Esquissé passé, Outremont, jeudi 14 décembre 2017

La grand-mère est allongée sur le divan, juste à côté. Au début, elle a commenté (félicité) quelques fois, mais là, elle ronfle, carrément.

Le chien, ou plutôt le chiot, a été castré il y a quelques jours. La pauvre bête se promène avec un collier en entonnoir, ce que les anglos appellent un col élisabéthain (c’est pas une blague), et se cogne un peu partout. Au début de la leçon, il jappe férocement. Bon, eh, je suis juste en train d’accorder!

Mon élève appelle son mari, pour qu’il vienne s’occuper du chien; T. passe et joue avec le chien trois minutes puis retourne au match. Il remontera quelques fois, descendra le chien, qui remontera systématiquement.

Max (le chiot en question) finit par se trouver un jouet qui lui convient: un genre de dinosaure (un stégosaure, me semble), violet et bleu, avec des écailles jaunes.

Il installe sa peluche entre les deux chaises de la leçon de violoncelle et se met à la zigner énergiquement. Je le regarde faire, en disant: « Trop tard… »

Je ne sais plus si c’est le chiot qui zigne ou la grand-mère qui ronfle, mais K. et moi éclatons de rire.

La soirée et la leçon ne sont pas finis. Max pissera de joie lorsqu’il reconnaîtra l’amie d’O., le fils de K. et T.

Euh, oui, pardon? La musique? Ben, ça va très bien, merci!

Académie de musique de chambre, Westmount, dimanche 9 juillet 2017

(oui, rédigé avec un peu de retard…)

Après avoir reçu des leçons de musique de chambre de cinq professeurs différents, au long de sept séances de cours réparties sur les dix jours de l’académie, les élèves en sont finalement rendus à leur concert.

Je suis particulièrement attentif à un quatuor à cordes, composé de « mes » élèves de musique de chambre (dont, en fait, deux anciens élèves de mon père) et un élève de Mana.

En fait, en les écoutant, j’ai été ému, vraiment: gorge serrée, larmes aux yeux…

Je suis certain qu’ils vont surtout se souvenir des accidents, des hésitations, des accrocs qui ont émaillé leur pièce…

Il y en a eu, certes… Mais il y avait surtout un groupe de gens qui s’écoutaient attentivement, qui jouaient vraiment ensemble, qui prenaient soin les uns des autres, par les gestes, par les regards, par les sourires…

… J’ai vu sur internet l’enregistrement vidéo d’un excellent violoncelliste et d’une excellente pianiste qui jouent une pièce magnifique, en même temps dans le même concert, mais pas ensemble… D’accord, il n’y avait pas d’erreurs majeures, mais…

… Mais « mon » quatuor a vraiment fait de la musique, lui.

(J’ajoute que « mon » quatuor a montré, en jouant comme il l’a fait, que tout le monde avait compris et retenu l’essentiel de nos leçons…)

« Bravo et merci », comme dit Michel Fugain.

Musique de chambre (Westmount, mardi 4 juillet 2017)

Trio violon-violoncelle-piano, troisième mouvement. Pianiste: une dame dans la soixantaine, violoniste: une adolescente qui en est à ses premières armes en musique de chambre, même si elle a déjà pas mal d’années d’instrument. Pas grave, il est toujours temps de s’y mettre. Mesure 6/8, donc deux temps, oui, tout est bien expliqué… Premier motif, il y a une blanche pointée liée à une croche, puis une fioriture… La fioriture est toujours d’avance…

Nous sommes deux profs dans la classe: je joue la partie de violoncelle, Marcin supervise le tout. Nous expliquons plein de choses sur le comptage, sur la mesure…

Fioriture d’avance…

Nous jouons tout le mouvement d’un coup; tout fonctionne presque bien; je rattrape deux ou trois accidents de la violoniste, nous arrivons ensemble à la fin…

-Tu t’es perdue, quoi, une douzaine de fois?

-Oui, à peu près…

-Sur cette douzaine, combien de fois pensais-tu être en retard?

-Toutes les fois…?

