Un privilège bien particulier, Paris, jeudi 20 juin 2019

Il faut d’abord descendre jusqu’au deuxième sous-sol d’un immeuble parisien, saisissante progression dans un univers de maçonnerie et de portes glauques, pour en arriver à cet improbable oasis de studio de répétition où ma cousine Emmanuèle et ses complices, Patrick le batteur, Rémi le bassiste (pardon, j’ai oublié leurs noms de familles…) et Red Mitchell, oui, « le » Red Mitchell, se retrouvent pour préparer leurs apparitions.

La répétition commence un peu cahin-caha, puis, après deux ou trois chansons, la groove s’installe. Diantre! Ils sont capables d’être très efficaces. Très, très efficaces! Ils reprennent, avec les moyens du bord, des arrangements prévus pour des formations beaucoup plus vastes, et ça marche. Voilà ma cousine qui rigole et perd ses mots parce que Rémi se balance sur une basse particulièrement obstinée…

On nettoie ceci, on replace ça, et hop! Voilà que des tas de titres sont passés et puis c’est l’heure de l’apéro. Apéro qui sera accompagné d’une telle quantité de petits plats d’olives, de bretzels et de pop corn que c’en sera presque un souper, à vrai dire.

Puis, comme il est tard et que la correspondance est difficile (la station St-Michel-Notre-Dame du RER est fermée), Patrick, très aimablement, nous reconduit, ma cousine et moi.

Ce que je retiens de la soirée? Deux choses:
-d’abord, il n’y a pas que les vins, les fromages et les champignons qui bénéficient de séjours en caves… Certaines chansons aussi!
-ensuite, que certains privilèges n’ont rien à voir avec les sous… Je me suis senti très privilégié d’avoir pu vivre ce moment. J’ai voulu le dire, les gars ne m’écoutaient même pas 🙂 Au moins, ma cousine m’a entendu.

Cela dit, merci encore, et bon spectacle!

Carnet de voyage, Paris, jeudi 20 juin 2019

J’avais vu l’autre jour un avis de consultation publique sur le réaménagement décrit comme était nécessaire des abords de la Tour Eiffel, étant donné le nombre de personnes attendues et gna gna gna et gna gna gna, et consultation publique sur le plan d’aménagement et gna gna gna et gna gna gna…

Bon; mon neveu, apprenant que je passais par Paris, m’a dit: « Tu vas aller voir la Tour Eiffel? Tu vas aller voir la fontaine d’An American in Paris? » Je me suis exécuté l’autre jour pour la fontaine (les fontaines, en fait), qui sont malheureusement cachées par tout plein d’échafaudages… Aujourd’hui, je suis passé près de la Tour Eiffel…

Choc: le pourtour du parvis de la tour est maintenant totalement isolé, entouré par des vitres blindées dignes de la Banque de France ou d’Aéroport de Paris, là où on a de la vue, et de grilles massives, quoique plus esthétiques que l’horrible mur du gros orangé, là où des bois ou des buttes cachent la vue directe.

Je n’ai évidemment pas de souvenir direct de ma première visite à Paris, en 1970… Mais je me souviens des autres, depuis 1987… Des nombreuses fois où j’ai pu aborder cette esplanade « librement », quel qu’ait été le point d’où j’arrivais.

Librement, oui… Et donc, je constate un recul des libertés. En douce. Un autre, quoi…

En contournant, de loin, le pied de la tour (ah, zut, c’était vraiment chouette de juste passer en-dessous!), j’arrive à un endroit où de grands panneaux annoncent ce qui est, hum, suggéré? Planifié? Pour l’aménagement, depuis, déjà, la place du Trocadero, sur l’autre rive… Ici, il n’y a pas de mention d’une éventuelle consultation publique…

Mais de toute façon, les vitre blindées, certainement justifiées par la crainte des attaques, en général, sur ce lieu hautement visité, et en particulier sur le site d’épreuves des Jeux Olympiques à venir, sont certainement là pour rester, consultation publique ou pas…

Alors… Qui a gagné? Les terroristes? Les fauteurs de trouble? Les adeptes de la théorie du chaos qui s’arrangent pour contrôler depuis l’ombre? Les fabricants de matériel de sécurité?

