Kulturräume, suite et fin, dimanche 16 et lundi 17 juin 2019

Hier, la journée a commencé de bien étrange façon: la recherche d’un endroit où déjeuner! Le premier resto était trop plein, il n’y avait plus de place; le second, hors de la ville, était trop vide, il n’y avait pas de cuisinier! Le troisième, un club de golf, ben, ça a marché. Nous avons tout de même passé une heure à chercher!

Puis nous sommes rentrés, Pendant que B. partait prendre une marche avec L., j’ai pratiqué un tout petit peu et préparé un peu quoi dire, tantôt.

Puis B. est venue me chercher et nous sommes allés à la résidence pour personnes atteintes d’une déficience ou d’une maladie mentale. Le journaliste est arrivé peu après. Pendant son entrevue, il est revenu sur le fait de comment ça se pouvait que je sois venu d’outre-Atlantique pour jouer ici, à Hückeswagen?!? Je crois qu’il pensait que c’était une manière de vacances aux frais de la princesse, pour moi, et qu’il n’en est pas revenu de découvrir que j’avais pratiqué chaque jour!

Puis les résidents de la place sont arrivés, en ordre dispersé. J’ai été averti qu’une jeune femme, attachée dans sa chaise roulante au premier rang, pourrait avoir de la misère si c’était trop fort…

Présentation par B., qui m’a averti qu’elle allait dire totalement autre chose que ce que j’avais envisagé. Je lui fais totalement confiance! Je devine l’essentiel de son message. Puis bon, je joue. Gamme et arpège descendants du début du Prélude de la Troisième Suite. La jeune femme aux oreilles sensibles crie, je radoucis le son, rien à faire… Une aide soignante vient la sortir en s’excusant. La femme qui accompagnait la première sort aussi, par sympathie, je crois. Regard vers B., qui ne bronche pas. Je continue.

La dame âgée juste devant moi a dans le compartiment de sa marchette une poupée de petite fille. Elle la prend et l’assied sur la tablette de sa marchette, en position pour m’écouter. Ouf! Le courant passe. Je continue. Je vois des hochements de tête, J’enchaîne les mouvements sans reprise.

Après la Suite, réaction très positive. B. demande si je continue et propose juste un autre morceau. Évidemment, je fais le Prélude de la première Suite. Applaudissements encore, puis signe de tête: c’est assez. Je range mon violoncelle. Une autre femme attachée à sa chaise, plus au fond, demande pourquoi la musique est déjà finie? La dame à la poupée me demande si je reste à Hückeswagen. Non. Mais alors, quand allez-vous revenir? Je lui promets que, quand je reviendrai à Hückeswagen, je reviendrai jouer pour eux. Le personnel est content, B. aussi.

Nous partons pour une grande marche dans la campagne, avec B., R., J., L. et A.R. Le but de la marche: une maison qui fait jardin ouvert, une autre initiative citoyenne du coin. Nous arrivons près d’une jolie villa avec un très beau jardin anglais qui domine le village voisin. Il y a un petit aérodrome pas loin et un avion passe, tirant un planeur. Le câble largué, le planeur tourne en silence.

Je rejoins Lars, assis sur un banc en haut du jardin. Nous voyons Hückeswagen au loin. Je me suis souvenu, au début de la marche, que c’était l’anniversaire de ma mère, aujourd’hui. L. me suggère de l’appeler, maintenant que c’est une heure décente au Québec. Je lui explique que je marche généralement en wifi, vu le prix de nos appels cellulaires au Canada… Il m’offre de partager la connexion avec son cellulaire. Merci beaucoup! J’appelle…

Quand nous redescendons, les autres sont déjà attablés. Nous passons nous servir des gâteaux et du café ou de l’eau. Les gâteaux sont excellents! J’en fais le compliment à une des femmes qui sert les visiteurs, en soulignant que c’est l’anniversaire de ma mère et que c’est moi qui mange ces superbes gâteaux!

B. suggère alors qu’ils chantent Joyeux anniversaire en allemand pour ma mère. Je rappelle, ils commencent, pile sur la même note sans même s’être consultés, tous les quatre (A.R. est absente à ce moment-là). Ma mère est touchée, je suis ému. Je prends un petit moment pour les présenter par vidéo.

