-Ça, c’est le sort d’une poule de luxe!
Esquissé passé, Montréal, jeudi 30 avril 2020
-Depuis, chuis devenue normale pis j’bois dans des verres…
Esquissé passé, Montréal, mardi 28 avril 2020
-L’hôpital m’a appelée à une heure du matin pour me dire que ma patiente avait été testée covid-19 positif et qu’il fallait la transférer dans la section covid. J’ai dit laissez-la dormir, on va la transférer demain matin à 8h, mais non, c’était tout de suite. Pauvre madame, on la réveille, on lui dit la nouvelle, on la change de chambre… Sa voisine de chambre, on va certainement la tester aussi. L’hôpital, ça ne dort jamais.
Esquissé passé en confinement, Montréal, mercredi et jeudi 8 et 9 avril 2020
… Je n’ai évidemment plus accès à mes « sources dans la rue », mais j’ai, heureusement, encore des gens qui m’écrivent ou me disent de jolies choses… Extraits de deux conversations…
-Je n’ai pas une bonne mémoire, mais je suis rancunière!
– – – – –
-Pas mal chaotique, mais différent!
Esquissé passé, par Skype, dimanche 22 mars 2020
-J’ai même pas réfléchi à ma réflexion!
Esquissé passé, Montréal, mercredi 18 mars 2020
-J’ai bien trop des passions bizarres et salissantes!
Esquissé passé, Montréal, mardi 17 mars 2020
-Elles sont jolies ses tablettes!
-Oui, mais c’est moi qui les ai posées. J’voulais qu’y tiennent!
Esquissé passé, théâtre Hector-Charland, L’Assomption, dimanche 23 février 2020
[Il fait très beau]
-Y annonçaient jusqu’à 3° dehors.
-Dommage que j’fume pas, j’peux pas en profiter!
Esquissé passé, plateau Mont-Royal, jeudi 20 février 2020
-Ouiii! Y marche, y marche, y marche, y marche!!!
Brownie concerto orchestra, pavillon Strathcona de l’université McGill, Montréal, dimanche 9 février 2020
Quynh a commencé le violoncelle il y a presque dix ans. Elle prend encore des cours avec moi et une autre violoncelliste. Cela dit, sa passion pour la musique remonte à bien plus loin, disons au moins son enfance au Viet Nam, où elle jouait des instruments traditionnels asiatiques. Une fois rendue au Québec, elle a d’abord touché du piano puis, enfin, du violoncelle, qui est en train de devenir son « vrai » instrument. Ses enfants font ou ont fait de la musique. Je mentionne en passant que c’est avec sa permission que je raconte tout ceci.
En dix ans, elle a beaucoup progressé et joue maintenant Bach, Schumann, Schubert, Offenbach, Popper, assez facilement merci. Son intérêt pour la musique et le violoncelle vont bien au-delà de la simple pratique instrumentale, cela dit. Elle me disait récemment qu’elle vivait « par procuration » la vie de musicienne d’orchestre en entendant les récits de son fils violoniste (et les miens, je suppose):
-Ça a l’air tellement l’fun, vous jouez de la belle musique, vous avez du plaisir ensemble, vous êtes privilégiés! [… C’est toujours intrigant pour le musicien pigiste que je suis d’entendre dire que je suis privilégié, de la part d’une médecin spécialiste, mais bon, j’ai l’impression qu’elle est sincère en le disant.]
-Plutôt que de « vivre par procuration », ça ne te dirait pas d’essayer? Il y a des tas d’orchestres à Montréal ou pas loin, qui cherchent des musiciens amateurs de bon calibre, je suis certain que tu pourrais essayer. Tu pourrais demander à Nayiri, par exemple, quand tu la croises à l’école des jeunes…
-Oui, elle m’a invitée plusieurs fois, j’ai toujours dit que je n’avais pas le temps mais là je crois que j’ai envie d’essayer. Nicolas, trouve-moi un orchestre!
… Bon…
Sur les entrefaites, Frédéric, le jeune violoniste que j’avais croisé pendant la figuration sur Spinning Gold et qui m’avait lifté vers Rimouski la semaine précédente, m’écrit pour me demander si je suis disponible pour aller jouer à son Brownie Concerto Orchestra, dimanche soir. La formule est simple: plein de jeunes solistes viennent jouer un mouvement ou un concerto (s’il est court) avec des musiciens en lecture. La paie: une montagne de sucreries. Frédéric termine une maîtrise en direction.