Ah, c’est vrai… Il n’y avait pas de mention, dans le plan de réaménagement, de l’installation de caméras de surveillance… Ni de quel logiciel de reconnaissance faciale serait utilisé… Hum, suis-je rendu trop cynique…

Carnet de voyage, Hückeswagen – Paris, juin 2019

D’abord, en Allemagne, il n’y a plus de sacs de plastique à usage unique.

Oui, mais…? Ça change quoi, dans la vie courante?

Ben, ça change qu’il n’y a pas de sacs de plastique à usage unique. Cet objet si omniprésent chez nous n’existe tout simplement pas en Allemagne. À première vue, on survit 🙂

Par contre, il y a beaucoup de fumeurs, en Allemagne comme en France. L’interdiction de fumer à moins de 9 mètres des terrasses et portes n’est pas du tout quelque chose de seulement envisagé ici. Il y a des cendriers sur toutes les tables en terrasse. Et donc, des fumeurs aussi, évidemment…

Pile comme j’écris, mon nouveau voisin de gauche vient de sortir son tabac et ses papiers à cigarettes; mes voisins de droite ont déjà fini leurs clopes, eux… Bon; allumage, nuage en pleine poire… gnarf…Je suis nettement plus tolérant que dans le temps, avec mon père… Mais bon, j’avoue que ça ne me plaît vraiment pas. Je vais payer et décamper.

Kulturräume, suite et fin, dimanche 16 et lundi 17 juin 2019

Hier, la journée a commencé de bien étrange façon: la recherche d’un endroit où déjeuner! Le premier resto était trop plein, il n’y avait plus de place; le second, hors de la ville, était trop vide, il n’y avait pas de cuisinier! Le troisième, un club de golf, ben, ça a marché. Nous avons tout de même passé une heure à chercher!

Puis nous sommes rentrés, Pendant que B. partait prendre une marche avec L., j’ai pratiqué un tout petit peu et préparé un peu quoi dire, tantôt.

Puis B. est venue me chercher et nous sommes allés à la résidence pour personnes atteintes d’une déficience ou d’une maladie mentale. Le journaliste est arrivé peu après. Pendant son entrevue, il est revenu sur le fait de comment ça se pouvait que je sois venu d’outre-Atlantique pour jouer ici, à Hückeswagen?!? Je crois qu’il pensait que c’était une manière de vacances aux frais de la princesse, pour moi, et qu’il n’en est pas revenu de découvrir que j’avais pratiqué chaque jour!

Puis les résidents de la place sont arrivés, en ordre dispersé. J’ai été averti qu’une jeune femme, attachée dans sa chaise roulante au premier rang, pourrait avoir de la misère si c’était trop fort…

Présentation par B., qui m’a averti qu’elle allait dire totalement autre chose que ce que j’avais envisagé. Je lui fais totalement confiance! Je devine l’essentiel de son message. Puis bon, je joue. Gamme et arpège descendants du début du Prélude de la Troisième Suite. La jeune femme aux oreilles sensibles crie, je radoucis le son, rien à faire… Une aide soignante vient la sortir en s’excusant. La femme qui accompagnait la première sort aussi, par sympathie, je crois. Regard vers B., qui ne bronche pas. Je continue.

La dame âgée juste devant moi a dans le compartiment de sa marchette une poupée de petite fille. Elle la prend et l’assied sur la tablette de sa marchette, en position pour m’écouter. Ouf! Le courant passe. Je continue. Je vois des hochements de tête, J’enchaîne les mouvements sans reprise.