Sur le chemin du retour, je remercie B. Elle avait entendu parler de ces jardins ouverts, comme les maisons ouvertes de Kulturräume, et touvait que ça ferait une belle conclusion à cette semaine. Je suis bien d’accord. Je crois que je vais prendre un autre billet pour parler d’elle, j’ai appris beaucoup de choses pendant la semaine.

Dernier cadeau, en arrivant au village: une femme salue B. et lui parle en me désignant en disant plusieurs fois « morgen »… Je finis par comprendre qu’elle m’entendait pratiquer les matins et qu’elle aimait ces débuts de journées. Elle habite juste au-dessus du salon de coiffure, pile en face du salon où je me trouve en ce moment pour écrire… Merci, madame!

Retour, souper à la pizzeria pas loin (très bonne pizza mais évitez le vin rouge maison!), nuit puis matin… Et c’est déjà mon dernier déjeuner ici. Dernière conversation, dernière marche vers le travail, dernier bilan…

Fondamentalement, le projet de Kulturräume, c’est de rendre les gens heureux. Ça a marché. Merci, merci beaucoup! Au revoir, B.

… Bon; A.R. vient me chercher pour me reconduire à Cologne dans une heure… Faudrait bien que je fasse mes bagages… Et s’il me reste du temps, jouer quelques notes pour la voisine d’en face?

Quelle journée! Kulturräume, Hückeswagen, samedi le 15 juin 2019

Ça a commencé presque calmement, par le traditionnel café avec B., puis nous sommes allés déjeuner en bas, à l’hôtel où ses amis J. et L. sont descendus. Puis quelques courses. Puis un peu de pratique et la vraie préparation: coiffeur, pour elle, étude attentive du Tremblay pour moi… Installation des chaises au salon, rapide salade en ville (pour moi), dernières courses de préparation ici et là…

Puis les gens ont commencé à arriver. Des amis, d’abord, il n’était même pas deux heures. Je faisais un genre de sieste sur le divan du salon. Puis, à partir de deux heures, les « vrais » participants. Le salon se remplit vite. Quelques minutes de révision des passages difficiles du Reger, quelques minutes au salon, je passe mon cellulaire à Lars, avec instruction de filmer la première pièce seulement. B. me présente, puis hop.

Je m’aperçois que d’autres gens filment. Ça m’ennuie et me distrait. Oups. Mais bon, le prélude de Bach passe plutôt bien. Reger, maintenant… De mémoire, oui. Je suis peut-être rendu à la troisième ligne que ça me frappe: hey, c’est la première fois que je joue cette pièce en concert « officiel » (soit dit sans vouloir offenser le public de mon concert d’essai)! Une demi seconde de chicane mentale: Grrr! T’aurais pas pu y penser plus tôt? Gnarf!

Bon; quart de seconde suivant: « Mets ça dans ta besace, mon grand, desserre les deux mains, concentre-toi, continue! »

À ma droite, le patron de B., avec qui je parlais presque juste avant de commencer. Nous parlions justement de stress, de respect du public, de présence publique… Et là j’ai un moment de faiblesse devant lui. Bon; tant pis, je continue, il le faut bien. Un autre, un autre encore… Je fais de mon mieux ce que je suis capable de faire.

J’arrive à la fin de mon premier vingt minutes. Les applaudissements sont nourris, quelques personnes viennent me féliciter, le patron part sans même un regard… Tant pis. B., elle, est contente, et même émue: il se passe dans son salon ce dont elle avait rêvé. Moi, je suis moyennement satisfait, mais disons que pour un premier set, ça va.

Avant le prochain, j’ai une heure de libre. J’en profite pour sortir. Il fait beau, contrairement à ce que disaient les prévisions. Je visite quelques expositions, j’entends quelques notes d’un duo chansonnier à guitare – basse, avec presque toute la salle qui reprend le refrain en chœur, je vois partout des gens heureux et souriants. Je suis heureux moi-même d’en faire partie.

Pour la demi-heure avant mon deuxième set, je remonte au salon et prends la partie de Cèdres en voiles, car je vais me risquer à jouer de mémoire. Révision intense parmi les visiteurs de l’exposition, puis quelques minutes dans ma pièce.

