Larrasoana à Pampelune (jour 3, 21 mai 2017)

Enfin, une nuit de sommeil à peu près normale: dormi de 22h à 5h et quelques, puis redormi jusque vers 6h et demie. Lever un peu lent et un peu long… Minuscule mise à jour de blogue, yoga, vérification du séchage du linge lavé hier (pas sec…), déjeuner… Je tarde un peu et Tina n’est pas contente, parce que j’ai trois minutes de retard. En partant, elle veut photographier l’église du village… et s’aperçoit qu’elle a oublié son chargeur et ses piles pour l’appareil photo dans la prise, dans le mur de la chambre. Joli sourire fugitif… Elle repart à la course vers la pension et revient, toute mauvaise humeur oubliée.

« Petite » étape, aujourd’hui, puisque nous n’allons « que » jusqu’à Pampelune, capitale de Navarre, soit environ 16 km, autrement dit les deux tiers des étapes précédentes. Mes pieds et nos jambes vont apprécier.

Le chemin change tout le temps: sous les bois, sous les arbustes, bétonné, en plein champ, le long d’une route, à flanc de colline, il n’y a pas deux heures de suite qui se ressemblent. Aujourd’hui, pour la première fois, journée complète, ou presque, au soleil. Il a fait de plus en plus chaud, de peut-être 15 degrés en partant à un bon 25 en arrivant à Pampelune.

Pas de grosse surprise ni d’aventure; nous arrivons à Pamplona en milieu d’après-midi, trouvons vite pension à un endroit où il y a des espèces de niches-lits à deux étages puis marchons en ville à la recherche de la bière-récompense de l’étape, laquelle est toujours la bienvenue.

 

 

Note pour ma mère: il y a les petits bonhommes verts animés aux traverses pour piétons.

Note pour ma sœur: pensé à toi en voyant ça:

(C’est une annexe; je ne suis pas passé devant la boutique principale)

La vieille ville est très jolie; Tina, qui était passée par ici jeudi, juste entre son avion depuis Munich via Madrid et son bus vers Saint-Jean-Pied-de-Port, trouve aussi que c’est nettement mieux que sous le déluge, l’autre fois.

Juste en rentrant à l’hostal, surprise: je reçois un appel de l’Assomption, pour voir en direct le concert de mes élèves. Je pense qu’elles n’auraient jamais cru, en commençant le violoncelle, qu’un de leurs concerts serait, un jour, diffusé en direct vers l’Europe!

La connexion a flanché par moment, j’aivu jouer Valérie, mais perdu une bonne partie des pièces de Manon et d’Ariane, mais j’ai entendu la dernière, en trio, en entier. J’étais content, j’espère qu »elles l’ont été aussi. 🙂

… Si elles avaient joué deux minutes plus tard, j’étais en pleine rue, je n’aurais rien su…

Cela dit, je ne me lasse pas de me réjouir et m’émerveiller d’être en train de faire ce voyage.

English digest: we walked almost a lot but not quite as much as in preceding days, in wonderful landscapes again, it did not rain, for once, il went from warm to almost hot and the beer was good.

Esquissé passé, Larrasoaña, 20 mai 2017

Il explique son voyage, sa conjointe, la fille de celle-ci, plein de choses, quoi… Elle pointe le voisin:

-And him?

-I brought him because nothing happens in his life.

[beaucoup de gens sur le Camino; nous étions plus de 200 au refuge de Roncesvalles. Peu d’entre nous parlons français…]

Larrasoaña, souper (20 mai 2017)

Nous avons soupé dans l’unique restaurant de Larrasoaña. Après une longue attente, une table se libère et nous nous retrouvons assis à côté de deux Allemands qui font le Camino. Il y a là Jürgen et Bernhard. Je suis fasciné par Bernhard, qui a presque le prénom de mon grand-père, et qui, en prime ressemble énormément à mon oncle Luc, c’en est presque troublant.