Après la Suite, réaction très positive. B. demande si je continue et propose juste un autre morceau. Évidemment, je fais le Prélude de la première Suite. Applaudissements encore, puis signe de tête: c’est assez. Je range mon violoncelle. Une autre femme attachée à sa chaise, plus au fond, demande pourquoi la musique est déjà finie? La dame à la poupée me demande si je reste à Hückeswagen. Non. Mais alors, quand allez-vous revenir? Je lui promets que, quand je reviendrai à Hückeswagen, je reviendrai jouer pour eux. Le personnel est content, B. aussi.

Nous partons pour une grande marche dans la campagne, avec B., R., J., L. et A.R. Le but de la marche: une maison qui fait jardin ouvert, une autre initiative citoyenne du coin. Nous arrivons près d’une jolie villa avec un très beau jardin anglais qui domine le village voisin. Il y a un petit aérodrome pas loin et un avion passe, tirant un planeur. Le câble largué, le planeur tourne en silence.

Je rejoins Lars, assis sur un banc en haut du jardin. Nous voyons Hückeswagen au loin. Je me suis souvenu, au début de la marche, que c’était l’anniversaire de ma mère, aujourd’hui. L. me suggère de l’appeler, maintenant que c’est une heure décente au Québec. Je lui explique que je marche généralement en wifi, vu le prix de nos appels cellulaires au Canada… Il m’offre de partager la connexion avec son cellulaire. Merci beaucoup! J’appelle…

Quand nous redescendons, les autres sont déjà attablés. Nous passons nous servir des gâteaux et du café ou de l’eau. Les gâteaux sont excellents! J’en fais le compliment à une des femmes qui sert les visiteurs, en soulignant que c’est l’anniversaire de ma mère et que c’est moi qui mange ces superbes gâteaux!

B. suggère alors qu’ils chantent Joyeux anniversaire en allemand pour ma mère. Je rappelle, ils commencent, pile sur la même note sans même s’être consultés, tous les quatre (A.R. est absente à ce moment-là). Ma mère est touchée, je suis ému. Je prends un petit moment pour les présenter par vidéo.

Sur le chemin du retour, je remercie B. Elle avait entendu parler de ces jardins ouverts, comme les maisons ouvertes de Kulturräume, et touvait que ça ferait une belle conclusion à cette semaine. Je suis bien d’accord. Je crois que je vais prendre un autre billet pour parler d’elle, j’ai appris beaucoup de choses pendant la semaine.

Dernier cadeau, en arrivant au village: une femme salue B. et lui parle en me désignant en disant plusieurs fois « morgen »… Je finis par comprendre qu’elle m’entendait pratiquer les matins et qu’elle aimait ces débuts de journées. Elle habite juste au-dessus du salon de coiffure, pile en face du salon où je me trouve en ce moment pour écrire… Merci, madame!

Retour, souper à la pizzeria pas loin (très bonne pizza mais évitez le vin rouge maison!), nuit puis matin… Et c’est déjà mon dernier déjeuner ici. Dernière conversation, dernière marche vers le travail, dernier bilan…

Fondamentalement, le projet de Kulturräume, c’est de rendre les gens heureux. Ça a marché. Merci, merci beaucoup! Au revoir, B.

… Bon; A.R. vient me chercher pour me reconduire à Cologne dans une heure… Faudrait bien que je fasse mes bagages… Et s’il me reste du temps, jouer quelques notes pour la voisine d’en face?

Quelle journée! Kulturräume, Hückeswagen, samedi le 15 juin 2019

Ça a commencé presque calmement, par le traditionnel café avec B., puis nous sommes allés déjeuner en bas, à l’hôtel où ses amis J. et L. sont descendus. Puis quelques courses. Puis un peu de pratique et la vraie préparation: coiffeur, pour elle, étude attentive du Tremblay pour moi… Installation des chaises au salon, rapide salade en ville (pour moi), dernières courses de préparation ici et là…

Puis les gens ont commencé à arriver. Des amis, d’abord, il n’était même pas deux heures. Je faisais un genre de sieste sur le divan du salon. Puis, à partir de deux heures, les « vrais » participants. Le salon se remplit vite. Quelques minutes de révision des passages difficiles du Reger, quelques minutes au salon, je passe mon cellulaire à Lars, avec instruction de filmer la première pièce seulement. B. me présente, puis hop.