Je reviens dans le salon juste quelques minutes avant l’heure prévue. Je m’aperçois que plus de soixante personnes attendent le début de mon « live » Fb… Mais L. n’est pas là! Alors, bon, je demande à la cantonade si quelqu’un veut bien m’aider… La dame devant moi se porte volontaire. Allez. B. lit l’introduction. J’avais mis un avertissement sur le caractère difficile de la pièce dans mon projet de présentation. J’entends B. le mentionner. Elle rajoute l’épisode de jeudi, quand j’ai joué à la réunion du groupe anti-nazis. Je suis content qu’elle l’ait mentionné . Je commence par le Prélude de la 3e Suite.

Tout de suite, ça va mieux: meilleur son, plus juste, plus de liberté et d’invention… Sarabande… Puis Cèdres en voiles. Juste avant de commencer, j’avais constaté que plusieurs personnes m’écoutaient les yeux fermés… Non, ils ne dormaient pas, il me semble.

Mais là!… Je fais se déchaîner la violence de la pièce, son âpreté, sa dureté… mais aussi, autant que je peux, sa douceur, ses doutes, sa légèreté… J’essaie de personnaliser le plus possible chaque thème de cet espèce de rondo-sonate, finalement relativement simple dans sa forme (ça m’a pris beaucoup de temps pour m’en apercevoir!), j’essaie de faire entendre la voix de Gilles et les conseils d’Emmanuel et de Raphaël…

Après la dernière harmonique, silence complet…. Yeux fermés encore, quelques têtes baissées… J’attends quelques secondes avant d’entamer la Gigue de la 3e Suite. C’est jour de fête, je veux ramener la joie.

Tonnerre (relatif, il n’y a quand même que deux douzaines de personnes mais le salon est totalement plein!) d’applaudissements. Parfois, je ne sais pas comment prendre les manifestations du public, mais cette fois-ci, ça va. Je sais que j’ai beaucoup travaillé et beaucoup donné, et que j’ai rejoint les gens qui m’écoutaient. D’ailleurs, j’ai plusieurs commentaires et remerciements. Un en particulier me touche beaucoup: K., le mari de J. (un couple de probablement plus de 80 ans, que j’avais rencontré l’an dernier), affecté, me serre la main en me disant: « We’ve known the war… What you did was very good!… » Ce commentaire-là m’est précieux. Merci beaucoup.

Seulement une demi-heure de pause avant le dernier set. B. est émue, ça me touche. Je suis nettement plus content qu’après le premier set.

Bon; dernier set. On dirait qu’il y a de plus en plus de monde, je ne sais pas si c’est possible. Présentation, premier et troisièmes mouvements de la Sonate de Cassadó, puis. finalement, Obstination. Nouvelle salve d’applaudissements, encore plus nourris, et puis ma participation à Kulturräume est terminée. Déjà…

J’ai le sentiment agréable d’avoir joué de mieux en mieux au fur et à mesure que la journée avançait, sentiment confirmé par B. Elle me dit qu’elle se demande ce que ça aurait été si j’avais joué deux heures, comme je le prévoyais initialement!

Nous rangeons sommairement la pièce, pour les derniers visiteurs de l’exposition , puis je pars écouter les dernière note du combo jazz à l’espèce de brasserie là-bas. J’arrive un peu tard, la pièce est archi pleine. Alors, j’écoute depuis la rue, sous la fenêtre ouverte. C’est franchement pas mal du tout. Une femme passe, qui vient me voir; je l’avais aperçue à mon dernier set. Elle me félicite et me demande combien de temps je pense rester à Hückeswagen. Je repars lundi. Elle en est désolée. Elle a été pendant 34 ans violoniste à une des philharmonies du coin, j’ai malheureusement oublié laquelle. Elle me dit qu’elle joue Bach, Paganini, Ysaye pour son plaisir et qu’elle m’aurait demandé de jouer de la musique de chambre si j’étais resté dans le coin. Merci beaucoup, derechef.

Puis c’est le souper avec les autres artistes et les exposants, puis une dernière bière, puis B. vient me chercher: un journaliste était supposé passer me voir, pour faire une entrevue, il ne s’est pas présenté et a demandé qu’on le rappelle!

Nous rejoignons le journaliste. Il se trouve qu’il est libre le lendemain. Hum, je m’aperçois que j’ai oublié de mentionner la marche avec B., le lendemain de mon arrivée… Nous sommes passés devant une institution pour malades mentaux et j’ai proposé de jouer là. Je pensais utiliser ce moment comme une pratique pour les récitals d’aujourd’hui, mais finalement c’est le dimanche après-midi qui avait été retenu. J’ai cru que c’était une malchance… jusqu’à maintenant! Donc, marché conclu, le journaliste va venir m’interviewer demain avant que je joue pour les pensionnaires et il va aussi écouter un peu comment je joue.