-Prends-tu des amateurs assez avancés pour jouer Bach ou Schubert? J’ai une élève avancée qui veut essayer l’orchestre…
-Oui, si vous partagez le même lutrin 🙂
… Bon…
Alors d’accord, rendez-vous est pris pour dimanche soir, « après la garde », pour aller au pavillon de musique de McGill, où aura lieu la lecture.
Première découverte: l’orchestre, ce n’est pas comme l’hôpital, du point de vue de l’horaire. Une répétition commence pile à l’heure dite, point à la ligne.
Première œuvre au programme: le concerto pour tuba de Ralph Vaughan-Williams. Nous n’avons pas de parties d’orchestre, juste des tranches de partitions… C’est écrit très petit, le lutrin est bas et loin, il y a des tas d’altérations accidentelles, de changements d’armures et de chiffres indicateurs. Œuvre intéressante, pour autant que je puisse en juger, et bien jouée, mais… Je rame, en toute franchise. Quynh n’a probablement joué que deux ou trois notes. Au moins, elle suit.
Ensuite, le premier mouvement du concerto pour violon de Jan Sibelius. La jeune soliste joue fort bien. Autre pièce complexe. mais, la connaissant mieux, j’ai plus le temps et le loisir d’indiquer où nous sommes et d’encourager à jouer quelques passages. Suit la Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Claude Debussy. Là encore, je rame: il y a des tas de changements de chiffres indicateurs et de tonalités ou de modes, du rubato presque constant… J’écoute ce que fait l’orchestre, et un peu ce que fait le soliste lorsqu’il nous répond. Je crois qu’il a bien joué, mais honnêtement j’étais un peu absorbé par mon propre moment présent…
Pause. Là, Quynh montre clairement qu’elle n’est pas musicienne. Il y a une table portant un buffet garni de plein de choses sucrées… Et elle n’y va pas!
Retour de la pause. Finale du 23e concerto pour piano de Mozart. Enfin, du répertoire plus accessible. Là, Quynh joue plusieurs passages. Le très bon soliste donne une interprétation brillante, mais unique; il n’a pas le temps de rejouer son mouvement. Nous enchaînons avec le finale du 18e concerto pour contrebasse de Sperger, un compositeur contrebassiste allemand plus ou moins contemporain de Schubert et Rossini, si j’ai bien compris. Le jeune bassiste joue d’une basse qui n’en est pas vraiment une, l’accord est totalement différent et très intéressant: de bas en haut: si fa# si ré#, si ma mémoire est bonne. Il improvise les cadences. Pièce très intéressante, en vérité, bien jouée. C’est fascinant de voir ce qui se passe dans la tête d’un instrumentiste qui change les conditions de son instrument.
Ensuite, ben il y a le prof du précédent, Ali Kian Yazdanfar, contrebassiste solo de l’OSM, qui joue le concerto de Bottesini. Comme le concerto est court, il sera joué en entier. C’est une pièce fascinante, surprenante de modernité pour un contemporain, lui aussi, de Rossini. J’avais entendu parler, en très grand bien, d’Ali par Mario Lamarre, mon luthier, pendant qu’il fabriquait une basse à son intention. Je ne suis pas déçu. Magnifique musicien, qui commente ce qu’il joue à l’orchestre en toute simplicité, et qui joue avec élégance et facilité un concerto qui le fait se promener dans la stratosphère de la contrebasse.
Je me fais mentalement la remarque que j’en reviens à peine de la chance de Quynh: sa première expérience d’orchestre, elle accompagne une des plus grosses pointures de Montréal!!!
La soirée de lecture se termine sur le Finale du 5e concerto pour violon de Mozart. La jeune violoniste, qui joue probablement des cadences originales, joue avec entrain et liberté. Frédéric lui offre de diriger l’orchestre en jouant, pour la seconde lecture. Elle accepte et joue avec encore plus de joie que la première fois.
Au total, une soirée très agréable, en vérité, où j’ai découvert quatre œuvres et un compositeur que je ne connaissais pas, mais aussi l’hummus au chocolat! Et, finalement, moi aussi j’ai accompagné Ali!…
… Et Frédéric? Il s’assure que tout marche rondement. C’est pas mal tout ce qu’il peut faire dans le très bref temps disponible, et il le fait très bien. En fait, il sourit tout le temps.