-J’vais m’nourrir avant d’mourir; j’vais apprend’ des sarabandes! »
Esquissé passé, Petite-Patrie, Montréal, jeudi 17 décembre 2020
« Improviser, c’est comme sortir dehors sans maquillage! »
Brownie concerto orchestra, pavillon Strathcona de l’université McGill, Montréal, dimanche 9 février 2020
Quynh a commencé le violoncelle il y a presque dix ans. Elle prend encore des cours avec moi et une autre violoncelliste. Cela dit, sa passion pour la musique remonte à bien plus loin, disons au moins son enfance au Viet Nam, où elle jouait des instruments traditionnels asiatiques. Une fois rendue au Québec, elle a d’abord touché du piano puis, enfin, du violoncelle, qui est en train de devenir son « vrai » instrument. Ses enfants font ou ont fait de la musique. Je mentionne en passant que c’est avec sa permission que je raconte tout ceci.
En dix ans, elle a beaucoup progressé et joue maintenant Bach, Schumann, Schubert, Offenbach, Popper, assez facilement merci. Son intérêt pour la musique et le violoncelle vont bien au-delà de la simple pratique instrumentale, cela dit. Elle me disait récemment qu’elle vivait « par procuration » la vie de musicienne d’orchestre en entendant les récits de son fils violoniste (et les miens, je suppose):
-Ça a l’air tellement l’fun, vous jouez de la belle musique, vous avez du plaisir ensemble, vous êtes privilégiés! [… C’est toujours intrigant pour le musicien pigiste que je suis d’entendre dire que je suis privilégié, de la part d’une médecin spécialiste, mais bon, j’ai l’impression qu’elle est sincère en le disant.]
-Plutôt que de « vivre par procuration », ça ne te dirait pas d’essayer? Il y a des tas d’orchestres à Montréal ou pas loin, qui cherchent des musiciens amateurs de bon calibre, je suis certain que tu pourrais essayer. Tu pourrais demander à Nayiri, par exemple, quand tu la croises à l’école des jeunes…
-Oui, elle m’a invitée plusieurs fois, j’ai toujours dit que je n’avais pas le temps mais là je crois que j’ai envie d’essayer. Nicolas, trouve-moi un orchestre!
… Bon…
Sur les entrefaites, Frédéric, le jeune violoniste que j’avais croisé pendant la figuration sur Spinning Gold et qui m’avait lifté vers Rimouski la semaine précédente, m’écrit pour me demander si je suis disponible pour aller jouer à son Brownie Concerto Orchestra, dimanche soir. La formule est simple: plein de jeunes solistes viennent jouer un mouvement ou un concerto (s’il est court) avec des musiciens en lecture. La paie: une montagne de sucreries. Frédéric termine une maîtrise en direction.
-Prends-tu des amateurs assez avancés pour jouer Bach ou Schubert? J’ai une élève avancée qui veut essayer l’orchestre…
-Oui, si vous partagez le même lutrin 🙂
… Bon…
Alors d’accord, rendez-vous est pris pour dimanche soir, « après la garde », pour aller au pavillon de musique de McGill, où aura lieu la lecture.
Première découverte: l’orchestre, ce n’est pas comme l’hôpital, du point de vue de l’horaire. Une répétition commence pile à l’heure dite, point à la ligne.
Première œuvre au programme: le concerto pour tuba de Ralph Vaughan-Williams. Nous n’avons pas de parties d’orchestre, juste des tranches de partitions… C’est écrit très petit, le lutrin est bas et loin, il y a des tas d’altérations accidentelles, de changements d’armures et de chiffres indicateurs. Œuvre intéressante, pour autant que je puisse en juger, et bien jouée, mais… Je rame, en toute franchise. Quynh n’a probablement joué que deux ou trois notes. Au moins, elle suit.
Ensuite, le premier mouvement du concerto pour violon de Jan Sibelius. La jeune soliste joue fort bien. Autre pièce complexe. mais, la connaissant mieux, j’ai plus le temps et le loisir d’indiquer où nous sommes et d’encourager à jouer quelques passages. Suit la Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Claude Debussy. Là encore, je rame: il y a des tas de changements de chiffres indicateurs et de tonalités ou de modes, du rubato presque constant… J’écoute ce que fait l’orchestre, et un peu ce que fait le soliste lorsqu’il nous répond. Je crois qu’il a bien joué, mais honnêtement j’étais un peu absorbé par mon propre moment présent…
Pause. Là, Quynh montre clairement qu’elle n’est pas musicienne. Il y a une table portant un buffet garni de plein de choses sucrées… Et elle n’y va pas!
Retour de la pause. Finale du 23e concerto pour piano de Mozart. Enfin, du répertoire plus accessible. Là, Quynh joue plusieurs passages. Le très bon soliste donne une interprétation brillante, mais unique; il n’a pas le temps de rejouer son mouvement. Nous enchaînons avec le finale du 18e concerto pour contrebasse de Sperger, un compositeur contrebassiste allemand plus ou moins contemporain de Schubert et Rossini, si j’ai bien compris. Le jeune bassiste joue d’une basse qui n’en est pas vraiment une, l’accord est totalement différent et très intéressant: de bas en haut: si fa# si ré#, si ma mémoire est bonne. Il improvise les cadences. Pièce très intéressante, en vérité, bien jouée. C’est fascinant de voir ce qui se passe dans la tête d’un instrumentiste qui change les conditions de son instrument.
