, et qu’il y en avait qu’il aimerait oublier. Il a continué, un peu plus tard, en disant qu’il transportait deux pierres vers la Cruz Ferrata, là où l’on peut laisser quelque chose derrière soi…
Après plusieurs pas en silence, il m’a raconté qu’il a été marié pendant 17 ans avec une femme qui a été son amour pendant 25 ans… Les deux voulaient des enfants, elle a été enceinte quatre fois, ça n’a pas marché; elle a failli y passer deux fois.
Comme ils voulaient des enfants, ils en ont adopté deux, un fils et unne fille, en Allemagne et en Ukraine (je n’ai pas demandé qui était qui).
Jürgen reprend sur les épreuves du couple, il dit qu’on penserait que ça peut souder… mais qu’au contraire, sa femme s’est mise à parler avec une de ses amies, séparée, qui l’a emmenée en discothèque, et fait profiter de la liberté, et, et… Une fois, sa femme est venue à la maison avec un autre homme et c’,était fini.
À ce jour, il n’a pas encore compris pourquoi, et la question le hante. C’est une de ses pierres. Je lui souhaite vraiment de pouvoir se délester.
À cause des enfants (la fille a 19 ans, le fils 21 ans), ils doivent rester en contact, et il trouve ça difficile.
Il me parle de sa fille, et je sens à quel point ces deux-là s’aiment. Elle lui a écrit cinq cartes qu’il peut ouvrir au besoin. Il y en avait une pour la fête des Pères, une pour si il s’ennuie, une pour s’il veut la voir, une pour s’il renonce à son voyage avant la fin… Celle-là, il espère pouvoir la redonner scellée à sa fille.
Il me parle aussi de son fils, avec qui c’est plus difficile. Son fils agit sans réfléchir et puis en paie les conséquences; il ne m’a pas donné de détail.
Nous convenons que de trop réfléchir n’est pas bon, mais que de ne pas réfléchir du tout peut être encore plus néfaste.
Pendant une bonne partie de cette discussion, j’ai eu la gorge serrée. Cet homme a un cœur immense.
Il est rendu au moins un village plus loin. Je ne sais même pas si je vais le refoir… mais je lui souhaite de tout cœur de trouver la paix.
Il m’a permis de raconter son histoire. Il m’a aussi raconté celle de Bernhard, mais je ne sais pas si j’ai le droit de la raconter. Sauf qu’elle dit encore à quel point c’est un homme aimant. Vielen Danken, herr Jürgen, auf wiedersehen.