Je m’aperçois que d’autres gens filment. Ça m’ennuie et me distrait. Oups. Mais bon, le prélude de Bach passe plutôt bien. Reger, maintenant… De mémoire, oui. Je suis peut-être rendu à la troisième ligne que ça me frappe: hey, c’est la première fois que je joue cette pièce en concert « officiel » (soit dit sans vouloir offenser le public de mon concert d’essai)! Une demi seconde de chicane mentale: Grrr! T’aurais pas pu y penser plus tôt? Gnarf!

Bon; quart de seconde suivant: « Mets ça dans ta besace, mon grand, desserre les deux mains, concentre-toi, continue! »

À ma droite, le patron de B., avec qui je parlais presque juste avant de commencer. Nous parlions justement de stress, de respect du public, de présence publique… Et là j’ai un moment de faiblesse devant lui. Bon; tant pis, je continue, il le faut bien. Un autre, un autre encore… Je fais de mon mieux ce que je suis capable de faire.

J’arrive à la fin de mon premier vingt minutes. Les applaudissements sont nourris, quelques personnes viennent me féliciter, le patron part sans même un regard… Tant pis. B., elle, est contente, et même émue: il se passe dans son salon ce dont elle avait rêvé. Moi, je suis moyennement satisfait, mais disons que pour un premier set, ça va.

Avant le prochain, j’ai une heure de libre. J’en profite pour sortir. Il fait beau, contrairement à ce que disaient les prévisions. Je visite quelques expositions, j’entends quelques notes d’un duo chansonnier à guitare – basse, avec presque toute la salle qui reprend le refrain en chœur, je vois partout des gens heureux et souriants. Je suis heureux moi-même d’en faire partie.

Pour la demi-heure avant mon deuxième set, je remonte au salon et prends la partie de Cèdres en voiles, car je vais me risquer à jouer de mémoire. Révision intense parmi les visiteurs de l’exposition, puis quelques minutes dans ma pièce.

Je reviens dans le salon juste quelques minutes avant l’heure prévue. Je m’aperçois que plus de soixante personnes attendent le début de mon « live » Fb… Mais L. n’est pas là! Alors, bon, je demande à la cantonade si quelqu’un veut bien m’aider… La dame devant moi se porte volontaire. Allez. B. lit l’introduction. J’avais mis un avertissement sur le caractère difficile de la pièce dans mon projet de présentation. J’entends B. le mentionner. Elle rajoute l’épisode de jeudi, quand j’ai joué à la réunion du groupe anti-nazis. Je suis content qu’elle l’ait mentionné . Je commence par le Prélude de la 3e Suite.

Tout de suite, ça va mieux: meilleur son, plus juste, plus de liberté et d’invention… Sarabande… Puis Cèdres en voiles. Juste avant de commencer, j’avais constaté que plusieurs personnes m’écoutaient les yeux fermés… Non, ils ne dormaient pas, il me semble.

Mais là!… Je fais se déchaîner la violence de la pièce, son âpreté, sa dureté… mais aussi, autant que je peux, sa douceur, ses doutes, sa légèreté… J’essaie de personnaliser le plus possible chaque thème de cet espèce de rondo-sonate, finalement relativement simple dans sa forme (ça m’a pris beaucoup de temps pour m’en apercevoir!), j’essaie de faire entendre la voix de Gilles et les conseils d’Emmanuel et de Raphaël…

Après la dernière harmonique, silence complet…. Yeux fermés encore, quelques têtes baissées… J’attends quelques secondes avant d’entamer la Gigue de la 3e Suite. C’est jour de fête, je veux ramener la joie.

