Mon premier voyage en solo avait pour objectif le Salon aéronautique de Paris, dit salon du Bourget, qui est organisé toutes les années impaires. C’était en 1987. J’avais été un peu chaperonné par Daniel Friederich, le cousin par alliance de mon père, luthier de guitares. J’avais aussi visité Philippe Müller et d’autres amis de la famille, pendant la dizaine de jours qu’avait duré ce voyage. Je me souviens avoir pris un terrible coup de soleil dans le cou, le premier dimanche du salon, puis avoir passé la semaine en visites en ville, pendant les journées où le salon n’est ouvert qu’aux visiteurs professionnels. Il avait fait très mauvais et froid; Daniel m’avait dépanné en me prêtant un veston de son fils. Reste que j’avais compté quatre averses le matin du mercredi, puis une longue pluie de plusieurs heures pendant l’après-midi. J’étais découragé, en fait; je voulais rentrer tout de suite…
Le lendemain, mon moral était un peu revenu. Puis les jours suivants aussi. Puis le dimanche, j’étais retourné au salon, En revenant, je m’étais arrêté devant les Invalides, dont le dôme avait récemment été restauré. L’esplanade, un magnifique parc à la française, était couverte de voitures! Il y avait des haut-parleurs qui jouaient du Mozart! Oui, les divertissements K. 136, 7 et 8, qui se retrouvaient entrecoupés d’appels pour « Les voitures de la délégation du Qatar! »
Je me suis approché et ai demandé à un gardien de quoi il s’agissait (une réception pour la clôture du Salon aéronautique, en fait!) et si je pouvais m’asseoir sur un banc, là, et écouter la musique? Oui, je vous en prie. Alors, j’écoutais Mozart, le ciel s’est dégagé et la soirée est devenue magnifique! J’ai décidé, à ce moment-là, que je reviendrais à Paris, finalement.
J’y suis revenu plusieurs fois, incluant trois autres passages au Bourget, en 1989, 1991 et 1993. Puis finalement, cette année, j’ai mis les pieds à mon cinquième salon.
Pour se donner une référence montréalaise, comparons le salon du Bourget avec le salon des métiers d’arts, place Bonaventure. Je dirais, à vue de nez, que la superficie d’exposition intérieure au Bourget est à peu près dix ou douze fois celle du hall d’exposition de la place Bonaventure. Oui, c’est immense. Et ça ne compte pas les chalets corporatifs ni l’exposition statique des avions en plein air. On peut aussi visiter le Musée de l’air et de l’espace, qui est dans l’ancienne aérogare du Bourget, qui est l’ancien aéroport international de Paris; Lindbergh est arrivé ici en 1927, lors de sa traversée sans escale depuis New York.
Dans cette immense série d’allées et de stands d’exposition, il y a des tas de repères suspendus au plafond, pour indiquer les allées, et sur plusieurs de ces repères, des invitations à aller visiter le stand du Québec, hall 3, stand 80 C. Ok, allons-y.
… Pas un chat. Le stand est désert, fermé, comme la plupart des autres, en ce jour ouvert au grand public. Il y a une vidéo qui tourne en boucle sur grand écran, pour vanter le parc industriel à l’aéroport de Mirabel, et la vie en banlieue dans la couronne nord… Garf…
Donc… Plein de stands déserts, mais quand même la plupart n’ont pas été démontés. Reste donc beaucoup de matériel, gardé par des cordons, quelques hôtesse désœuvrées ici et là (dont une qui boit du mousseux et déguste un magnifique plateau de petits fours), quelques stands encore actifs, donc Dassault aviation…
Les démonstrations en vol ont commencé. Je sors et marche à travers l’exposition statique, où il y a, évidemment, beaucoup d’avions modernes (même si plusieurs sont déjà repartis) et, surprise, beaucoup de vétérans de 1944, anniversaire du Débarquement oblige.
Au début, démonstrations de voltige avec de petits avions. Je marche entre les stands de bouffe, aux files d’attentes longues comme ça et aux prix exorbitants… Je me demande si je vais céder à la tentation, lorsque je vois une gamine s’approcher d’une poubelle et y envoyer d’un coup un hot-dog géant et sa meute de frites, même pas vraiment entamés!… Bon, je crois que je vais laisser faire…
Passage au point d’informations pour savoir où sont les stands de Boeing et d’Airbus. Airbus a son stand dans son chalet, fermé aux visiteurs, et Boeing n’a même pas de stand cette année! Décevant.
Démonstration d’une opération de l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre), avec un hélicoptère tireur et un autre transporteur de troupes. Le commentateur insiste quelques fois sur le professionnalisme des troupes et celui des pilotes, et leur engagement pour notre sécurité contre les terroristes… mouain.
Je visite le grand hangar où il y a deux Concordes! On peut les visiter, mais il faut ressortir acheter un autre billet. Laissez faire.
Tonnerre à l’extérieur. C’est la démonstration du F-16 qui vient de commencer. Le taux d’hormones vient de monter pas mal. Il y aura quelques autres présentations d’avions de combat modernes, quelques chasseurs de la deuxième guerre, quelques avions de ligne (seulement Airbus, et pas l’ex CSeries) et la Patrouille de France.
Les commentateurs, un homme et une femme, insistent régulièrement sur le professionnalisme des pilotes, hommes et femmes, qui s’exécutent devant nous… Mais subitement, je me dis qu’ils et elles ne peuvent pas ne pas se faire plaisir, en même temps… Un peu comme nous, les musiciens. D’ailleurs, j’entends des applaudissements après certains atterrissages. Moi qui pensais ne plus revenir, je suis captivé de nouveau!
Je pars tôt, dans l’espoir (vain!) d’éviter la cohue à la station RER Le Bourget. Sur le chemin du retour, je peux encore voir évoluer un cargo militaire d’Airbus, un chasseur pakistanais (si je ne me trompe pas), et, délicieuse surprise, un Spitfire et un Corsair de la deuxième guerre.
Je rentre par chez Saison, où Mariette m’offre un magnifique plateau de fromages, et j’attrape, juste avant la fermeture, le cordonnier de la station Ablon, qui remplace mon rivet sans frais. Merci beaucoup!