Histoire de Roberto et Adriana (Moratinos, 3 juin 2017)

Juste comme j’écrivais que j’étais curieux de son histoire, Roberto est apparu et est venu me parler. Il était intrigué par mon clavier; je lui ai parlé du cadeau de ma mère à mon père, qui est devenu un cadeau pour moi suite au décès de mon père. Il m’a dit que justement, son père avait été malade lors de son premier Camino, il y a vingt ans, et était mort peu de temps après.

Il m’a surpris, ensuite, en me disant que j’étais une des quatre personnes qu’il avait retenues de son voyage jusqu’à maintenant, en compagnie de trois autres Italiens! Juste parce que nous avons parlé de musique!?

Il a accepté de me raconter son histoire; je vais la rendre du mieux que je puis.

Roberto est professeur de gymnastique; il a étudié à l’ISEF de Lombardie, à Milan. Il a un fils de 40 ans et une petite-fille de 8 ans.

Roberto n’était pas convaincu par la spiritualité de l’église catholique, ni par l’hindouisme, ni par le bouddhisme, ni par le soufisme, par rien, finalement. Il manquait toujours quelque chose.

Finalement, il a assisté à la première conférence de spiritisme…

(Il m’explique la pensée spiritisme, qui repose sur un principe de réincarnation qui me fait sérieusement penser à la foi des Cathares, que j’avais apprise pendant mes étés cordais, sauf que les mauvaises vies ne donnent pas lieu à des réincarnations en animaux… pour un résumé, voir Le nom de la Rose, où le tout est assez bien expliqué. Autrement, la référence française est Allain Kardec.)

Donc, il assiste à la première conférence de spiritisme à Natal. Il a rencontré la crème de la crème du spiritisme et a commencé à l’étudier et à s’impliquer comme bénévole. Il est resté au total onze ans au Brésil.

Après deux ou trois ans, il a rencontré Adriana, et ils ont d’abord été patients, puis ont travaillé ensemble dans deux centres de spiritisme: un de magnétisme, suivant et amplifiant la tradition française, et un de chirurgie spirituelle, le centre Francesco di Assisi, à Ceara Mirim.

(Adriana a 7 frères et 5 sœurs, nés dans la campagne pauvre près de Natal, sa mère est morte jeune, presque à la naissance de son dernier enfant. Son père travaillait sur une ferme, il est mort lui aussi peu de temps après; les plus grands s’occupaient des plus petits Ils sont tous partis, chacun leur tour, vers la ville pour trouver du travail.)

Cependant, il y a une grande différence d’âge entre eux, de l’ordre de 42 ans. Roberto a 70 ans, Adriana presque 28. Roberto ne voulait pas accepter l’amour qu’il ressentait. Après trois mois de fréquentation, lorsqu’ils sont venus en Italie, Roberto a consulté un psychologue. Un premier psychologue devait l’écouter, mais Roberto a été malade, incapable de se rendre au rendez-vous. Un second rendez-vous a été pris, avec une psychologue, Madame Castagnetti. Elle a écouté Roberto et Adriana pendant 20 minutes, puis a démoli les peurs de Roberto en lui disant de ne pas se cacher. Alors, il a accepté la situation.

Ils ont fait ensemble un tour du Brésil à moto, 11 000 magnifiques kilomètres, en 2014. En 2015, Roberto a eu un accident de moto et le bras gauche fracassé.

Ici, les récits divergent: Roberto dit que c’est avant l’accident, Adriana dit que c’est après, mais Roberto a eu l’idée de créer un centre de spiritisme dans son patelin, Villafranca di Verona. Il voit une lacune importante dans la connaissance du spiritisme en Italie du nord.

Ils étaient encore très liés au Brésil, ce qui explique que ça ait attendu si longtemps. Mais la présidente des spiritistes italiens, Regina Zanella, et la présidente des spiritistes des États-Unis, lui ont donné l’impulsion de créer le centre, « c’était presque un ordre ».

Alors, il a mis en vente ce qu’il avait construit au Brésil, une vaste maison près de Natal, et est retourné en Italie avec Adriana. Il y est retourné aussi un peu pour se rapprocher de sa vieille mère (il a un frère et une sœur, laquelle s’intéresse au spiritisme alors que le frère, pas du tout!)