Jürgen, lui, a beaucoup de jasette. Il remarque que, sur le chemin, nous sommes un peu tous comme une grande famille, puis, lorsqu’il découvre que Tina parle allemand, il ne se peut plus de joie et hop, la conversation s’engage; je suis rapidement largué, sauf lorsque Jürgen, ayant appris que je suis violoncelliste, demande si je suis une star dans mon pays. Tina ajoute qu’au fond, ils ne savent rien de ce que je fais, peut-être que je suis une star…

(Tina me fait beaucoup penser à Briga, pour ceux qui la connaissent, y compris par l’entregent)

À la fin du repas, surprise: Jürgen nous invite tous les deux… Il paie puis Bernhard et lui partent. Tina finit d’écrire un courriel à son père (il y a un wifi qui fonctionne pour son cell au resto). Pendant ce temps, les deux petites filles du patron, la grande qui doit commencer son école primaire et la petite, qui marche tout juste à quatre pattes, jouent au beau milieu de la salle.

Retour à la pension (qui n’en est pas une au sens français du terme, finalement), yoga restaurateur, brossage de dents et dodo.

p.s. Maintenant qu’elle sait que j’écris, Tina, qui ne parle pas français, me demande de lui traduire mes récits…

English digest: we’ve been treated for the dinner by a German guy who wonders whether I am a star in Canada…

Aucune photo ne pourra rendre justice à la beauté de ce matin de Macaye.

Pensées pour Micheline, qui fait des photos magnifiques de matins qui doivent, dans la vraie vie, être sublimes.

Roncesvalles, suite… (premier matin sur le chemin)

  • Nous avons été réveillés par les bénévoles qui sont passés dans les dortoirs en chantant un hymne latin!

Le tout après une nuit assez ordinaire; brutal contraste avec celle de la veille. Faut dire que mon décalage m’a rattrapé. Je me suis endormi immédiatement à 22h, mais mon cerveau de Montréalais a calculé que je faisais certainement juste une petite sieste… Et glouk! réveillé à minuit 45…

Et là, j’ai expérimenté ce dont on m’avait parlé: les ronflements, les mouvements pour aller aux toilettes (on comprend vite pourquoi ça s’appelle des flip-flops! Et aussi la lourde porte vers les toilettes extérieures, car il n’y en a pas à l’intérieur, au sous-sol où nous sommes… Il fait 7 dehors, juste pour dire; nous trichons et allons à l’étage. Je me rendors finalement, pour être réveillé de nouveau vers 5h, car il y a une vague de départs. Vers 5h42, vague de flatulences. Puis, à 6h09, hymnes latins.

Dans le dortoir, à part Tina et moi, il y a un couple, deux femmes qui cheminent ensemble, un cycliste et je pense que le reste étaient des hommes. Il y avait douze lits.

Mes rencontres d’hier: Daniel est un beau jeune homme (je dirais fin vingtaine; je crois qu’il est parmi les plus jeunes) presque trop parfait, il respire le chic, en forme, cheveux impeccables, très gentil au premier abord mais marche vraiment trop vite pour ma forme actuelle.

Tina, mi trentaine, a une voix grave, de très beaux yeux bleu clairs et un rire chaleureux. Qu’est-ce qui fait que nous marchons ensemble? Pour elle, je ne sais pas… Mais pour moi, je dois dire que son expérience de la randonnée et spécifiquement du trekking (des bâtons de marche, en particulier!) me rassure. Je me sens tellement débutant dans tout cet ensemble! J’imagine que ça va me prendre quelques jours pour me trouver une erre d’aller.

Hier soir, en arrivant, Tina suggérait de chercher une place dans un plus petit gîte, disant que c’est plus confortable, plus chaleureux, qu’il y a moins d’attente aux douches et aux toilettes, bref, des tas d’avantages… Ce matin, lorsque les chanteurs sont passés, elle était roulée en boule dans son sac de couchage!