Sur ce, la soirée à la maison de la culture est pas mal terminée, alors dessert, dernière bière et dodo. La suite demain, avec une journée de retard, encore…

Sortie de crise, Kulturräume, Hückeswagen, vendredi 14 juin 2019

Comme j’ai quand même des temps libres, je me suis porté volontaire pour donner des coups de main, à B. évidemment, mais aussi à B. G., un peintre et sculpteur que nous avions visité l’an dernier.

Alors, hier matin (j’écris ceci samedi matin, le 15), j’ai pratiqué en partie pendant qu’A.R. P. et ses amies installaient les toiles d’A.R. chez B., j’ai un peu aidé à l’installation, puis j’ai aidé l’homme qui venait porter des chaises à les sortir de sa remorque, puis les ai montées, puis…

Puis il était trois heures, l’heure d’aller aider B. G. à installer ses toiles à l’église au bout de la rue. Nous arrivons, B. et moi, pour trouver B. G. et M., son épouse, dépités car l’aide promise par la ville n’est pas en place. Il y a de grandes barres de suspension d’œuvres d’art, à peut-être huit ou neuf pieds du sol, mais les filins qui devraient permettre de suspendre les cadres depuis les barres ne sont pas en place.

Dans l’église, il y a un homme plutôt ventripotent en t-shirt vert, entre deux âges, qui commente sans arrêt la situation en me prenant à témoin, sans comprendre que je ne pige pas un traître mot de ce qu’il débite à grande vitesse. Mon allemand archi limité ne me permet que de saisir quelques morceaux ça et là… B. retourne chez elle chercher ses propres filins de suspension (elle a le même système chez elle!), prend aussi les fils de la maison de la culture et revient. Toujours pas de nouvelles de la ville. Tout semblait pourtant réglé…

Bon; l’homme en vert a une échelle, il peut bien aider à suspendre les tableaux… Ça ne semble pas lui tenter trop trop, mais bon… Il commence par expliquer comment faire… B. lui rétorque que B. G. sait ce qu’il faut faire, qu’il est professionnel de la chose depuis plus de cinquante ans… Même en allemand, je comprends tout. Elle repart s’occuper d’autres affaires, en me demandant de rester. Je crois qu’elle anticipe quelque chose…

L’homme en vert installe les fils pour un premier tableau, fils auxquels sont fixés des crochets tenus par des vis qui doivent être bien serrées. Nous suspendons un premier tableau; ça semble aller. Puis c’est la préparation de la suspension du second… Lorsque nous l’avons en main, l’homme en vert, qui tient le côté droit, constate que le crochet n’est pas assez serré (c’est B. G. qui l’avait resserré) et il en fait tout un plat, avec le geste même d’arracher le crochet du fil. B. G. n’en peut plus et prétextant des candélabres assez moches qui séparent les deux tableaux, décide de tout ranger et de repartir. Je vois M » les yeux pleins d’eau. B. G., qui n’est vraiment pus jeune du tout, est accablé.

Je cours chez B., nous revenons à l’église, les deux tableaux et les fils sont déjà retirés. Tout le monde parle en même temps. Il y a certainement quelque chose à faire…

J’enlève la chaîne qui ferme l’escalier d’accès au balcon et monte. C’est un grand balcon en U qui fait presque le tour de la salle. Il y a de grand bancs sur les côtés. B. et M. me suivent, avec des cadres. Les grands bancs ne font pas l’affaire: les cadres glissent. Mais M. et B. G. discutent en regardant vers les côtés du chœur de l’église.

Il y a des bancs là aussi, des deux côtés de l’autel. Sur les bancs, des grands coussins qui ne dérapent pas. B. G. pose un tableau, puis deux, puis… Finalement, toute l’exposition se fait des deux côtés du chœur.

L’homme en vert, qui était parti ranger son échelle, revient et constate l’installation. B. (elle me le dira plus tard) lui dit de serrer la main de B. G., mais il fige… C’est M. qui ira lui serrer la main en premier.