Le projet original était de passer une partie de l’année au Brésil, l’autre en Italie, mais ce n’était pas pratiquement envisageable.

(Roberto me raconte qu’à 18 ans, il a rêvé de vivre à un endroit où il serait à l’abri de l’hiver humide et gris du nord de l’Italie; pendant 11 ans, c’est ce qu’il a fait!)

Le projet de centre de spiritisme, qui devrait devenir un foyer de la discipline, est encore tout entier dans son esprit, mais il compte bien entamer sa réalisation l’an prochain.

Pour vivre en Italie, Roberto et Adriana, qui sont liés spirituellement depuis 7 ans et demie, se sont également mariés légalement en janvier dernier.

L’idée du second Camino est venue à Roberto peu de temps avant leur voyage vers l’Italie pour y vivre.

As I wrote earlier, english digests are off line today. See you soon!

De Carrion de los Condes à Moratinos (16e étape, samedi 3 juin 2017)

… Que rajouter sur ce que j’ai déjà dit? Je crois avoir oublié, du point de vue du chemin, qu’alors qu’hier j’ai longé le Canal de Castille, ce matin je marchais sur le tracé de la Via Aquitania, oui, une ancienne voie romaine.

Évidemment, les arbres ne sont pas d’époque; le gravier non plus… Je crois qu’il ne reste vraiment que le tracé rectiligne.. Très rectiligne!

J’ai laissé Andrea et Nathalie-la-rapide à terradillos de los Templarios et ai continué un village plus loin; je pensais revoir Daniel et Ana, qui m’ont dépassé pendant mon café à Ledigos, mais ne les ai pas vus.

(Nathalie et Andrea)

Aussi, Andrea m’a dit qu’il y avait une église Saint-Nicolas ici; je vais aller y jeter un coup d’œil après ma bière d’étape.

À la place d’Andrea, Nathalie, Daniel ou Ana, je suis dans la même chambre que Salvatore et Adriana; lui, Italien de Vérone, 70 ans, prof de sport et elle, Brésilienne de, quoi, 24-25 ans? Je ne connais pas leur histoire, mais ils partagent le même lit. Dans un sens, je suis curieux, et ça fait plusieurs jours que nos chemins se croisent… mais Salvatore parle vite et je ne comprends pas toujours ce qu’il dit… Et Adriana (ou Diana, selon les jours), j’ai à peine entendu sa voix.  Enfin, nous verrons bien.

Parlant d’étapes… j’ai probablement franchi la moitié de mon voyage, maintenant… Ça fait un peu drôle d’y penser.

Correction: c’est Roberto, pas Salvatore, pardon! Et il est venu me rejoindre juste comme j’écrivais ceci. Je vais avoir son histoire sous peu…

English digest: walking on a Roman way is a straight through business.

Café à Ledigos (3 juin 2017), suite

Après le café et la vague de tristesse de tantôt, Nathalie et Andrea se sont assurées, chacune à sa façon et à son moment, que j’étais correct, puis nous sommes repartis.

Quelques pas avec Andrea, qui me parle de ses enfants partis du nid, puis de Schubert et de Satie (qu’elle joue au piano)…

Puis, marche solitaire… Pensées supplémentaires sur la pièce, sur la vie, sur Logical Song…

J’ai peur de ce que je trouve… Je l’accepte, pour le moment; je prends un caillou sur le chemin…

English digests are off line for the time being.

Café à Calzadilla de la Cueza (3 juin 2017)

Fait la grande traversée… du…

Tellement de monde que je n’ose plus dire « désert »…

En plus, il y a maintenant une mini cantine au milieu de nulle part…

Mon pied gauche m’a fait ralentir…

Deux pauses, très bienvenues, puis ce café à la sortie…

Beaucoup de longs moments de silence, même si ce n’est pas ce que je raconte le plus…

English digest: loooooooong straight walk. Left foot hurt. Was fun nevertheless.

