Observation, 23 mai 2017

Chaque jour est différent,
Chaque étape est différente,
Chaque respiration est différente, je le sais depuis le yoga, mais je découvre aussi que
Chaque pas est différent…

Esquissé passé, Pampelune, 22 mai 2017 (pour corriger un oubli)

Celle-ci est pour toi, Contessa…
Nous sortons de Pampelune en passant à côté d’un espèce de n’importe quoi ressemblant à la fois à un parc et un terrain vague, à main droite; ça nous amène, à main gauche, sur des maisons qui ont une allure de squat… Devant les maisons, un groupe de jeunes massés autour d’une auto, genre petite, blanche et fatiguée. Un accord de guitare, fort et clair, puis plus rien… La porte passager est ouverte; en passant, je vois un jeune homme en place passager, qui tient une guitare, et une jeune femme en place conductrice. Je suis rendu peut-être cinquante mètres plus loin lorsque les accords commencent pour de vrai, puis ce chant rauque proche du cri… Ne pas avoir été sur le chemin, je serais retourné…

Quelques pas plus loin, de la musique plus pop, plus américaine, plus radio, qui sort d’une porte de garage entrouverte. Comme je m’approche, je vois un homme dans la cinquantaine, moustachu, un peu type Jean-Pierre Marielle, qui s’arrête de danser lorsqu’il s’aperçoit que je le vois faire… Ça me fait repenser à la dame, l’autre fois, au concert…

English digest: a guy in a car played guitar and sang flameco. It was great, for the few seconds I could hear.

Puente la Reina, ajout (22 mai 2017)

J’ai oublié de narrer la petite aventure de la journée… Presque rien, en vérité… mais c’était crucial, en un sens.

Après cette énorme marche au soleil, qui avait été notre plus difficile à ce jour, nous tombons de nouveau, à Puente-la-Reina, sur Jürgen et Bernhard, qui prennent une bière à l’ombre.

La conversation s’engage, essentiellement (bon, disons exclusivement) entre Tina et Jürgen. Celui-ci explique où ils ont trouvé à se loger, juste passé le fameux pont, au bout du village. Juste une petite côte à monter. Les deux nous invitent à prendre la bière, mais nous sommes fatigués et voulons aller nous poser, alors nous repartons.

Jusqu’au pont, tout va bien. Le pont est très beau, très moyenâgeux, comme prévu, et en dos-d’âne, toujours comme prévu. Où est l’albergue? Il y a une flèche vers la droite… Mais, à droite, il y a une côte. Bon, c’est certainement la maison que nous voyons à mi-pente… Ben non, ce n’est pas la maison à mi-pente. Il y a une autre flèche… puis plus rien. Puis un autre grimpeur, aussi exténué que nous… puis encore de la côte…

Nous arrivons enfin, fourbus, au haut de la petite colline, où nous trouvons finalement le bâtiment dans lequel nous prenons une chambre à lits empilés. Tina va encore en haut.

Avant de partir une lessive, je me prends une douche. Bon; la première cabine, il n’y a pas de crochet pour suspendre mon linge. La seconde, il y en a un; la troisième, trois, et pas de tablette.

Après la douche, je sors porter mon sac sous la garde de Tina, avant de partir la lessive pour de bon… Tiens, Jürgen et Bernhard sont de retour; ils vont souper sur place. La conversation a repris entre Tina et Jürgen… Je ne serais pas du tout étonné que ces deux-là finissent le Camino ensemble… Dans un sens, c’est même le contraire qui serait surprenant.

Cela dit, l’aventure, c’était cette dernière côte. Nous nous sommes présentés à la réception proprement exténués!

English digest: that last hill was too much.

Lorca, 23 mai 2017

Pensées pour les gens à Manchester…

Remerciements renouvelés à mes deux patronnes, Eugénie et Suzie, pour leur support dans mon voyage, tout d’abord en m’ayant permis d’organiser mes cours de façon à avoir pu terminer mes sessions la semaine dernière. Pensées pour mes élèves.

Pause dans l’étape du jour. Je connaissais depuis longtemps le gazpacho, cette soupe froide, mais aujourd’hui, après presque quatre heures de marche sur des chemins caillouteux, en montées et descentes presque constantes, sous un soleil de plus en plus insistant, je viens de « comprendre » le gazpacho.

Ça peut être bon en titi!