Tonnerre (relatif, il n’y a quand même que deux douzaines de personnes mais le salon est totalement plein!) d’applaudissements. Parfois, je ne sais pas comment prendre les manifestations du public, mais cette fois-ci, ça va. Je sais que j’ai beaucoup travaillé et beaucoup donné, et que j’ai rejoint les gens qui m’écoutaient. D’ailleurs, j’ai plusieurs commentaires et remerciements. Un en particulier me touche beaucoup: K., le mari de J. (un couple de probablement plus de 80 ans, que j’avais rencontré l’an dernier), affecté, me serre la main en me disant: « We’ve known the war… What you did was very good!… » Ce commentaire-là m’est précieux. Merci beaucoup.

Seulement une demi-heure de pause avant le dernier set. B. est émue, ça me touche. Je suis nettement plus content qu’après le premier set.

Bon; dernier set. On dirait qu’il y a de plus en plus de monde, je ne sais pas si c’est possible. Présentation, premier et troisièmes mouvements de la Sonate de Cassadó, puis. finalement, Obstination. Nouvelle salve d’applaudissements, encore plus nourris, et puis ma participation à Kulturräume est terminée. Déjà…

J’ai le sentiment agréable d’avoir joué de mieux en mieux au fur et à mesure que la journée avançait, sentiment confirmé par B. Elle me dit qu’elle se demande ce que ça aurait été si j’avais joué deux heures, comme je le prévoyais initialement!

Nous rangeons sommairement la pièce, pour les derniers visiteurs de l’exposition , puis je pars écouter les dernière note du combo jazz à l’espèce de brasserie là-bas. J’arrive un peu tard, la pièce est archi pleine. Alors, j’écoute depuis la rue, sous la fenêtre ouverte. C’est franchement pas mal du tout. Une femme passe, qui vient me voir; je l’avais aperçue à mon dernier set. Elle me félicite et me demande combien de temps je pense rester à Hückeswagen. Je repars lundi. Elle en est désolée. Elle a été pendant 34 ans violoniste à une des philharmonies du coin, j’ai malheureusement oublié laquelle. Elle me dit qu’elle joue Bach, Paganini, Ysaye pour son plaisir et qu’elle m’aurait demandé de jouer de la musique de chambre si j’étais resté dans le coin. Merci beaucoup, derechef.

Puis c’est le souper avec les autres artistes et les exposants, puis une dernière bière, puis B. vient me chercher: un journaliste était supposé passer me voir, pour faire une entrevue, il ne s’est pas présenté et a demandé qu’on le rappelle!

Nous rejoignons le journaliste. Il se trouve qu’il est libre le lendemain. Hum, je m’aperçois que j’ai oublié de mentionner la marche avec B., le lendemain de mon arrivée… Nous sommes passés devant une institution pour malades mentaux et j’ai proposé de jouer là. Je pensais utiliser ce moment comme une pratique pour les récitals d’aujourd’hui, mais finalement c’est le dimanche après-midi qui avait été retenu. J’ai cru que c’était une malchance… jusqu’à maintenant! Donc, marché conclu, le journaliste va venir m’interviewer demain avant que je joue pour les pensionnaires et il va aussi écouter un peu comment je joue.

Sur ce, la soirée à la maison de la culture est pas mal terminée, alors dessert, dernière bière et dodo. La suite demain, avec une journée de retard, encore…

Sortie de crise, Kulturräume, Hückeswagen, vendredi 14 juin 2019

Comme j’ai quand même des temps libres, je me suis porté volontaire pour donner des coups de main, à B. évidemment, mais aussi à B. G., un peintre et sculpteur que nous avions visité l’an dernier.

Alors, hier matin (j’écris ceci samedi matin, le 15), j’ai pratiqué en partie pendant qu’A.R. P. et ses amies installaient les toiles d’A.R. chez B., j’ai un peu aidé à l’installation, puis j’ai aidé l’homme qui venait porter des chaises à les sortir de sa remorque, puis les ai montées, puis…

Puis il était trois heures, l’heure d’aller aider B. G. à installer ses toiles à l’église au bout de la rue. Nous arrivons, B. et moi, pour trouver B. G. et M., son épouse, dépités car l’aide promise par la ville n’est pas en place. Il y a de grandes barres de suspension d’œuvres d’art, à peut-être huit ou neuf pieds du sol, mais les filins qui devraient permettre de suspendre les cadres depuis les barres ne sont pas en place.