De Boadilla del Camino à Carrión de los Condes (15e étape, 2 juin 2017)

Aujourd’hui, début de ma troisième semaine de chemin. J’ai raconté dans les billets précédents les aventures du matin; pas grand-chose à rajouter, sauf le monsieur à l’accueil du Monastère Santa Clara. Disons qu’il prend son travail très, très, trrrès au sérieux. Nathalie-la-rapide dit que c’est la version masculine de la mère supérieure!

Oui, Nathalie, parce que nous nous retrouvons encore, avec Andrea, ensembles. Andrea était très contente lorsque je l’ai vue arriver au village. Je sens que pour elle, ce voyage est toute une découverte. Aussi, elle a commencé à Logrono; je réalise que ma semaine d’expérience de plus fait bel et bien une différence.

English digest: met a very serious man, yet still had a lot of fun!

Dîner à Villalcazar, vendredi 2 juin 2017

Départ ce matin, déjeuner, j’ai déjà raconté.

Marche, après le déjeuner, avec Nathalie et Andrea, puis elles se sont arrêtées au premier village suivant pour aller voir l’église. J’ai continué jusqu’à l’autre, Villavieco, où je me suis arrêté pour prendre un café juste avant la pluie. Andrea et Nathalie sont arrivées au moment des premières gouttes.

Il a plu pas mal, puis nous sommes repartis lorsque ça s’est calmé.

Nous avons pris la grand route, pour éviter la boue du petit chemin. Au premier village suivant, Nathalie s’arrête encore, Andrea et moi continuons et rattrapons un groupe de gens…

Nous marchons un tout petit peu plus vite qu’eux et nous retrouvons dans le groupe. Une dame s’arrête, pour replacer je ne sais quoi, puis repart, elle me suit comme si elle allait me dépasser…

Mais quelque chose dans le bruit de ses bâtons m’agresse incroyablement! Je me sens coincé. Je me penche en avant et accélère, je ne me souvenais même plus que je pouvais partir comme ça. Je me sens mal, je n’ai rien dit à Andrea. Mais, il faut que je m’éloigne.

Quelques minutes plus tard, mon pied gauche, qui allait vraiment bien, me fait payer mon écart de conduite… mais je suis assez loin, je peux ralentir.

Je rattrape Christina, qui était à l’abri avant la pluie et qui est partie avant nous… dernières salutations, elle s’arrête au prochain village.

… Finalement, je m’arrête aussi, j’ai faim.

Une fois assis au resto, commande passée, je vois Andrea qui monte vers l’église. Je sors en courant, pour m’excuser. Elle me sourit, me dit que ce n’était pas nécessaire… Elle, au contraire, a ralenti… pour la même raison!

English digest: one precise stick noise made me crazy! Not in the good sense.

Message de Christina (déjeuner à Fromista, 2 juin 2017)

Ce matin, après une marche solitaire  (si on exclut les nuages d’insectes) le long du canal de Castille, surprise: un déjeuner à six, Jürgen, Bernhard, Christina, Andrea et Nathalie-la-rapide et moi, à Fromista, au lever du soleil.

Ça me fait repenser à un message de Christina à mes lecteurs et lectrices, qu’elle m’a dit hier soir:

« Dites-leur d’aimer la vie. »

Voilà qui est fait.

English digest: Christina says: love life.

Christina (Boadilla del Camino, 1er juin 2017)

Christina est Brésilienne et Italienne (héritage de son arrière-grand-père), elle parle portugais, bien sûr, mais aussi français (très bien, même si elle ne me croit pas quand je le lui dis), anglais et italien.

Son fils vit à Londres; il est Brésilien, Italien et Anglais, mais ce n’est pas ça qui est important dans l’histoire. Ce qui compte, c’est qu’il a fait le Camino l’an dernier.

Christina voulait faire le Camino depuis longtemps, déjà. Son fils l’a encouragée, alors bon, elle se lance.

Ai-je dit qu’elle est déjà sexagénaire? Qu’elle marchait avec un couple qu’elle a fini par laisser derrière, parce qu’ils ne faisaient que 15 km par jour? (Elle en fait 20)

Est-elle pélerine? Non; plutôt marcheuse, comme moi, et heureuse de ce qu’elle trouve en chemin, et du temps seule, et… par anticipation, certaine d’être heureuse de retrouver sa maison et son confort!

