Esquissé passé, Petite Patrie, Montréal, jeudi 15 août 2019

Il vide méthodiquement son sac de vidange plein de canettes et de bouteilles dans la machine qui les écrapoutit… Barbe blanche, mais pas du tout le style Père Noël, non; plutôt le vieux coriace, casquette verte pas neuve du tout, peau tannée par le soleil et probablement les intempéries…

La machine ronronne, écrase, recrache parfois… Il débosselle les canettes refusées et réessaie de les faire passer, deux, trois, quatre fois. Certaines sont très exotiques, d’autre non, mais il essaie de faire passer des canettes d’eau Perrier, alors que l’eau minérale ne comporte pas de consigne. Il essaie plusieurs fois avant de jeter la canette.

Quelques instants plus tard, autre canette de Perrier; même manège.

Il regarde mon minuscule sac de canettes et de bouteilles, puis retourne à sa machine. Il a deux autres sacs aux genoux…

Quand le premier sac est terminé… Il va prendre encore un autre sac dans un chariot à provisions, qui est rempli de boîtes et de sacs de canettes vides! Il n’a même pas touché à ceux qui sont à ses pieds! Et il continue. L’écran de la machine affiche déjà plusieurs douzaines de canettes écrasées, mais il continue, imperturbable.

Bon, ça suffit, je vais faire mes courses, qui ne prennent pas beaucoup de temps. Lorsque j’arrive à la caisse express qui fait aussi comptoir de courtoisie, je le vois encore qui continue d’écraser ses canettes. La même dame qui était arrivée après moi attend encore son tour, la pauvre.

Je pose mes bouteilles sur le comptoir et demande à la caissière si elle veut bien prendre mes canettes, étant donné le monsieur qui accapare encore la machine. Elle me répond que oui, pas de problème, et que le monsieur est bien connu à l’épicerie: « Des fois y passe deux, trois heures sur la machine! »

Voilà un endroit où il ne cède pas sa place!

Esquissés passés, Montréal et environs, juillet 2019

J’ai tellement de retard! Pardon, pardon!

J’ai noté plein de trucs, au passage, sans prendre le temps de les mettre en ligne… Alors, les voici en vrac:

-C’est la première fois de ma vie que je mange dehors cette année!

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-J’ai trouvé un frère de ruelle!
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-Ta patience s’est accélérée!
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-J’ai un lapin, hein? Des fois, un animal, c’t’encore plus compliqué qu’un enfant!
(Elle avait une valise et allait prendre le métro pour aller au Nouveau-Brunswick!)
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-Moi encore le restaurant peut-être 20 ans,  mal à la tête peut-être dix ans…
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-Ah! Personne appelle ça un cellulaire!
-Qu’est-ce qu’y disent? Un téléphone intelligent? C’est pas intelligent!
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-Ça fait 40 ans qu’vous m’endurez, faut être faits forts!
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-Carole est comme moi, est modeste… A s’en vante!
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-Si je saute une journée, le lendemain j’fais deux jours!
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-J’ai 75 ans pis ça m’a toujours dérangé!

Carnet de voyage, aéroport CDG terminal 3, mardi 25 juin 2019

Il y a des banques de dépôt de bagages. Pour y accéder, il faut être passé par les bornes d’enregistrement libre-service. Est-ce un bénéfice pour les passagers? Non; ça ne permet vraiment pas de sauver du temps. D’ailleurs, il y a plein d’agents disponibles pour aider les passagers perdus entre les écrans et les fonctions. Le vrai but, c’est d’avoir, au total, moins d’agents et de les payer moins cher. Parce qu’en fait, le libre-service, c’est de sous-traiter l’ouvrage aux amateurs que nous sommes.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça me fait penser que j’ai entendu dire que les ventes d’instruments de musique sont tellement en baisse que plusieurs fabricants ne feront tout simplement plus de modèles intermédiaires, par exemple pour les guitares. Il va encore y avoir des instruments de base et des haut de gammes, mais au milieu, le vide. Par contre, les ventes dans la musique électronique sont en hausse…