Dans l’église, il y a un homme plutôt ventripotent en t-shirt vert, entre deux âges, qui commente sans arrêt la situation en me prenant à témoin, sans comprendre que je ne pige pas un traître mot de ce qu’il débite à grande vitesse. Mon allemand archi limité ne me permet que de saisir quelques morceaux ça et là… B. retourne chez elle chercher ses propres filins de suspension (elle a le même système chez elle!), prend aussi les fils de la maison de la culture et revient. Toujours pas de nouvelles de la ville. Tout semblait pourtant réglé…

Bon; l’homme en vert a une échelle, il peut bien aider à suspendre les tableaux… Ça ne semble pas lui tenter trop trop, mais bon… Il commence par expliquer comment faire… B. lui rétorque que B. G. sait ce qu’il faut faire, qu’il est professionnel de la chose depuis plus de cinquante ans… Même en allemand, je comprends tout. Elle repart s’occuper d’autres affaires, en me demandant de rester. Je crois qu’elle anticipe quelque chose…

L’homme en vert installe les fils pour un premier tableau, fils auxquels sont fixés des crochets tenus par des vis qui doivent être bien serrées. Nous suspendons un premier tableau; ça semble aller. Puis c’est la préparation de la suspension du second… Lorsque nous l’avons en main, l’homme en vert, qui tient le côté droit, constate que le crochet n’est pas assez serré (c’est B. G. qui l’avait resserré) et il en fait tout un plat, avec le geste même d’arracher le crochet du fil. B. G. n’en peut plus et prétextant des candélabres assez moches qui séparent les deux tableaux, décide de tout ranger et de repartir. Je vois M » les yeux pleins d’eau. B. G., qui n’est vraiment pus jeune du tout, est accablé.

Je cours chez B., nous revenons à l’église, les deux tableaux et les fils sont déjà retirés. Tout le monde parle en même temps. Il y a certainement quelque chose à faire…

J’enlève la chaîne qui ferme l’escalier d’accès au balcon et monte. C’est un grand balcon en U qui fait presque le tour de la salle. Il y a de grand bancs sur les côtés. B. et M. me suivent, avec des cadres. Les grands bancs ne font pas l’affaire: les cadres glissent. Mais M. et B. G. discutent en regardant vers les côtés du chœur de l’église.

Il y a des bancs là aussi, des deux côtés de l’autel. Sur les bancs, des grands coussins qui ne dérapent pas. B. G. pose un tableau, puis deux, puis… Finalement, toute l’exposition se fait des deux côtés du chœur.

L’homme en vert, qui était parti ranger son échelle, revient et constate l’installation. B. (elle me le dira plus tard) lui dit de serrer la main de B. G., mais il fige… C’est M. qui ira lui serrer la main en premier.

B. G. et M. me remercient avec chaleur. Ils sont contents et soulagés.

Plus tard, après la distribution des laissez-passer et deux visites de maisons qui seront ouvertes le lendemain (une est dans un état incroyable!), B. et moi prenons une bière en attendant ses amis à leur hôtel. Elle est contente que je sois resté avec B. G. et M., et que je sois resté calme. Moi, je suis content qu’elle ait eu l’intuition de me dire de rester même si je me sentais inutile, à un moment donné.

