Esquissé passé, Naples, lundi 31 décembre 2018

Histoire de deux couples…

Ils sont dans la fin vingtaine, peut-être, lui beau et elle très belle, assez grands et minces, lui vêtu de beige (la couleur, pas le style), cheveux et barbe bruns courts, elle en manteau rouge vif, cheveux bruns longs, montée sur des talons aiguilles vertigineux; c’est simple, je me demande comment elle peut marcher sur les pavés en pente! Il tend le bras vers elle, elle éloigne sa main. Quelques paroles échangées de plus, même manège et même résultat. Elle n’est pas contente. Ils marchent quand même ensemble, en remontant la petite pente. Je me retourne, pour voir; quelques pas plus loin, il lui passe le bras autour de la taille. La réconciliation est en cours.

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Autre quartier, plus âpre, autre couple, plus âgé: peut-être fin quarantaine; la discussion et la pente sont aussi plus âpres. Ils sont vêtus en sombre, tous les deux, Les visages sont plus empâtés, les cheveux moins stylés, le geste pour repousser la main tendue est plus rêche. Il me semble même entendre des petits éclats de voix. Je me dis que ça va finir plus mal que ce matin…

Nous les dépassons de quelques pas. J’entends un moteur de scooter démarrer, la lueur des phares éclaire déjà les pavés dans le début de crépuscule. Je me retourne: il est assis au guidon, elle s’installe en place arrière, sans cesser de regarder son cellulaire. Pourtant, me semble que la réconciliation est entamée, là aussi… Bon, il se peut que je me goure totalement…

… Reste que… Comme je le dis parfois à mes élèves, dans l’enseignement, il y a une part de théâtre. Ben, dans les relations amoureuse aussi.

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Ma mère n’a rien vu dans les deux cas. Ça ne fait rien, je suis certain qu’elle perçoit des tas de choses qui m’échappent.

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Amour, santé, joie, paix, musique et succès pour 2019!

Palais impérial de Hué, vendredi 2 mars 2018

»Quelle connerie, la guerre »
-Jacques Prévert, Barbara

J’ai tellement entendu cette phrase dans ma tête en visitant les, comment dire… Les restes du palais impérial et de la cité interdite de Hué, ancienne capitale de l’empire du Vietnam sous la dynastie Nguyen.

Gia Long, le premier de cette dynastie, a entamé la construction du palais en 1803. La dernière construction, de style européen, a été achevée en 1932. Quinze ans plus tard, en 1947, les Français ont détruit certains bâtiments en Reprenant Hué, au début de la première guerre d’Indochine, puis en 1968 les Américains en ont détruit d’autres, pendant la guerre du Vietnam, qui est la seconde guerre d’Indochine. Si j’ai bien retenu les chiffres, sur 148 bâtiments (parfois de simples portiques, enfin, « simples », on parle d’architecture impériale, tout de même), il en est resté une vingtaine debout… Un seul intact, semble-t-il. Depuis une trentaine d’années, l’État restaure et même reconstruit le palais, en fait les palais et leurs dépendances.

Si j’ai bien retenu, oui, car, en arrivant, ma mère et moi avont entendu une guide parler français avec un couple de touristes, qui ont bien aimablement accepté de « partager » leur visite. Nous nous sommes par la suite aperçus qu’il y a plusieurs guides parlant français, ici. En fait, c’est la première fois depuis le début de notre voyage que nous avons entendu autant de français, de loin! Un des guides (pas la nôtre) parlait d’ailleurs avec cette gourmandise, ce plaisir linguistique que j’associe toujours avec notre langue. C’était délicieux de l’entendre!

J’en reviens à notre visite. Il reste, en particulier, un palais qui contient essentiellement une salle du trône principale, un pavillon de lecture, l’ensemble qui servait de résidence et de salle d’audience à l’impératrice-mère et un palais d’hommage aux empereurs, enfin, ceux qui ont, disons, bien fait leur job. Du moins, c’est ce que nous avons visité.

Les empereurs avaient des tas de concubines, tellement qu’un d’entre eux se plaignait aux Français de ses maux de tête dûs aux conversations avec les concubines! Celui-là en avait 500, desquels il n’a eu que 142 enfants… Enfin, bon…

Il y a des panneaux racontant en bref les vies des empereurs, avec une séparation entre les « bons », essentiellement ceux qui s’opposaient aux Français, et les poches, les autres (non, ce n’est pas la terminologie officielle que j’utilise).

Il y a des tas d’extraits d’archives. Apparemment, les documents de la dynastie Nguyen sont exceptionnellement bien conservés, au point de faire partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ils permettent une étude passablement exhaustive, non seulement des actes de la dynastie mais aussi, carrément, de la vie au Vietnam de 1803 à 1945.

Il y a aussi beaucoup de reproductions d’anciennes cartes postales et autres photos. L’empereur ne pouvait pas être vu par ses sujets, mais les Français n’étaient pas liés à cette interdiction. Alors, paradoxalement, les efforts actuels de restauration doivent beaucoup à ce qui peut être tiré de l’iconographie française.

Il y a un certain nombre d’autels bouddhistes ou presque, dédiés aux ancêtres, pas mal tous en activité. Disons qu’ici comme au musée des vestiges de la guerre (plus encore qu’au musée, en fait), on est passablement loin de l’idéologie communiste, plutôt du côté du patriotisme. Les empereurs déposés par les Français sont honorés, ceux déposés par les Vietnamiens non, pas plus que le dernier, Bao Dai, qui a abdiqué.

Il y a des bonsaïs, un peu partout. Cet art, que je croyais essentiellement japonais ou chinois, est largement pratiqué au Vietnam, sous une forme un peu différente que celle que je croyais connaître. Les arbres ne sont pas forcément des « maquettes »  d’arbres de grande taille au design tourmenté; ce sont parfois, simplement, de petits arbres en pots.

(Au fait, ai-je mentionné que les orchidées poussent facilement, au Vietnam?)

Il y a aussi des espaces vides, des murs noircis, des tas de pierres sculptées, des traces de tuiles par terre… Pour dire la vérité, j’en ai eu le moton, un moment donné…

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Petit souper hâtif et petite marche dans Hué pour rentrer. Le quartier près du palais regorge de très belles villas, puis de villas fanées, puis de maisons, comment dire… Il y a des petits commerces partout, des endroits où la mobylette, voire même l’auto, semble stationnée au salon! Et encore, cette douceur de vivre… Je vois un rat traverser la rue, devant une boutique; la vendeuse, une femme d’un âge presque certain, me voit regarder, regarde à son tour, voit le rat disparaître sous la voiture en face, puis nous échangeons de vastes sourires… Quelques personnes, parfois, nous saluent, juste comme ça. Deux petites filles, en particulier; ma mère est certaine qu’elles avaient pris une gageure…