Retour au Bourget, samedi 22 juin 2019

Mon premier voyage en solo avait pour objectif le Salon aéronautique de Paris, dit salon du Bourget, qui est organisé toutes les années impaires. C’était en 1987. J’avais été un peu chaperonné par Daniel Friederich, le cousin par alliance de mon père, luthier de guitares. J’avais aussi visité Philippe Müller et d’autres amis de la famille, pendant la dizaine de jours qu’avait duré ce voyage. Je me souviens avoir pris un terrible coup de soleil dans le cou, le premier dimanche du salon, puis avoir passé la semaine en visites en ville, pendant les journées où le salon n’est ouvert qu’aux visiteurs professionnels. Il avait fait très mauvais et froid; Daniel m’avait dépanné en me prêtant un veston de son fils. Reste que j’avais compté quatre averses le matin du mercredi, puis une longue pluie de plusieurs heures pendant l’après-midi. J’étais découragé, en fait; je voulais rentrer tout de suite…

Le lendemain, mon moral était un peu revenu. Puis les jours suivants aussi. Puis le dimanche, j’étais retourné au salon, En revenant, je m’étais arrêté devant les Invalides, dont le dôme avait récemment été restauré. L’esplanade, un magnifique parc à la française, était couverte de voitures! Il y avait des haut-parleurs qui jouaient du Mozart! Oui, les divertissements K. 136, 7 et 8, qui se retrouvaient entrecoupés d’appels pour « Les voitures de la délégation du Qatar! »

Je me suis approché et ai demandé à un gardien de quoi il s’agissait (une réception pour la clôture du Salon aéronautique, en fait!) et si je pouvais m’asseoir sur un banc, là, et écouter la musique? Oui, je vous en prie. Alors, j’écoutais Mozart, le ciel s’est dégagé et la soirée est devenue magnifique! J’ai décidé, à ce moment-là, que je reviendrais à Paris, finalement.

J’y suis revenu plusieurs fois, incluant trois autres passages au Bourget, en 1989, 1991 et 1993. Puis finalement, cette année, j’ai mis les pieds à mon cinquième salon.

Pour se donner une référence montréalaise, comparons le salon du Bourget avec le salon des métiers d’arts, place Bonaventure. Je dirais, à vue de nez, que la superficie d’exposition intérieure au Bourget est à peu près dix ou douze fois celle du hall d’exposition de la place Bonaventure. Oui, c’est immense. Et ça ne compte pas les chalets corporatifs ni l’exposition statique des avions en plein air. On peut aussi visiter le Musée de l’air et de l’espace, qui est dans l’ancienne aérogare du Bourget, qui est l’ancien aéroport international de Paris; Lindbergh est arrivé ici en 1927, lors de sa traversée sans escale depuis New York.

Dans cette immense série d’allées et de stands d’exposition, il y a des tas de repères suspendus au plafond, pour indiquer les allées, et sur plusieurs de ces repères, des invitations à aller visiter le stand du Québec, hall 3, stand 80 C. Ok, allons-y.

… Pas un chat. Le stand est désert, fermé, comme la plupart des autres, en ce jour ouvert au grand public. Il y a une vidéo qui tourne en boucle sur grand écran, pour vanter le parc industriel à l’aéroport de Mirabel, et la vie en banlieue dans la couronne nord… Garf…

Donc… Plein de stands déserts, mais quand même la plupart n’ont pas été démontés. Reste donc beaucoup de matériel, gardé par des cordons, quelques hôtesse désœuvrées ici et là (dont une qui boit du mousseux et déguste un magnifique plateau de petits fours), quelques stands encore actifs, donc Dassault aviation…

Les démonstrations en vol ont commencé. Je sors et marche à travers l’exposition statique, où il y a, évidemment, beaucoup d’avions modernes (même si plusieurs sont déjà repartis) et, surprise, beaucoup de vétérans de 1944, anniversaire du Débarquement oblige.

Au début, démonstrations de voltige avec de petits avions. Je marche entre les stands de bouffe, aux files d’attentes longues comme ça et aux prix exorbitants… Je me demande si je vais céder à la tentation, lorsque je vois une gamine s’approcher d’une poubelle et y envoyer d’un coup un hot-dog géant et sa meute de frites, même pas vraiment entamés!… Bon, je crois que je vais laisser faire…

Passage au point d’informations pour savoir où sont les stands de Boeing et d’Airbus. Airbus a son stand dans son chalet, fermé aux visiteurs, et Boeing n’a même pas de stand cette année! Décevant.

Démonstration d’une opération de l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre), avec un hélicoptère tireur et un autre transporteur de troupes. Le commentateur insiste quelques fois sur le professionnalisme des troupes et celui des pilotes, et leur engagement pour notre sécurité contre les terroristes… mouain.

