Je ne l’ai pas écrit, mais hier soir, le souper a été difficile. Éprouvant. Avec quelqu’un aux prises avec des démons que je connais bien.
Terrible cadeau du Camino, une leçpn sur les addictions… Dire que c’était justement le sujet d’une conversation de la veille!
Le soir, pendant que j’écris quelques notes à ce sujet, je suis désemparé. Pas le goût de reprendre le chemin comme ça, demain matin.
Or, le matin, il attend; il nous attend, en fait. Je ne sais pas où me mettre, ni comment me comporter… Je pars un peu avant, passe vite prendre un petit café au lait, repars comme il arrive… lentement, puis plus vite.
Le matin est magnifique, encore.
(Bon; le transfert des fichiers est encore d’une lourdeur pénible… Je suis rendu des tas de paragraphes plus loin, le temps que ces trois images soient passées!)
Donc, je marche seul, pendant un moment. J’essaie de méditer, de réfléchir… Voyons, à qui demander de l’aide? Euh… Gaël?
« Respire, reste dans le moment présent… »
Merci!
… Je m’aperçois que mon pied gauche est finalement mon meilleur ami, dans ce voyage: C’est lui qui m’a fait rencontrer X [vu la sensibilité du sujet, je ne mettrai son nom que s’il m’y autorise expressément], finalement. Et ça me donne l’occasion de réfléchir à mes propres addictions (qui ne sont ni le tabac, ni l’acool, ni la drogue, mais je ne sais pas si j’avais besoin de le préciser…); ça me fait aussi penser que le Gandhi de Santiago m’a donné un petit papier portant la fameuse citation: « Be the change you want to see »… Citation que j’ai, jusqu’à ce matin, toujours lue dans le sens social… Et tout à coup, le sens personnel me frappe. Encore un cadeau. Finalement, je fais un tour mental de gens que je connais et que j’ai connus, frappés par les mêmes addictions que X… Et tout à coup je me penche er ramasse une roche. Je viens de pardonner quelque chose, de réparer une plaie. Mais je ne peux pas en rester là.
Nous avançons, puis finalement, la mer, enfin, l’océan, enfin, caché sous les brumes. C’est tout de même magnifique.
Descente, raide! Passage par Cee, petit village de bord de mer. Je suis tendu… Nous nous arrêtons pour déjeuner. X veut nous faire signer son livre de voyage. Je lui ai dit que je ne pourrai pas signer tant que je ne lui aira pas dit mon histoire. Il me dit « Je t’écoute »…
Alors, là, pour toutes les fois où je me suis tu dans ma vie, je parle. Je dis la personne qui change, la perte de contrôle, constatée hier, mais aussi perçue dans un de ses récits; je lui dis que c’est lui qui va décider quel aspect de lui-même il va nourrir, et je puise dans ma poche trois cailloux; un pour moi, et deux pour lui: la dope et l’alcool. « C’est mon cadeau du Camino; tu en fais ce que tu veux; tu peux les laisser sur la table ou les prendre; si tu les prends et t’en débarrasses, ce ne sera pas facile… » Je lui parle de mon ami très cher qui s’est débarrassé de l’alcool, de la drogue et du tabac, mais qui refuse qu’on touche à ses tomates! Je lui souhaite d’en arriver au même point, un jour.
[ce billet est dédié à cet ami très cher]
Il les prend, il pleure.
Je me sens plus léger de quatorze tonnes et deux tiers.
Nous reprenons notre chemin, séparément au début, puis X me rejoint. Au total, il semble aller mieux. Je lui dis que, s’il se débarrasse de ses cailloux, les peines que ces cailloux cachaient vont encore être présentes. Il le sait, parle à son tour et tout s’éclaire.
Nous arrivons à Fisterra. Des tas de gens nous sautent dessus pour nous proposer l’albergue pension hostal avec le bagno privado mas confortable view on the sea luxury very cheap… Gnarf…
Cela dit, X m’a parlé de Muxia, et maintenant j’ai le goût d’y aller. Alors, voyons les horaires de bus. Pas de bus direct, faut passer par Cee. Bus à 13:55 (il est midi 55!) ou à 15h. Bon, je me lance vers le phare de Finisterre.
… Une autre des marches interminables du Camino! Petite montée longue, soleil de plomb! Juste 2,2 km qui semblent durer des heures. Finalement, j’y suis.
J’arrive pile en même temps qu’une dame qui me propose un échange de photo. Volontiers. Je continue, passé l’hôtel et passé le phare et m’avance sur les rochers. Des tas de gens se prennent en photo. La même dame arrive finalement et me repropose un échange de photo. Re-volontiers. Nous jasons. Elle s’appelle Amanda, est Néo-Zélandaise et vit à Oman. Son mari vient la rejoindre demain, après qu’elle ait passé une dizaine de jours sur le Camino, son premier voyage seule, planifié… Ça me fait penser au voyage de Britta. Elle me demande pour moi, alors je lui dis les 31 jours, la distance… Si j’ai trouvé des choses? Tellement! Et je m’aperçois que je viens de finir mon voyage, que j’ai appris et reçu des cadeaux tous les jour, de plus en plus beaux, et je me mets à pleurer. Elle me prend dans ses bras, sans poser de question, en disant qu’elle sent que le plus long voyage brasse certainement plus de choses.
Nous redescendons en jasant, j’attrape tout juste mon car, après avoir recroisé X (et aussi Y!); nous sommes très contents de nous être revus, même brièvement. J’encourage X, qui se prépare pour sa fin de voyage, demain.
Car vers Cee; chauffeur virtuose, descente à Cee, trois heures avant le car pour Muxia… Sentiment étrange d’avoir du temps à perdre, je ne l’avais pas ressenti depuis, ciel! Début avril?
Passage devant la station de taxis, lecture des tarifs… Ben coudon, c’est pas si pire, taxi pour Muxia.
J’arrive, le village est dans la brume. Une fois posé à l’albergue, je marche sur la jetée, à petits pas de pieds fragiles. Une fois au bout, je distingue à peine le village. Dernier (?) cadeau du Camino, d’une étrange beauté, et encore un moment d’émotion.
Je rentre à l’albergue, met mon cell sur le chargeur, lis des nouvelles… et tombe endormi! Je me réveille juste à temps pour aller souper avec deux Italiens qui ont fait le même voyage que moi en dix jours, en vélo. Nous comparons nos voyages… En sortant du resto, la brume s’est levée, le village est très joli et le paysage, magnifique.
Et j’ai tant à écrire!…
English digest: the day, like the whole Camino, was not all easy but wonderful.