-Oui, et combien de fois étais-tu vraiment en retard? Aucune… Combien de fois étais-tu d’avance? Toutes… Attention à l’impression d’être en retard; c’est souvent notre cerveau qui nous joue des tours…

Nous recommençons… La fioriture est encore d’avance.

Marcin explique qu’il y a le temps de respirer avant de jouer le motif, démonstration à l’appui. Nous recommençons.

Fioriture d’avance…

Pourtant, ça devrait être clair, avec tout ce qu’il y a autour…

Soudain, l’illumination:

-Quand tu joues, écoutes-tu ce qui se passe alentour, ou essaies-tu de rester concentrée sur ta partie seulement et de ne pas entendre le reste?… Sois honnête…

Petit sourire gêné:

-J’essaie de ne pas écouter…

[ça fait trois quarts-d’heure que le cours est commencé, je me trouve un peu toto de ne pas y avoir pensé avant!]

… Alors bon, la première qualité d’un musicien c’est l’écoute, tout ce dont tu as besoin est dans la partie de piano, et toute ma leçon habituelle…

Puis la fioriture est au bon moment.

J’espère qu’elle va se souvenir longtemps de cette leçon 🙂

L’Académie de musique de chambre (Westmount, 30 juin – 9 juillet 2017)

Mana, une violoniste avec qui j’ai le plaisir de faire de la musique de chambre, est aussi prof de violon. Son mari, Martin, est pianiste et prof de piano. Katarzina, dite Kasia, est violoniste et prof de violon; son mari, Marcin (non, ce n’est pas une faute de frappe, il est Polonais), est bassiste et prof de… musique. Oui, il y a bel et bien un genre de patron qui se répète, ici, et je m’inclus dedans.

Nous enseignons tous la musique en privé; Mana et Kasia ont même leurs propres écoles « officielles » à la maison, en plus de celles où elles enseignent à l’extérieur.

Donc, nous enseignons tous en privé, à des élèves qui prennent des leçons individuelles, et arrivons tous au même constat: c’est bien beau, les cours individuels, et pour la technique instrumentale, c’est pas mal la seule solution, mais pour ce qui est de la musique comme moyen d’échanger, la meilleure école (au sens large) est encore la musique de chambre, c’est-à-dire en petit groupe, sans chef d’orchestre.

Je reviendrai éventuellement sur les fondements de cette approche, musique instrumentale apprise en solo versus musique de chambre; pour le moment, ce à quoi je veux en venir, c’est que Mana, qui est une personne pleine de ressources, a organisé une académie d’été de musique de chambre, dont c’est présentement la troisème édition, et que depuis le début j’ai le plaisir d’y enseigner.

L’académie fonctionne selon un principe simple, et courant dans ce genre d’entreprise: il y a des cours chaque jour, puis deux concerts: un concert des profs (qui sera mercredi soir, en ai-je parlé?) et un concert des élèves (qui sera dimanche après-midi, j’en reparlerai).

Mana choisit les répertoires: celui des élèves, pour les cours, et celui des profs, pour notre concert. Nous commençons nos répétitions dans la semaine précédant l’académie.

Ce qui est vraiment intéressant, dans cette façon de faire, c’est que nous avons l’occasion de nous appliquer à nous-mêmes les principes que nous allons enseigner la semaine suivante… Dans mon cas, c’est bien simple…

… Je devrais demander à mes élèves qui me suivent sur ce blogue ce sur quoi je vais insister, pour voir s’ils me suivent aussi dans mes cours… 🙂

Mais je sais aussi que, cette année, j’ai enseigné les extensions de la main gauche à bien du monde (une année normale, quoi…) et je me souviens avoir dit que l’immense majorité du temps, on fait l’extension 1-2; une petite minorité, on fait l’extension 3-4; j’ai ajouté, dans un ou deux cours, que si on a à faire l’extension 2-3, c’est qu’on est dans le trouble.

Or, dans le magnifique quatuor avec piano opus 47 de Robert Schumann, il y a ce passage-ci:

Mon meilleur doigté, pour le moment, comprend, dans l’ordre, les extensions 2-1, 4-3, 4-3, 2-1, 3-2, 3-2, 3-2, 2-1 et plusieurs démanchés.

Gnarf…