Ensuite, ben il y a le prof du précédent, Ali Kian Yazdanfar, contrebassiste solo de l’OSM, qui joue le concerto de Bottesini. Comme le concerto est court, il sera joué en entier. C’est une pièce fascinante, surprenante de modernité pour un contemporain, lui aussi, de Rossini. J’avais entendu parler, en très grand bien, d’Ali par Mario Lamarre, mon luthier, pendant qu’il fabriquait une basse à son intention. Je ne suis pas déçu. Magnifique musicien, qui commente ce qu’il joue à l’orchestre en toute simplicité, et qui joue avec élégance et facilité un concerto qui le fait se promener dans la stratosphère de la contrebasse.
Je me fais mentalement la remarque que j’en reviens à peine de la chance de Quynh: sa première expérience d’orchestre, elle accompagne une des plus grosses pointures de Montréal!!!
La soirée de lecture se termine sur le Finale du 5e concerto pour violon de Mozart. La jeune violoniste, qui joue probablement des cadences originales, joue avec entrain et liberté. Frédéric lui offre de diriger l’orchestre en jouant, pour la seconde lecture. Elle accepte et joue avec encore plus de joie que la première fois.
Au total, une soirée très agréable, en vérité, où j’ai découvert quatre œuvres et un compositeur que je ne connaissais pas, mais aussi l’hummus au chocolat! Et, finalement, moi aussi j’ai accompagné Ali!…
… Et Frédéric? Il s’assure que tout marche rondement. C’est pas mal tout ce qu’il peut faire dans le très bref temps disponible, et il le fait très bien. En fait, il sourit tout le temps.
Esquissé passé, coulisses de la salle Desjardins-Telus, Rimouski, samedi 1er février 2020, 2e
La dame: Savez-vous où je pourrais trouver Maxime Bernard?
Moi: Qui est-ce?
Elle: Le soliste!
Esquissé passé, Grand Théâtre de Québec, vendredi 17 janvier 2020
-Excuse-moi, Nicolas, j’vas juste prendre mes souliers dans ma clarinette!
———
-Y’est intense c’te rouge-là, on s’croirait dans un sauna gay!
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-Tu permets-tu que j’te passe la tête entre les jambes?
Esquissé passé, Petite-Patrie, mardi 10 décembre 2019
-Chais pas pourquoi j’me chie autant! Ça fait longtemps qu’j’ai pas lu des croches!
Esquissé passé, Montréal, dimanche 1er décembre 2019
-Alors, pour les funérailles, tu vas jouer pendant la cérémonie […] une pièce avec moi pis une pièce en solo.
-On joue quoi?
-La madame veut entendre des pièces que tu avais jouées aux funérailles d’un médecin; il y avait l’Adagio d’Albinoni pis une pièce de Bach, te souviens-tu laquelle?
-Certainement une Sarabande. Mais, eh, avec l’organiste dont le nom m’échappe, à l’église coin Rachel et Papineau, j’ai joué une fois l’Élégie et Après un rêve de Fauré. Bon, l’Élégie, c’est d’la job à l’orgue, mais tu pourrais essayer de la convaincre pour Après un rêve…
-C’est elle qui est morte…
Esquissé passé, Mile-End, dimanche 1er décembre 2019
-Quand j’écoute du Ravel, je me sens intelligente!
Esquissé passé, Hemmingford, vendredi 29 novembre 2019
Mon père avait fait l’acquisition, je ne sais comment ni où, d’un violoncelle Suzuki, qu’il avait d’abord converti en violoncelle-basse, avec des cordes à l’octave inférieure et un micro. L’expérience n’ayant pas été concluante, il a été de nouveau modifié, en violoncelle à cinq cordes, cette fois, par Mario Lamarre, mon luthier.
À l’époque (au début des années 2000, mais je ne sais plus exactement), j’avais cherché « la » corde de mi idéale pour jouer la 6e Suite de Bach… Une corde de guitare? Non, elle roule sous l’archet. Une corde de boyau? Son intéressant, mais durée de vie nettement trop courte. J’avais fini par obtenir une corde d’essai de Pirastro, qui sonnait vraiment bien mais n’avait pas non plus duré bien longtemps. Aussi, le timbre des anciennes cordes résidentes de l’instrument ne marchait pas tellement avec celui du mi.
J’avais laissé l’instrument de côté lorsque ma corde d’essai avait cédé. Après tout, cet instrument ne sert qu’à « une » pièce (peut-être deux, on pourrait essayer l’Arpeggione, je crois…).
Mais quelle pièce! Quand « MEA, the creative cellist » a lancé sur Facebook (oui, bon…) le défi Bach, je me suis dit que j’allais remettre en service le violoncelle à cinq cordes, qui était maintenant totalement démonté et pas mal abandonné depuis la mort de mon père. Ça m’a pris un bon moment avant de localiser une corde de mi (j’ai songé tout de suite à Pirastro, mais ai renoncé: leur corde est trois fois plus chère que celles de la concurrence!), mais bon, finalement, j’ai tout.
Au moment de remonter le violoncelle, je m’aperçois que la table est craquée, des deux côtés de l’enclavement du manche… J’en parle avec ma mère, qui a des suggestions pour moi:
-Tu ne veux pas essayer de recoller avec un peu de colle blanche?
-Ben, non! C’est catastrophique de faire ça!
-Ben, tsé, juste un peu, que tu mets avec un q-tips [en faisant le geste]…
-Ben, non; Mario va me tuer!
-Tu lui diras: « C’est ma mère »!
Esquissé passé, Notre-Dame-de-Grâce, vendredi 15 novembre 2019
-Y joue bien, juste pas avec quelqu’un d’autre!