De Moratinos à Reliegos et histoire de Gabrielle (17e étape,

Après mes aventures du matin, marche en solitaire jusqu’à El Burgo Raneiro, où j’arrive alors que l’orage menace. Sortant d’une rue à droite, Gabrielle me rejoint sur la rue principale, qui se trouve être le Camino dans le village. Elle a faim, moi aussi, il y a deux machins où on sert à manger sur le tronçon de rue; le premier propose les mêmes plats, illustrés par les mêmes photos, que nous (les voyageurs) voyons depuis déjà plusieurs villes et villages; l’autre propose des mets basés sur des produits locaux, selon la disponibilité. Nous allons ici, la Cafeteria del Camino.

Gabrielle pataugeant devant le menu en espagnol, j’en dégotte un en anglais, à sa grande joie. Nous passons commande et la patronnen nous propose d’aller manger au jardin. Pourquoi pas, et nous voici derrière la petite maison, sous un genre d’abri de jardin en toile, doublée de toile de plastique. Je demande à la patronne si c’est étanche, elle dit que oui, grâce au plastique.

Heureusement, parce que l’averse se met à tomber pendant que nous dînons. La patronne vient fermer les pans de toile, pour nous protéger du vent, nous fait mettre nos sacs à l’abri de la pluie, bref, se fend en quatre.

Bon; il est tard et nous sommes les seuls clients, rendu à cette heure-ci, mais tout de même, elle a mis tout son cœur dans son accueil, clairement.

Pendant le dîner, je résume à Gabrielle mon voyage, ses raisons, mes découvertes… C’est rare que ce soit moi qui parle le plus, depuis le début du voyage… Ben quoi, c’est vrai…

Son histoire à elle est simple: gamine, elle entendait sa mère raconter comment elle est partie, jeune, et a voyagé avec son sac à dos. Dès qu’elle a gagné assez d’argent avec sa job (naturopathe et diététicienne), elle a démissionné et est partie pour l’Europe, avec un visa de travail de 2 ans au Royaume-Uni, dont elle est en train d’utiliser le premier mois à marcher vers Compostelle, après avoir profité d’autres vacances et d’autres excursions.

Elle résume le tout en disant que c’est beaucoup plus simple que ma propre démarche et qu’elle voulait juste vivre ce genre d’expérience avant de devenir une adulte responsable.

-Ah, alors tu n’es pas une adulte responsable?

-Non!

-Comment définis-tu une adulte responsable, alors?

-… Quelqu’un qui a un chien!

Nous repartons après l’orage et marchons les 12 ou 13 kilomètres restants avant le village suivant, seuls sur le plateau, entre les nuages, le vent, les montagnes qui sont plus visibles qu’avant l’orage et fort belles, dans le lointain. Permettez-moi de redire que nous habitons une planète magnifique.

Au menu de la conversation: la décomposition des cadavres et les rites funéraires, l’enseignement de la musique et le concert à venir de mes élèves de chez Suzie Auclair, l’apprentissage des langues…

Nous arrivons au premier hôtel après cette autre, plus courte, traversée d’un certain désert. Je m’arrête; ça me fait tout de même 40 km dans la journée! Elle, un peu moins, alors elle continue. C’était un très chouette bout de chemin.

Hôtel moderne, minuteries… Je fais un peu de yoga restaurateur dans le gazon, à la limite de geler parce qu’il vente encore autant mais je bouge moins qu’en marchant… souper, écriture, et voilà.

Je me demande encore comment a été le concert?

English digest: longest march in my trip so far. « So far » is, in fact, an apt description.

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