Ah, je crois avoir oublié de préciser qu’elle a deux hanches artifielles… Et tout mon respect!

Deux hanches artificielles, mais elle n’est même pas la personne qui boite le plus sur le Camino.

 

Andrea lui a demandé, en soupant, si elle a un permis pour passer dans les aéroports, parce que ses hanches font certainement sonner les détecteurs de métaux; Christina dit que non, qu’elle passe toujours par une seconde machine et que tout finit toujours pas s’éclairer.

… Andrea dit alors que son mari a deux barres de métal dans un avant-bras… et qu’il déclenche toujours les détecteurs en Allemagne, mais jamais en Grèce.

English digest: respect for Christina, a nice walker of the Camino!

De Hontanos à Boadilla del Camino (14e étape, 1er juin 2017)

En suis-je déjà à la fin de ma seconde semaine de marche?

Ce matin, déjeuner chez Manuel, aussi chouette que le souper de la veille (même s’il n’a pas chanté). Puis, test pour mon pied gauche: following herr Jürgen für zwei stunden; so far, so good, tutto va bene, muchos gracias.

Ouf, le Camino est tout un défi pour mes facultés linguistiques.

Deux heures de marche jusqu’à Castojeriz, petit déjeuner, puis deux heures de marche jusqu’à Ite de Vega, dîner… Le premier village était très joli, le second, très moche et très triste. Tellement de maisons fermées…

Autour du premier village, je rencontre Eugénie et une des Nathalie d’hier soir; nous jasons un peu sur le chemin, puis elles continuent pendant mon déjeuner avec Jürgen et Bernhard. Nous (J, B et moi) les rattrapons au début de l’ascension de la Meseta de Matolares; je monte en jasant avec Eugénie. En haut, nous (E et moi) rattrapons les deux Nathalie. Nous (tout le monde) avons pris une photo pour immortaliser ce bref moment où les Québécois ont été en majorité sur un minuscule coin du Camino…

Nous (les Québécoises et moi) nous sommes laissés juste avant la descente, de l’autre côté de ce tout petit plateau; la vue était magnifique! Malheureusement, le téléchargement de la photo précédente m’a pris 15 minutes; j’en ai un peu marre; la photo du paysage attendra.

Juste avant le second village, nous (Jürgen, Bernhard et moi) rattrapons Andrea, la dame que j’avais rencontrée à la fin de ma traversée solitaire du plateau, hier. Nous (Andrea et moi) traversons le petit village triste, prenons un peu d’eau (pour elle), un café et une bouchée (pour moi) et repartons… et croisons de nouveau Jürgen et Bernie, qui collationnaient à la sortie du village.

Nous nous arrêtons quelques instants, puis, à ma surprise, Andrea préfère repartir avec moi qu’avec les Allemands! Quelques instants après, je comprends pourquoi: elle a senti de la condescendance dans un commentaire de Jürgen, qui lui a expliqué qu’il avait enlevé ses bas pour les faire sécher, pour éviter les ampoules…

Or, elle sait tout ça. En fait, elle sait plein de choses, d’une part parce que son mari est prof de sport et thérapeute sportif (je l’apprendrai plus tard), ensuite parce qu’elle est médecin interniste, spécialiste des urgences et des protocoles antibiotiques dans un hôpital universitaire du nord de l’Allemagne.

(N’empêche… marcher et jaser avec Eugénie, puis marcher et jaser avec une médecin interniste… je me sentais étrangement en pays de connaissance…)

Andrea a décidé, en arrivant à Boadilla del Camino, d’affronter une de ses peurs: elle a pris un lit à l’albergue, plutôt que dans un machin plus chic; elle me dit que c’est sa première albergue. Par contre, en me voyant boire de l’eau du robinet, elle me dit que je suis un héros!

Elle est très drôle. J’espère avoir une histoire à raconter… Mais je peux tout de suite dire que ses remarques sur le fonctionnement des soins en Allemagne me faisaient penser à des récits que j’ai déjà entendus. Si elle vient à Montréal, je sais avec qui je vais lui suggérer de souper.

English digest: there are surprises every day on the Camino, most are very pleasant.