Il y a une manière de confraternité parmi les marcheurs et… Bon, nous allons être foutus dehors à 8h, j’ai oublié la fin de ma phrase. Tina est allée prendre une douche, ma foi, ça lui prend autant de temps qu’à mes anciens colocs…

… Tiens, anciens colocs, ça me rappelle qu’hier, j’ai pensé à celui qui avait été dans l’armée et avait marché en dormant, appuyé sur l’épaule d’un camarade…

En plus, je me suis souvenu que j’avais dit à Gaël de saluer les gens du cours du jeudi 15h30 en disant où j’étais, et j’ai totalement oublié de le faire… À 21h34, heure locale, je croulais de sommeil à Macaye!

Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevaux (jour 1, 25 km)

Donc, je suis parti du bureau d’accueil où tous les gens qui font le chemin sont enregistrés (oui!) et orientés. J’ai eu affaire, au total, à trois Québécois!

En sortant, je descends la petite côte vers la petite place devant l’église. J’entre dans l’église; nous avons joué ici, Les Petits Violons, lors de notre tournée de 1992.

Je sors et traverse le petit pont sur la Nive, à la recherche d’une collation pour ma journée de marche. Je m’aperçois pour commencer que j’ai pris toute la pile des feuilles de cartes de la ville, sur la table du bureau d’accueil! Bon; je vais aller la reporter.

… Ouain, finalement, en la remontant, je ne pense plus que c’est une petite côte de rien!

Je m’aperçois que je n’ai pas d’ustensiles de camping. J’entre dans une boutique qui annonce tout ce qu’il faut pour le randonneur. La chanson qui joue à la radio? Si j’étais un homme!!!

En sortant, je me trouve un sandwich; le boucher, qui n’avait pas de monnaie pour mon 50 euros, me fait une réduction substantielle. À gauche après le petit pont! Bon, je commence enfin la montée; 10h viennent de sonner à l’horloge de l’église.

Au début, ça grimpe raide puis ça redescend un petit peu, une fois ou deux. Ensuite, ça grimpe raide. Ensuite, ça grimpe raide. Ensuite…

Autant marcher avec des comparaisons valables. Cyclistes: imaginez monter Camilien-Houde quinze fois; outremontais, imaginez monter Pagnuelo et McCulloch vingt-quatre fois; violonistes, altistes et violoncellistes: imaginez jouer onze pages de tremolos en ronde, entre mf et ff, à 40 à la croche; yogis, imaginez le Guerrier 1, décollez la langue du palais, détendez les muscles du visages, on tient ça encore pour 427 358 respirations.

Après ça, vous seriez rendu(e)s au refuge d’Orisson, à environ 700 mètres, et il vous restera encore à vous rendre à 1410 mètres d’altitude pour passer le col vers l’Espagne. Vous aurez tout de même le droit de prendre une pause au refuge.

Plus on monte, plus c’est beau, faut bien le dire.

La condition essentielle pour marcher avec quelqu’un, c’est de marcher au même rythme. J’ai fait quelques pas avec Daniel, jeune et sympathique homme d’affaires brésilien, mais il marche décidément trop vite pour moi. Je croyais que Tina, à peine moins jeune et au moins aussi sympathique réceptionniste slovène, marchait nettement plus vite que moi lorsque, deux fois, elle m’a dépassé en compagnie d’un belge, mais elle s’est arrêtée, donc, et finalement montait à ma vitesse. Nous avons donc fait route ensemble, après Orisson.

Il y a eu de la pluie, des chevaux, des vaches, des paysages de plus en plus beaux, encore de la pluie, encore plus de pluie, des nuages, puis un moment de soleil pour voir Roncevaux, puis une descente en forêt éprouvante, puis un souper et une bière tellement bienvenus…

Je ne pourrai pas mettre de photos en ligne, c’est le couvre-feu dans deux minutes…

p.s. Photos mises en ligne le 27 mai.

english digest: I walked and climbed a lot, it rained a lot, it was beautiful.