Je visite le grand hangar où il y a deux Concordes! On peut les visiter, mais il faut ressortir acheter un autre billet. Laissez faire.

Tonnerre à l’extérieur. C’est la démonstration du F-16 qui vient de commencer. Le taux d’hormones vient de monter pas mal. Il y aura quelques autres présentations d’avions de combat modernes, quelques chasseurs de la deuxième guerre, quelques avions de ligne (seulement Airbus, et pas l’ex CSeries) et la Patrouille de France.

Les commentateurs, un homme et une femme, insistent régulièrement sur le professionnalisme des pilotes, hommes et femmes, qui s’exécutent devant nous… Mais subitement, je me dis qu’ils et elles ne peuvent pas ne pas se faire plaisir, en même temps… Un peu comme nous, les musiciens. D’ailleurs, j’entends des applaudissements après certains atterrissages. Moi qui pensais ne plus revenir, je suis captivé de nouveau!

Je pars tôt, dans l’espoir (vain!) d’éviter la cohue à la station RER Le Bourget. Sur le chemin du retour, je peux encore voir évoluer un cargo militaire d’Airbus, un chasseur pakistanais (si je ne me trompe pas), et, délicieuse surprise, un Spitfire et un Corsair de la deuxième guerre.

Je rentre par chez Saison, où Mariette m’offre un magnifique plateau de fromages, et j’attrape, juste avant la fermeture, le cordonnier de la station Ablon, qui remplace mon rivet sans frais. Merci beaucoup!

Privilège et coup de chance, Fête de la Musique, Paris, vendredi 21 juin 2019

J’ai raconté, il y a deux ans, par quel espèce de prodige j’avais trouvé un violoncelle à Paris, en quelques heures, pour jouer avec ma cousine pour la Fête de la Musique. Cette année, comme je savais que j’allais être en Europe avec mon violoncelle, j’ai écrit à Frédéric Deville, le violoncelliste aux fromages qui m’avait si aimablement prêté son instrument de secours.

Mon message lui a donné l’idée d’organiser une réunion de violoncellistes pour la Fête de la Musique. Faut dire, d’une part, que chez Saisons fromagerie, il y a une fête, donc un concert, à chaque changement de saison, et bon, la Fête de la Musique a le bon goût d’avoir lieu au solstice d’été, et d’autre part qu’il semble y avoir une concentration de violoncellistes dans l’entourage de la rue du Grenier-Saint-Lazare, encore plus impressionnante que celle autour du métro Beaubien!…

Frédéric a tout organisé, côté musique, cartables, pupitres, répertoire, ordre, et Mariette et lui ont concocté une superbe soirée gastronomique et musicale. Le public ne s’y est pas trompé: il y avait de plus en plus de monde, sur scène, enfin, je veux dire en train de jouer devant la boutique, et dans le public. Ça a commencé exactement comme mon premier set de samedi dernier, par le Prélude de la première Suite de Bach, suivi par une impro avec violoniste, puis un duo de violoncellistes, puis un trio , puis un quatuor, puis un quintette (Après un rêve, avec altiste invitée), puis un ragtime en sextuor, puis la pause, pour vendre de la bière ou autre chose, puis retour aux affaires, avec de plus en plus de violoncellistes, d’autres rags, du Handel, puis le 2e mouvement de la Bachianas Brasileiras No. 1, avec alto solo pour le premier solo.

Et le tout, sans répétition! Nous nous sommes lancés, comme ça, allez, hop, go! Frédéric présente le nouveau ou la nouvelle, puis on joue. Des fois, on cherche le cartable avec la bonne musique, un rag en a un peu souffert mais c’est le seul incident de la soirée. Pour le reste, l’autre point commun avec Kulturräume a été les tonnes de bonheur pour tout le monde, participants et spectateurs. Faut dire que Frédéric avait mis le paquet sur les plateaux de fromages et de charcuteries et sur ce qu’il nous a servi. Pur régal!

Tout ceci pour dire que d’y être et de participer en jouant a été un autre privilège. Merci Frédéric, mais aussi Régis (le violoniste), Michèle, Paul, Amélie, Béatrice (l’altiste), Solène, Stéphane et Jean-Philippe, sans oublier Mariette!!!

