Sur le Camino, mon yoga n’est pas souvent comme ce qu’il a été autour de Montréal depuis janvier. J’ai fait une ou deux pratiques « normales », c’est tout; pas mal de réchauffements par bascule du bassin, surtout lorsque le sac à dos me faisait mal au creux des reins, au début. Mais maintenant… ?
Maintenant, je repense à ce que m’a dit Gaël, plein de fois, lorsque j’essayais d’être un bon élève: « Tu sais, juste être étendu sur ton tapis et penser à ta respiration, ça compte! »
… Et je fais mon yoga en marchant. C’est venu un peu par la force des choses: vendredi dernier, le 19, lors de ma première étape, je me suis mis, d’abord, à avoir mal aux attaches des genoux, d’abord le gauche, puis le droit, sévèrement, puis le gauche de nouveau… Puis j’ai développé des ampoules, deux très évidentes au pied gauche et une troisième dont je ne me suis aperçu qu’en me coupant un ongle de l’autre pied, quelques jours plus tard. Finalement, un faux mouvement de bascule du pied m’a donné mal à l’arche du pied gauche. Oui, ça remonte à ce moment-là. Sur le coup, j’ai été très surpris que ce ne soit pas la cheville qui ait pris le coup; je suppose que mes chevilles doivent être drôlement plus solides qu’en janvier!
Cela dit, ça a fait mal, presque à m’en couper le souffle. J’ai songé à m’arrêter… Puis, comme j’avais fait pour les genoux, un après l’autre, je me suis dit doucement, ralentis, cherche le confort dans l’inconfort, cherche ce qui calme la douleur, essaie de te composer un pas qui n’implique pas ce qui te fait mal…
L’équilibre était difficile à trouver entre la tentation d’arrêter dès le début (et la peur de n’aller nulle part, finalement) et l’importance d’écouter mon corps, de ne pas me mettre inutilement en danger de blessure dès le début…
Gaël, tu avais beaucoup de jasette dans ma tête! Mais ça a fonctionné: la douleur au genou gauche s’est presque complètement calmée, pendant l’ascension. Celle au genou droit s’est aggravée, puis calmée, celle au gauche est revenue, mais moins extrême…
Puis il y a eu la descente, à pic, dans la boue… Puis la soirée en sandales (enfin!), l’examen des ampoules (aïe aïe aïe!), le bandage des ampoules, le dodo… Le redépart le matin suivant; le retour des douleurs en montant, mais moins pires, plus facilement contrôlables…
Puis, quelques jours plus tard, j’ai crevé mes ampoules (qui avaient deux ou trois étages de profondeur!), qui sont revenues jusqu’à ce que je comprenne que je n’avais pas besoin de serrrer autant le bout de mes bottes, d’une part, et que la paire de bas noirs est la meilleure, dans mes circonstances actuelles.
Il y a eu des moments de fatigue du dos, des épaules; l’autre jour, je me suis défait, en marchant, une crampe dans l’épaule gauche, en respirant dedans.
Là, depuis deux jours, mes genoux sont tranquilles. Il ne reste que la douleur sous l’arche du pied gauche…
Mais, ce matin…
Ce matin, après le déjeuner à Redecilla del Camino, en repensant à la conversation avec Kep Soo et à ces peurs à abandonner, qui sont finalement ma raison de faire le Camino… Quelque chose s’est dénoué dans mon arche du pied gauche. Ce n’est pas devenu instantanément guéri, non… J’ai juste senti que ça irait, que je pouvais continuer de marcher avec confiance; ça m’a fait un sentiment beaucoup plus proche de la grosse fatigue que de la crampe. À la place, j’ai senti un nœud du côté de l’estomac, mais j’aime mieux avoir affaire à celui-là, pour le moment.
Cela dit, en arrivant à Belorado, peut-être trois heures plus tard, mon pied m’a dit de ne pas abuser. Je me suis assis pour dîner comme il faut: des tas de tapas, une pointe de tortilla bourrée de plein de choses et un café con leche.
Ça va mieux. Je vais tenter de marcher encore un village ou deux, pour m’acheter du temps à Burgos après-demain, et aussi parce que c’est vraisemblablement ma dernière journée sous le soleil pour un moment.
English digest: yoga helps and Gaël is good.