Apprentissages du voyage

Jusqu’à maintenant, il y a l’émerveillement renouvelé de faire le voyage lui-même, la beauté des paysages, la confraternité des voyageurs, les salutations des habitants…

Il y a aussi la relation avec Tina, l’élément surprenant et incontournable de cette première semaine; une relation dont l’élément essentiel est une confiance autant totale qu’instantanée. Je ne sais toujours pas pourquoi, sur la foi de quelques heures de chemin à la même vitesse (ce qui est une forme de chance, en soi), elle a décidé de me confier la responsabilité de ses choses, le matin de Roncesvalles, mais ça ne s’est pas démenti, et j’ai autant confiance en elle.

Elle prévoit de faire quelques escales en chemin… Nos routes vont se séparer d’ici peu, à Logrono. Ce sera certainement un autre enseignement du chemin: laisser partir ce qui doit partir.

… Mais en fait, il y a plusieurs de ces « enseignements » que je connaissais déjà, sans toujours en mesurer l’importance.

Vu ce que j’apprends ou retrouve, vu aussi tout ce à quoi je pense ou repense, tous les gens à qui je pense ou repense, c’est un peu comme si ce Camino était un immense jeu à points…

English digest: trust is very important in human relationships.

Pamplona à Puenta la Reina, jour 4, 22 mai 2017

Nous sommes partis de moyen matin, dans un soleil qui commençait tout juste à chauffer. Début du chemin passant par l’Université, puis par deux villages, Cizur Menor et Cizur Mayor… Nous songions à nous prendre un café… Rendus à Cizur Mayor, je vois l’enseigne d’un café hors du Camino. Je suggère à Tina d’y aller, même si c’est un détour; j’ai le sentiment que le prochain village va attendre un moment, vu que la route semble aller à travers champs.

Nous nous retrouvons à une petite boulangerie au milieu d’un espèce de village moderne, où nous prenons un excellent café et une non moins excellente pointe de tortilla aux patates et aux oignons, le tout pour 5 euros 50… Disons huit piasses…. Pour les deux!

Honnêtement, c’était une excellente intuition de s’y arrêter… d’une part parce que c’était si bon, mais d’autre part, parce que le village suivant était effectivement loin, genre, de l’autre côté d’une colline!

Celle en haut de laquelle il y a des tas d’éoliennes et une espèce de sculpture-monument aux pélerins des temps passés. Endroit où nous avons tous deux ressenti quelque chose de festif et une sorte de gratitude pour le chemin parcouru. Entre les débuts à Saint-Jean-Pied-de-Port et ce nouveau col, nous avions le sentiment d’avoir accompli un genre de cycle dans notre voyage. En prime, un panneau annonçait que nous n’étions plus qu’à 700 km de Santiago. Autement dit, aujourd’hui, quelque part, et peut-être à l’Alto del Pardon, nous avons franchi le premier 10% de notre périple.

La descente, passablement raide par endroits, s’est effectuée dans un nouveau paysage, tout aussi magnifique que le précédent.

Il a fait beau et chaud, de plus en plus chaud. Le dernier thermomètre que nous ayons vu, à Puente la Reina, indiquait 28 degrés. Nous étions épuisés en arrivant au refuge, qui est, détail aggravant, en haut d’une autre côte…

Cette étape a été la plus difficile, jusqu’à  maintenant, en vérité, surtout à cause de la chaleur.

English digest: we walked in hot and sunny weather, it was beautiful and difficult. We enjoyed it a lot!

Le français sur le Camino (Pampelune, 21 mai 2017, ajout)

Il y a beaucoup de nationalités et de langues sur le chemin, mais bon, l’anglais domine assez largement comme langue commune. Assez peu de gens parlent français, sauf bien sûr quelques Français et Françaises de passage, essentiellement…

Sauf hier, à Pampelune. D’une part, il y avait Nathalia, la patronne de l’hôtel-capsule où nous nous sommes arrêtés, qui retournait toujours au français (au grand désespoir de Tina), qu’elle avait visiblement grand plaisir à parler… Sauf que l’essentiel de ce qu’elle nous a suggéré d’aller voir n’avait pas lieu…

J’ai aussi croisé Farid…

Tina était partie plus loin; il m’a arrêté sur la rue, dit quelques mots, constaté que je parlais français, puis a commencé à me raconter son histoire. Réfugié Syrien, il a marché 7000 km, et non, je n’ai pas mis un zéro de trop… Il a laissé toute sa famille en Syrie…

-Regrettez-vous?