Ruis, l’ami de Frédéric qui m’a filmé, est, si j’ai bien compris, le fournisseur des nouveaux vélos de Vélib’, la version parisienne de Bixi… Il m’en a fait essayer un, du modèle avec assistance électrique. Ouah! Ça décolle!

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Cela dit, les meilleures choses ayant une fin, il a bien fallu que je rentre. C’est ici que ce billet redevient un carnet de voyage. Car il y a des transports en commun pendant toute la nuit, à Paris, à certaines occasions, dont la nuit de la Fête de la Musique, ce qui est très bien. Ça ne veut pas dire, par contre, que les horaires sont normaux.

J’ai souvent l’impression, vu de Montréal, que les transports en commun parisiens sont quelques peu meilleurs que les nôtres… Maillage, plus fin, réseaux plus étendus, offre de métro plus abondante, en particulier… Mais…

Mais Paris se refait une beauté, en vue des Jeux Olympiques qui approchent, en tout cas, c’est le prétexte (ou un des prétextes) pour faire des tas de travaux, en particulier sur les lignes de métro. La fromagerie Saisons est sur la rive Droite, pas loin de Beaubourg, et la maison de ma cousine est pas loin d’Orly, donc rive gauche. Il y a un point de correspondance vraiment pratique entre là où je suis et la ligne RER C, un seul, c’est la station St-Michel-Notre-Dame… et elle est en travaux, donc fermée. Ppas loin de minuit, je vois que si j’arrive à partir là, là, je vais attraper le métro 14 puis le RER C, avec une correspondance à Bibliothèque François MItterand. Faut que je marche vite vers Châtelet… Après, il n’y a plus de service sur la ligne C.

Avec la foule abondante et ma méconnaissance du quartier, ça ne loupe pas, j’arrive trop tard. Bon, au moins, il y a moyen d’avoir wifi à la station, je trouve un autre chemin: même ligne de métro, même correspondance, puis le bus Noctilien, le N133 vers Juvisy-sur-Orge. Bien. Il est pas loin d’une heure du matin, j’ai quelques minutes de répit entre le métro et le bus.

J’arrive à BFM (pour faire court). Ah, voici le plan du quartier. Mon bus devrait être là, pas loin de l’ascenseur qui est la sortie numéro 4. Voici l’ascenseur… Pas de numéro inscrit, mais bon. Je monte, je sors dans la nuit noire. Il y a un arrêt de bus en face… Bus 48, 64 et 132… Hum… Je marche plus loin, demande des nouvelles à une dame qui me reparle du 132… c’est pas le bon.

Je redescends au point d’assistance RATP dans la station. L’homme me parle de la rue Anatole-France, je lui demande de quel côté, il ne le sait pas et il n’a pas de prospectus… Merci beaucoup quand même, bon, il me reste peu de temps…

Je remonte, marche jusqu’à l’autre rue, je ne vois rien! Il est une heure moins six. Je traverse la rue pour aller demander mon chemin au conducteur d’un autre bus, qui me dit: « Mais il est là, le 133! » en m’indiquant un autobus qui passe le feu derrière moi! Merci beaucoup! Je pars à la course, avec mon violoncelle sur le dos et mes sandales aux pieds… Des tas de gens attendent le bus. Tiens, incluant un homme à qui j’avais demandé si le 133 passait ici, plus tôt, qui, de toute évidence, n’avait pas compris ma question…. Et le numéro de la ligne n’est bel et bien pas inscrit sur l’arrêt!

J’entre donc dans le bus archi plein, conducteur sportif… Pas de places debout, sauf devant la porte de sortie, au centre. Ça secoue. Bon, un strapontin se libère, je peux m’asseoir… et continuer ma lutte contre le sommeil, il est 1h44 et nous sillonnons une banlieue dont je ne connais ni ne vois grand-chose.

Un peu passé 2h, nous arrivons à Ablon. Je marche vers la maison, en me souvenant tout-à-coup que j’ai laissé les clefs dans la poche de mon pantalon moins chic, qui est plié derrière la volute de mon violoncelle, dans mon étui. Je rentre, finalement, vers 2h15.

Ça peut sembler un peu rock n’roll comme retour, mais j’ai eu de la chance. Vraiment! Comment ça? Parce que c’est juste le lendemain matin, en voulant me chausser au sortir du lit, que le rivet retenant la lanière de ma sandale droite a lâché!