B. G. et M. me remercient avec chaleur. Ils sont contents et soulagés.

Plus tard, après la distribution des laissez-passer et deux visites de maisons qui seront ouvertes le lendemain (une est dans un état incroyable!), B. et moi prenons une bière en attendant ses amis à leur hôtel. Elle est contente que je sois resté avec B. G. et M., et que je sois resté calme. Moi, je suis content qu’elle ait eu l’intuition de me dire de rester même si je me sentais inutile, à un moment donné.

Puis elle me dit que M. avait eu l’idée de mettre les tableaux sur les bancs près du chœur, dès leur arrivée sur place! Elle ajoute que c’est souvent ce qui arrive avec les idées des femmes: elles ne sont pas adoptées tout de suite, ni même toujours prises en compte…

… Soupir… Ça me rappelle des conversations avec Gaël, ma prof de yoga…

Kulturräume, Hückeswagen, 11-13 juin 2019

Bon; je n’ai pas beaucoup écrit sur la préparation du festival, ces derniers jours… Je n’ai pas raconté le sourire lumineux de B. qui, équipée d’un pinceau d’artiste, s’attaque aux défauts de ses murs, à l’aide d’un genre de plâtre pré-coloré, ni de son sourire à la fois lumineux et totalement espiègle lorsque, ayant trouvé un trou qui ne se bouchait pas avec son produit, elle m’emprunte mon dentifrice pour faire le même travail! Le sien ne marche pas: il est rouge!

Je n’ai pas parlé de ma pratique dans ce nouvel espace, le salon chez B., qui est mon terrain de jeu samedi; de la conscience des bruits inhabituels par la fenêtre, de la tentation d’être gêné et de penser à ce que les gens vont penser et du nécessaire combat contre ces pensées…

Chaque soir, je joue un peu « pour de vrai ». Mardi soir et mercredi soir, j’ai joué respectivement Obstination et Cèdres en voile pour B., mais hier j’ai fait un peu plus. B. m’avait dit, à mon arrivée, qu’elle aurait une réunion de son groupe antinazi ce soir. J’ai proposé de jouer Cèdres en voiles, justement, après avoir décidé d’ajouter cette pièce à mon programme le jour où j’ai appris à la fois l’existence du groupe et sa nécessité, ainsi que l’implication de B.  C’était le 10 mai dernier, je crois en avoir parlé.

La réunion se tenait dans la vieille bibliothèque de la ville, qu’un autre groupe, encore mené par B., a sauvée de la fermeture, il y a quelques années. …Vous dites? Oui, c’est en effet une personne remarquable. Très attentive, généreuse, très organisée mais jamais stressante (elle absorbe le stress plutôt que de le redistribuer), elle distribue avec enthousiasme les dépliants de Kulturräume à tout le monde qu’elle croise, ou presque. Et elle fait tout ça en amateur. Elle ferait un excellent agent culturel, et je pèse mes mots.

La réunion, donc: deux hommes et cinq femmes entre deux âges, encore (je ne me suis pas compté mais j’aurais été le cadet, je crois), plus deux hommes et une femme beaucoup plus jeunes, ouf! Ça faisait du bien de les voir. La conversation porte sur les résultats du vote aux récentes élections européennes. Hum, je devrais peut-être faire un billet plus spécifiquement là-dessus, je sens que je glisse vers le hors-sujet…

Toujours est-il qu’à la fin, B. a résumé la petite présentation que j’avais préparée, puis j’ai joué. La réaction générale a été assez chaleureuse, mais je retiens en particulier que Be., une amie de B. que j’avais rencontrée l’an dernier, est venue me parler spécifiquement de la remarquable expressivité de la pièce. Youppi! Une personne convaincue! 🙂

En rentrant, B. me confie qu’elle n’est pas totalement satisfaite de la présentation et qu’elle va la repratiquer aujourd’hui; elle ajoute qu’il faut pratiquer pour être bon. Je sais, c’est pour ça que je pratique, parfois. 🙂

Choisir un programme (surprise!), Hückeswagen, mardi 11 juin 2019

Bon; Je devrais commencer par refaire l’historique de ma présence ici, je crois…

J’ai rencontré B. sur le chemin de Compostelle en juin 2017. Nous avons sympathisé au hasard de la route, et dans le fil de la conversation elle m’a parlé de sa petite ville, Hückeswagen (oui, il m’a fallu plusieurs essais avant de vraiment saisir le nom!), de ce qui s’y passait, de sa décision, un jour, d’organiser un événement culturel dans lequel les gens pourraient venir littéralement jeter un coup d’œil chez les voisins tout en étant exposés à de la culture! Le tout à l’initiative des citoyens, et avec un cachet pour les artistes! J’ai adoré le projet et souhaité en faire partie.