Puis elle me dit que M. avait eu l’idée de mettre les tableaux sur les bancs près du chœur, dès leur arrivée sur place! Elle ajoute que c’est souvent ce qui arrive avec les idées des femmes: elles ne sont pas adoptées tout de suite, ni même toujours prises en compte…

… Soupir… Ça me rappelle des conversations avec Gaël, ma prof de yoga…

Esquissé passé: Skulpturenpark Waldfrieden, ou conduire en Allemagne, jeudi 13 juin 2019

B., qui commence à me connaître, me parle d’un parc rempli de sculptures de grandes tailles, à Wuppertal, une ville voisine. C’est autour d’une villa de l’après-guerre, restaurée mais pas visitable, dans un bois à flanc de colline, Très beau parc, avec une hôtesse parlant très bien français, ce qui est rare dans l’Allemagne contemporaine… Il y a beaucoup d’œuvres de Tony Cragg, qui est l’idéateur du domaine, mais aussi de plusieurs sculpteurs modernes, Allemands ou de l’Europe proche, et deux superbes Henry Moore. Un homme en béquilles a tenté de m’expliquer l’histoire d’une des deux sculptures de Moore, dans un anglais fortement mâtiné d’allemand. J’en ai retenu que la statue s’est promenée pas mal, et dans des conditions pas toujours glorieuses, avant de se retrouver ici, et qu’il est très fier qu’elle soit enfin à sa place, dans ce splendide parc à Wuppertal.

Il y avait une exposition temporaire d’un sculpteur Suisse dont le nom m’échappe, un ancien infirmier, si j’ai bien compris l’explication, qui s’est mis à faire des danseurs et acrobates ambigus, ça faisait penser aux corps de Pompeii… Troublant! Pas de photo possible, vu la lumière et ma technique et mon appareil…

Cela dit, pour me rendre, il m’a fallu prendre l’auto. B. me fait confiance et me prête sa petite Kia manuelle. Bon; y’a des côtes partout, y compris juste en partant, en marche arrière!… Il y a un GPS qui me parle allemand et m’indique les limites de vitesses, qui changent tout le temps, mais alors, vraiment tout le temps! Et il y a des tonnes de radars photos! J’avoue avoir été stressé un petit moment… Jusqu’à ce que je remarque que les conducteurs allemands ne manifestent apparemment jamais d’impatience. C’est très agréable.

  • – – – –

Dans le parc-musée, petit moment cocasse: il y avait un couple de Français dans la fin soixantaine et deux Allemandes du même âge qui visitaient ensemble. À un moment, j’en vois trois qui se placent devant une sculpture pendant que la quatrième se prépare à prendre la photo. Je me propose pour les photographier ensemble. La dame me passe son appareil avec un grand sourire puis va vers le groupe. Échange de signes avec l’homme, qui finit par se retrouver entre deux femmes dans le groupe. Il fait une remarque sur son « harem », je lui dis que c’est dommage que j’aie juste pris la photo et pas filmé, qu’on aie pu entendre son commentaire Badinerie sur le sujet de faire sourire ou de faire chanter… Puis, comme je m’éloigne, j’entends une des Allemandes dire avec un gros accent: « Mon mari aurait dit: ‘Un chien et trois os!’ »

Kulturräume, Hückeswagen, 11-13 juin 2019

Bon; je n’ai pas beaucoup écrit sur la préparation du festival, ces derniers jours… Je n’ai pas raconté le sourire lumineux de B. qui, équipée d’un pinceau d’artiste, s’attaque aux défauts de ses murs, à l’aide d’un genre de plâtre pré-coloré, ni de son sourire à la fois lumineux et totalement espiègle lorsque, ayant trouvé un trou qui ne se bouchait pas avec son produit, elle m’emprunte mon dentifrice pour faire le même travail! Le sien ne marche pas: il est rouge!

Je n’ai pas parlé de ma pratique dans ce nouvel espace, le salon chez B., qui est mon terrain de jeu samedi; de la conscience des bruits inhabituels par la fenêtre, de la tentation d’être gêné et de penser à ce que les gens vont penser et du nécessaire combat contre ces pensées…

Chaque soir, je joue un peu « pour de vrai ». Mardi soir et mercredi soir, j’ai joué respectivement Obstination et Cèdres en voile pour B., mais hier j’ai fait un peu plus. B. m’avait dit, à mon arrivée, qu’elle aurait une réunion de son groupe antinazi ce soir. J’ai proposé de jouer Cèdres en voiles, justement, après avoir décidé d’ajouter cette pièce à mon programme le jour où j’ai appris à la fois l’existence du groupe et sa nécessité, ainsi que l’implication de B.  C’était le 10 mai dernier, je crois en avoir parlé.

