Esquissés passés (déjeuner à Virgen del Camino, mardi 6 juin 2017)

Oui, au pluriel, car j’en ai oublié deux, hier soir, à Leon.

Je suis près du comptoir, dans la boutique de matériel relié aux cellulaires, en train d’effacer laborieusement la tonne de photos que m’a aimablement dupliquée le jeune vendeur qui voulait bien faire…

Entre une dame dans la cinquantaire, bonne bourgeoise rigolotte, qui me voit pitonner avec ardeur et me débite son boniment. Elle s’aperçoit que je ne comprends pas:

-Ah, non entiende?

-My espanol esta muy limitado; se parla lento, capisco un pequeno.

Et elle repart comme une mitraillette, et elle insiste, et revient à la charge, en me montrant des machins qui fonctionnent admirablement bien dans la tablette de son fils (si j’ai compris quoi que ce soit…). Je lui demande si elle veut que je l’achète, ou quoi, en français; elle repart encore de plus belle. Le vendeur revient à mon secours, au moins pour la troisième fois…

J’ai vraiment eu l’impression qu’elle prenait son pied de pouvoir parler devant quelqu’un qui a l’apparence extérieure d’un adulte raisonnablement instruit mais qui ne comprend rien à ce qu’elle dit…

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Un peu plus tard mais beaucoup plus lumineux…

Je suis sur cette rue, à attendre Roberto qui est allé faire des courses pour le matin suivant. Passent trois grands ados en patins à roues alignées, deux gars et une fille, genre fin secondaire ou début CEGEP.

La fille, la dernière, patine « normalement »; le gars, le deuxième, patine avec les pieds ouverts, talons rapprochés; le premier gars patine sur un seul pied, à reculons, en se servant de son autre pied, jambe pliée au genou, pour se guider à travers la foule. Il est sérieux comme un pape et contrôle précisément sa trajectoire.

Comme pour le renard et le cerf et le train des jours précédents, désolé, pas de photo… Avoir tenté de la prendre, je n’aurais même pas pu décrire correctement ce que j’ai vu.

English digest: annoying ladies and good skaters can also be part of the Camino.

Esquissé passé: deux paraphrases d’Andrea, 2 juin 2017

[nous parlons de religion, ou pas… Elle me raconte qu’elle a été élevée catholique…]

-À 35 ans, j’ai cessé d’aller à la messe; je croyais que j’étais adulte, mais je n’ai pas osé le dire à mes parents…

– – –

-À Burgos, je regardais les gens sur la place, devant la cathédrale; ils étaient comme nous [elle pointe ses jambes, des mollets vers les orteils]: rouge, blanc, ampoules!

Esquissé passé, 2 juin 2017

Deux couples de cyclistes qui font route ensembles. Les deux hommes, même carrure affirmée, même âge, fin quarantaine ou début cinquantaine, mêmes genres de maillots cyclistes bien collants, roulent de concert à l’avant en parlant fort. Les deux femmes, elles aussi du même moule, plus petites, fines, brunes claires à cheveux longs, suivent de concert, quelques pas plus loin, en silence. Elles aussi portent des maillots moulants, assortis, ce qui fait qu’on voit clairement qui est la femelle de qui…

Esquissé passé, Atapuerca, 29 mai 2017

Gerhard raconte que c’est son quatrième Camino…  Je traduis et paraphrase un tout petit peu:

-… Et nous avons rencontré tellement d’anges sur le Camino, Andreas, Heike, [un autre convive dont j’ai oublié le nom], ma femme…

-Vous vous êtes rencontrés sur le Camino?

-Oui!… [je sens qu’il diverge un peu] Notre Camino dure depuis 33 ans. Et, après-demain, ça va faire 31 ans que nous sommes mariés!

Sigrid, sa femme, intervient:

-Non; c’est demain!

Esquissé passé, Montes de Oca, 29 mai 2017

Je les vois jaser et prendre un peu d’eau avant un faux-plat au début de l’ascension des Montes de Oca. Ils commencent pratiquement à la même vitesse, puis l’homme prend de l’avance, un petit peu. Je rejoins et dépasse la femme vers la fin du faux-plat, dans le virage vers une montée plus sérieuse. Salutations, je constate qu’elle est Française.

Clang, clang… le bruit de mes bâtons de marche qui se rapproche fait se retourner l’homme, dans la montée. Il se contente de jeter un coup d’œil, la femme est là, derrière, ça lui suffit, il se retourne et reprend la montée.

Clang, clang… Le son de mes bâtons lui donne des ailes et la distance entre nous cesse de diminuer…

Loin derrière, une voix féminine:

-Philippe?

-Oui? [il se retourne, pas moi]

-Tu veux pas faire une pause, là? [pas certain d’avoir bien entendu]

-Oui.

Il s’arrête sur le côté et ne retourne pas ma salutation.

Esquissé passé (déjeuner à Villafranca, 29 mai 2017

Il y avait un couple d’Argentins, à l’hôtel hier soir et ce matin; leur façon de prononcer « tortija » plutôt que « tortiya » valait le meilleur passeport. Je les ai rejoints et dépassés dans la petite descente entre Espinoza del Camino et Villafranca- Montes de Oca.

Elle marchait en premier, récitant son chapelet, ne portant pratiquement aucune charge; il suivait, portant vaste sac et marmonnant à la suite. J’ai reconnu un Ave Maria en espagnol.