-Oui, je regrette…

Je n’ai pas compris tout ce qu’il me disait… Sa situation est difficile, il n’a pas de papiers, il dit que ce serait plus facile en France, mais il ne peut pas y aller. Il m’a dit que des fois, il se parlait tout seul… Je l’ai cru. Je ne savais pas quoi faire d’autre que de l’écouter, avant de lui donner 5 euros… mais j’ai eu l’impression que l’écoute avait eu plus de valeur pour lui…

Non, je n’ai pas de photo. Farid a l’air de n’importe quel immigrant mal vêtu qu’on pourrait croiser dans la rue.

Images du voyage (2)

Pour qui se pose la question: oui, il y a des ronces à Roncevaux!


Nous avons été dépassés par des vieux dans une montée et par des jeunes dans une descente juste après…


Il y a des gens, assez nombreux, qui font le Camino en vélo! Respect.

De Roncesvalles à Larrasoaña (2e étape, 20 mai 2017)

J’ai oublié, hier soir, de noter notre aventure du jour: nous sommes descendus du dernier col vers Roncevaux par le chemin dans la forêt… Ça peut sembler anodin, dit comme ça… mais hey, c’est hyper pentu et, hier, presque intégralement boueux. Limite casse-gueule, quoi.

Ce matin, nouvelle aventure: dans la salle wifi, j’attendais Tina, qui était partie prendre sa douche à l’étage où, en principe, nous n’avions pas le droit d’aller prendre notre douche. Comme je disais, ça lui a pris beaucoup de temps… Tellement de temps, en fait, que les bénévoles sont passés et… m’ont proprement éjecté de la salle wifi et même de l’immeuble en entier!

-Oui, mais j’attends quelqu’un! (Elle m’avait confié la garde de tout son matériel: sac, cellulaire, bottes, bâtons, coupe-vent…).

-Il est ici!

-C’est pas un homme, c’est une femme!

-Elle est sortie!

-Non, elle est dans la douche au premier étage!

-Nous sommes passés trois fois partout, il n’y a plus personne! Allez voir aux deux cafés, dehors, vous allez certainement la retrouver!

-Mais, j’ai ses bottes et son coupe-vent (et aussi tout son linge, hormis le pyjama, mais je n’avais pas noté ce détail, à ce moment-là).

-Eh, tout le monde est sorti, et nous, à 8 heures, on ferme et on fait le ménage pour les suivants!

Je paraphrase largement, mais c’était le sens général. Elle a fini par tellement me convaincre que je suis allé sous le porche, passé l’autre bout de la cour, pour… attendre, mettre mon poncho (il pleuviotait), voir si quelqu’un arrivait… en me demandant combien de temps je devrais attendre, si par hasard elle était vraiment au café, ce qui me semblait invraisemblable, mais la dragonne à la porte était tellement convaincante!…

Finalement, comme j’allais partir, avec mon sac, mon poncho, mes bâtons, plus le sac, les bottes, le coupe-vent, les bâtons de Tina, voilà qu’elle apparaît sous le porche à son tour… Elle venait d’être mise à la porte, elle aussi, aprés avoir vachement surpris une femme de ménage qui ne s’attendait plus à voir personne, et s’être fait chicaner par la dragonne.

Nous étions mutuellement vraiment contents de nous revoir!

Après, ben nous avons pris le déjeuner au village suivant, puis marché dans un temps qui s’améliorait sans cesse, jusqu’à une fin d’après-midi, ma foi, très agréable, voire limite trop chaude, en passant par des coins de pays qui auraient tous mérité d’être photographiés, avec des petits ruisseaux et des petits ponts ou des passages à gué, des animaux de ferme, des vallons, des villages… C’était magnifique!

Le pays basque français est très beau, l’espagnol aussi. Je lis « Navarra » partout et je pense à André…

Rendus à Larrasoaña, petit luxe: nous nous sommes offert une chambre triple dans une pension plus chic… Pas de réveil en fanfare à six heures demain matin!

… Il se pourrait tout de même qu’un des enseignements du Camino soit d’accepter et de prendre ce qui passe…

Je repense à ce conseil d’un autre de mes professeurs, Julius Berger, qui m’avait dit, après ma seconde académie à Salzbourg: « Enjoy life, Nicolas! »

English digest: Tina went missing until expelled from the refuge, ten minutes later. Then, we walked a lot.