La réunion se tenait dans la vieille bibliothèque de la ville, qu’un autre groupe, encore mené par B., a sauvée de la fermeture, il y a quelques années. …Vous dites? Oui, c’est en effet une personne remarquable. Très attentive, généreuse, très organisée mais jamais stressante (elle absorbe le stress plutôt que de le redistribuer), elle distribue avec enthousiasme les dépliants de Kulturräume à tout le monde qu’elle croise, ou presque. Et elle fait tout ça en amateur. Elle ferait un excellent agent culturel, et je pèse mes mots.

La réunion, donc: deux hommes et cinq femmes entre deux âges, encore (je ne me suis pas compté mais j’aurais été le cadet, je crois), plus deux hommes et une femme beaucoup plus jeunes, ouf! Ça faisait du bien de les voir. La conversation porte sur les résultats du vote aux récentes élections européennes. Hum, je devrais peut-être faire un billet plus spécifiquement là-dessus, je sens que je glisse vers le hors-sujet…

Toujours est-il qu’à la fin, B. a résumé la petite présentation que j’avais préparée, puis j’ai joué. La réaction générale a été assez chaleureuse, mais je retiens en particulier que Be., une amie de B. que j’avais rencontrée l’an dernier, est venue me parler spécifiquement de la remarquable expressivité de la pièce. Youppi! Une personne convaincue! 🙂

En rentrant, B. me confie qu’elle n’est pas totalement satisfaite de la présentation et qu’elle va la repratiquer aujourd’hui; elle ajoute qu’il faut pratiquer pour être bon. Je sais, c’est pour ça que je pratique, parfois. 🙂

Esquissé passé: yoga à Hückeswagen, mardi le 11 juin 2019

J’avais certainement parlé de yoga avec B., car elle a décidé de m’inviter à son cours, ce soir. Style kundalini… Je ne sais pas trop à quoi m’attendre.

Bon; je me retrouve en minorité à plusieurs titres: le seul à ne pas parler allemand, le seul Nord-Américain et le seul homme. Je suis pas mal dans la moyenne d’âge, je crois. La prof, qui est enceinte jusqu’au menton, est la plus jeune. Les autres femmes sont toutes entre deux âges et vont de la blonde mince à celle qui a une voix et des mains d’homme. Ça ne fait rien, c’est encore moi le moins souple… Bon, passons.

Alors, y’a des pauses à tenir longtemps, d’autres à enchaîner vite, d’autres à tenir encore plus longtemps, avec une musique diffusée depuis un iPhone pour nous aider à patienter.

Les instructions sont évidemment en allemand, mais il y a des mentions en anglais, merci beaucoup… Je finis par comprendre les mots pour inspirer, expirer, tenir, et profondément…

Comme je suis encore nettement décalé dans mon horaire, je passe proche de m’endormir assis, chaque fois qu’elle nous fait tenir longtemps une posture assise… La bonne chose, c’est que je n’ai pas beaucoup plus dormi lors du shavasana… J’ai même entendu quelqu’un d’autre ronfler!

Puis, nouveauté totale, elles ont chanté deux mantras à la fin! La plupart chante juste, mais pas ma voisine! Heureusement, ce n’était pas B.

Esquissé passé, Europe, lundi 10 juin 2019

-… Alors j’avais acheté des billets d’avance, pour ne pas être à court, mais une fois dans le train, j’me dis mince, j’ai pas mes tickets! Juste au moment où le contrôleur entre dans le wagon. Mais là, y’avait une personne de couleur… Alors le contrôleur va la voir, passe un moment avec…. Juste assez longtemps pour que le train entre en gare. Alors je sors en douce, en me disant que je vais racheter des tickets et attendre le train suivant… Ben, j’te dis, j’étais loin d’être la seule personne sur ce coup-là, hein?