Quelques jours plus tard, j’avais pris de l’avance et suis arrivé à Santiago en compagnie de Peter, lequel avait fait trouver un violoncelle qui m’attendait, et duquel j’ai pu disposer quelques jours. J’ai donc pu prendre rendez-vous avec B., pour lui jouer quelques pièces, un peu plus tard.

Elle m’a entendu, le 20 juin 2017, en compagnie de R., son compagnon, et de M., une autre voyageuse. Elle m’a écrit quelques jours plus tard pour me redire que ma musique avait été un des très beaux moments de son voyage et pour m’inviter à Hückeswagen.

Profitant de mes vacances, je l’ai prise au mot en août 2018. Je suis arrivé ici en proposant d’auditionner pour les organisateurs de Kulturräume 2019. Elle a invité ses connaissances pour le dimanche 17h (nous étions vendredi pm) et entamé la recherche d’un violoncelle. Nous avons fini par trouver le violoncelle dimanche à 15h (!!!) en rentrant d’une promenade. J’ai joué et puis ai été invité à faire partie de la programmation pour 2019.

Un argument que j’ai utilisé lors de ma petite démonstration en 2018 était qu’à mon sens, Bach est un des plus grands cadeaux de la culture allemande au reste de l’humanité. Hum, je l’ai peut-être déjà dit dans un autre billet… Mais bon, tant pis, j’en suis encore convaincu!

Alors, j’ai commencé par prévoir Bach lui-même, évidemment: 1ère et 3e Suites pour violoncelle seul. Puis Reger, qui l’a presque pastiché en 1914. Puis j’ai pensé à Cassado, qui était contemporain de Casals et a donc, certainement été influencé (quoique, en fait, c’était pour avoir une musique ibérique, en témoignage de ma rencontre avec Britta), puis à Obstination, ma propre pièce, qui cite directement Bach.

Sur les entrefaites, B. m’écrit, le 10 mai, qu’elle participe, ce jour-là, à une lecture en mémoire de cette date en 1933, jour où le gouvernement nazi avait ordonné l’autodafé des livres interdits. Je pense alors à la pièce de Gilles Tremblay, dramatique et dédiée aux victimes de la guerre civile au Liban. J’avais monté cette pièce il y a quelques années, allez, hop, je la reprends. Quelques jours plus tard, je m’aperçois qu’elle a été terminée… le 10 mai 1989! C’est forcément un signe.

B. m’envoie le programme de l’après-midi. Je vois que je vais jouer à 14h, 15h, 15h30, 16h30 et 17h30. Bien, j’ai juste la place pour caser toute ma musique (mes pièces font entre 12 et 18 minutes).

Puis, bon, hier soir j’arrive à Cologne, B. vient me chercher, train de banlieue, voiture, puis nous jasons en voiture… Et je comprends que j’ai compris de travers! Ce sont les cases grises, mon horaire! Je ne dois pas jouer quatre fois trente minutes, mais bien trois fois vingt minutes!

A part rire de mon étourderie, je fais quoi? Même en coupant toutes les reprises, mon programme fait bien une heure trente!

Je crois que je vais commencer par prendre un autre café…

Vers Hückeswagen, Montréal, mardi 28 mai 2019

J’ai le plaisir et l’honneur d’annoncer que je vais faire partie de la programmation de Kulturräume 2019, samedi le 15 juin prochain, dans la petite ville d’Hückeswagen, pas loin de Cologne, en Allemagne.

C’est un peu comme les Journées de la Culture, chez nous, mais planifié directement par les citoyens, appuyés par la ville.

Dans les maisons d’une rue de l’ancien quartier, il y a des activités artistiques. Expos photo, peinture, sculpture, théâtre, chant, musique… Et je vais être un des musiciens, en solo.

J’aurai le plaisir de jouer Bach chez les Allemands. Bach, mais aussi Reger, Cassadó, Tremblay et… Cousineau! Tous, peu ou prou héritiers du Cantor de Leipzig.

… Cependant, les revenus de cette participation ne couvrent pas toutes mes dépenses. Je vais organiser au moins une représentation de pratique pour mes pièces et vais probablement la transformer en activité de financement.

Je vais traiter de tous ces sujets dans les jours à venir.